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La Corse dispose d'un patrimoine d'une incomparable beauté et d'une inestimable richesse. Etre dépositaire d'un patrimoine d'une aussi exceptionnelle beauté et d'une aussi incomparable richesse excite les convoitises, aiguise les appétits de promoteurs de tout poil, soucieux de s'approprier ce fantastique potentiel touristique à d'uniques fins spéculatives.
Et c'est bien pour cela que notre île toute entière, et l'Extrême Sud en particulier, sont devenus terres d'enjeux. Ce n'est pas nouveau. Voilà plus de trois décennies que des banques, de grands groupes financiers (AXA, Lefèvre, Dewez pour ne citer qu'eux) se sont rendus acquéreurs d'espaces remarquables souvent protégés et à priori inconstructibles. Ils les ont acquis à bas-prix. Dans les années 60, les 130 hectares du superbe domaine de Sperone-Piantarella l'ont été à raison de 1F le m2. Or qui ne sait qu'aujourd'hui que l'île de Cavallu est devenue une enclave nourrie de capitaux douteux? Elle a échappé à toutes les règles édictées en matière d'urbanisme avec l'active complicité des services de l'état et des municipalités de Bonifacio. Si lointains ne sont pas les temps où il était même difficile d'accoster librement, autrement que sous l'oeil de vigiles en armes. Il a fallu se battre pour qu'il n'en soit plus ainsi.
De tous temps, à leur honneur, les Corses se sont dressés quasi unanimes contre les prédateurs et les pollueurs : en témoignent les luttes remarquables contre les boues rouges ou le projet de stockage des déchets radioactifs dans le massif de l'Argentella. S'ils ont reculé, les vautours n'ont pas renoncé. Plus que jamais les sites de l'Extrême Sud, et sans doute bien d'autres, excitent la boulimie des investisseurs d'autant que les coûteuses mais nécessaires infrastructures réalisées sur fonds publics (ports, aéroports, barrages, routes) ont davantage encore aiguisé leurs convoitises. Les évènements qui, pendant plus d'un quart de siècle, ont secoué l'île, la violence pour ne pas la nommer, ont pu servir de bouclier contre l'accaparement et la privatisation de nos rivages. Ces temps ne sont plus.
Aujourd'hui certains envisagent à nouveau de construire un très gros complexe touristique sur le site de la Testa Ventilègne dans la baie de Figari. Le groupe AXA y possède toujours un vaste domaine de 800 hectares sur un site protégé, vierge encore de toute construction. Ce site étant inconstructible, la multinationale n°1 mondial de l'assurance souhaite le revendre au Conservatoire du littoral, qui souhaite l'acquérir. Mais il y a un hic et il est de taille, ce sont des visées privatives qui y font obstacle.
Après les révélations faites par l'association ABCDE, est-il concevable qu'aucune réaction ne soit venue des services de l'état, des élus communaux ou territoriaux sur les projets qu'aurait concoctés M. Guelfi à Bonifacio, auquel viendraient prêter caution et main forte François Santoni, Jules Filipeddu et autres si l'on en croit un récent numéro de Paris-Match? M. Guelfi affirmerait pouvoir attirer les capitaux américains et être le seul à même de pouvoir obtenir un consensus sur ses projets faramineux. Il ne s'agit rien moins que de creuser le goulet de Bonifacio jusqu'aux confins de l'Orenaggio, ce qui induirait la disparition de l'hôpital pour ne citer que lui. S'y ajouteraient le percement d'un tunnel à l'entrée sud de la ville et la réalisation d'un très vaste parking souterrain.
On voudrait également édifier sur la zone de Canetto, près d'un étang protégé, 400 bungalows-mini-villas de location, sans préjudice de 50 lots à bâtir, assortis d'un centre commercial et d'un hôtel 4 étoiles, alors qu'une récente décision du tribunal administratif de Bastia a confirmé l'inconstructibilité de la zone. Est-il pensable que cela ne concernerait ni la municipalité ni l'état? On croît rêver. Et pourtant tout le monde se tait.
En aval de la boucle de Palumbaghja ou sur la côte bonifacienne, des tentatives de déclassement de certains espaces protégés de notre littoral sont faites en catimini pour permettre qu'on édifie des constructions. On permettrait que s'édifie sur la pointe de la presqu'île de Palumbaghja un hôtel quatre étoiles de 700 m2 sur l'emplacement de la demeure de l'ex roi des Belges, demeure construite sans permis il y a plus de trente ans. Au nom de quelle loi, de quel règlement d'urbanisme peut-on rebâtir sur un lieu ultra-protégé? Comment peut-on obtenir un permis de construire dans ces conditions? Qu'à cela ne tienne, avec la bénédiction du maire de Porti Vechju et des services de l'état, on modifiera le zonage et l'on pourra construire ce que l'on voudra. Singulière adaptation de la "loi Littoral". Et que l'on nous explique comment ici comme à Figari (Testa), priorité ne pourrait être donnée au Conservatoire du Littoral?
Eh bien, dût-on nous censurer, tenter d'occulter notre message, nous ne nous tairons pas. Prenons garde à ne pas perdre nos rivages de manière irréversible. La loi Littoral est et demeure une excellente loi pour la Corse et elle doit y être appliquée car elle est garante de l'intérêt général. Nous demandons à tous les acteurs de la société, élus, organisations, partis, syndicats, personnalités du monde économique, social et culturel, de venir renforcer le collectif qui demande son application. Quand nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer sur une terre perdue de manière irréversible, il sera trop tard.
Que chacun garde présentes en sa mémoire les célèbres paroles du pasteur Nemeyer prononcées en des heures sombres de l'Histoire du monde : Quand ils sont venus arrêter les juifs, je n'ai pas protesté, je n'étais pas juif. Lorsqu'on a arrêté les communistes, je me suis tu, je n'étais pas communiste. Lorsqu'on a arrêté les catholiques, je n'ai pas protesté, je n'étais pas catholique. Lorsqu'ils sont venus m'arrêter, il n'y avait plus personne pour protester. Méditons ces terribles paroles, brisons la chape de plomb. Sinon, quoi que soit son devenir institutionnel, il y aura pour la Corse, à n'en pas douter, des lendemains qui déchantent. Mais qu'en pensent tous les princes qui prétendent nous gouverner?