Mercredi 9 mai 2012, devrait s’ouvrir le prochain chapitre juridique d’un combat de longue date. Devant la Cour d’appel de Bastia, U Levante demande la remise en état de la zone humide de Petracurbara. En 2011, alors que les auteurs du comblement étaient condamnés, le juge n’a pas ordonné la remise en état des lieux, remblayés par des gravats et déchets du port de Cagnanu.
A contrario, la zone humide continue à être comblée….
2008. Accumulation de gravats sur l’arrière-plage de Petracurbara pour combler la zone humide.
Comblement en direct….
Sauvegardons les zones humides : elles sont notre réservoir d’eau potable, le filtre des nappes phréatiques ; elles permettent de stabiliser le littoral contre les tempêtes, de maîtriser les crues, de recharger les eaux souterraines, de retenir les sédiments et matières nutritives… Ajoutons encore, pour ceux qui ont la fibre environnementale, que les zones humides sont un réservoir de diversité biologique. Inutile de dire que leur contribution à la santé et au bien-être humain est vital.
Depuis 1990, U Levante et de nombreuses autres associations de protection de l’environnement ou des organisations politiques agissent pour empêcher la zone humide de Petracurbara (Capicorsu) de disparaître. En 1990, en effet, les premiers 2 000m2 étaient comblés par des gravats déposés sur les terrains proches du restaurant du bord de mer. Et, depuis cette date, de manière quasiment ininterrompue, on assiste au comblement de l’arrière-plage de Petracurbara : vaste zone humide, zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique de type 1. L’État lui-même a porté plainte à plusieurs reprises.
On s’étonne ? Le cadastre laisse apparaître une arrière-plage divisée en plusieurs parcelles (propriétés Catoni) séparées par des allées, ressemblant fort à un projet de lotissement.
Des auteurs des comblements ont beau avoir été condamnés en 1997, ils ont continué les années suivantes à déposer des gravats. Ainsi, le 11 janvier 2011, Joseph Constant et la Société méditerranéenne de travaux publics ont été respectivement condamnés à des amendes de 7 500 et 15 000 euros. Les contrevenants ont également été condamnés à verser 2 000 euros de dommages et intérêts à U Levante ainsi qu’à France Nature Environnement.
Mais la remise en état des lieux n’a pas été prononcée. U Levante a fait appel pour l’obtenir.
C’est ce mercredi 9 mai 2012, dans quelques jours, que le dossier devrait être de nouveau jugé devant la Cour d’appel de Bastia.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, la municipalité de Petracurbara (complice ?) emboîte le pas vers la disparition de la zone humide. Le projet de PLU intercommunal du Cap, en cours d’enquête publique, prévoit en effet, à Petracurbara (voir carte ci-dessous), la création de deux parkings et d’une zone urbanisable sur les parties illégalement comblées. Jusqu’au 22 mai, tout citoyen peut donc porter ses observations en se rendant dans les mairies ou écrire aux commissaires enquêteurs.
À quelques semaines des élections législatives, l’appel est également lancé aux candidats : et s’ils intégraient dans leur programme des mesures visant la sauvegarde des équilibres écologiques ? Iront-ils jusqu’au courage de condamner ces actions illégales au mépris du bien commun ?
Petracurbara 1976. La zone humide reconnaissable à sa végétation spécifique.
Petracurbara 1990. Disparition de la moitié de la zone humide comblée par des gravats.
EN DATES
La disparition programmée de la zone humide de Petracurbara
Juillet 1714. L’Officio del sale (République de Gênes) projette de créer des salines sur le lieu-dit « Padula », commune de Petracorbara. Cette zone humide est donc ancienne et importante.
Première période de comblements
Juillet 1990. Comblement de la zone humide (environ 2 000 m2) avec divers gravats
Juillet 1990. La DDE dresse un PV le 6 juillet 1990 et le transmet le 18 septembre. Arrêté interruptif de M. le maire
Octobre/décembre 1990. U Levante et 17 associations de protection de l’environnement portent plainte
Mai/juin 1991. Nouveau comblement (environ encore 1 000 m2). Plantation (subventionnée) sur la zone comblée. 2e Procès-verbal de la DDE (attestation)
Juin/juillet 1991. Nouvelle plainte de nombreuses associations dont, par exemple, le Crapnec (Comité régional associations protection nature en Corse) et U Levante
Avril 1992 : témoignages d’habitants âgés de Petracurbara qui ont connu la zone humide peuplée d’anguilles, de tortues cistudes et de joncs
2 juillet 1993. Procédure engagée contre MM. Maurice Catoni et Dominique Constant (Tribunal correctionnel de Bastia). U Levante est partie civile.
17 septembre 1993 (TGI) et 27 avril 1994 (Cour d’appel chambre correctionnelle). « l’infraction n’est pas constituée »…
Deuxième période de comblements
Juillet/août 1995. Nouveaux comblements. PV dressé le 3 août 1995 et, le 23 août 1995, arrêté municipal d’interruption des comblements , création, à Petracurbara, d’un collectif de défense de la zone humide (180 personnes). Photographies de la zone humide prises le 23 mars 1996
28 mai 1997 ( arrêt n°160). Jugement de la Cour d ‘appel de Bastia : les mesures demandées par l’arrêté interruptif pris par le maire le 23 août 1995 contre les « travaux » de comblement effectués par M. Constant sur la propriété de M. Catoni sont maintenues : M. Constant Dominique et M. Catoni Maurice doivent arrêter leurs opérations de comblement de la zone humide de Petracurbara.
Troisième période de comblements
Fin 2007, début 2008. Nouveau comblement effectué à partir des matériaux provenant de la démolition du port de Cagnanu : dossier photographique.
21 février 2008. U Levante porte plainte contre X.
6 mars 2008. plainte contre X , complément et lettre au préfet.
13 mai 2008. Réponse du préfet.
Juin 2008. Les dépôts sont tassés : lettre au préfet avec photographies.
9 septembre 2008. Réponse de M. le Procureur : enquête en cours.
18 octobre 2008. Article de Corse-matin : « Les gravats de Petracurbara n’ont pas été enlevés mais … étalés ».
22 octobre 2008. Audition de U Levante dans le cadre de l’enquête
12 février 2010. Lettre du procureur demande d’avis à la DDE
Réponse de la DDE (trois pages) : il y a « volonté délibérée de remblayer la zone humide et l’espace remarquable de Petracurbara », « infractions totalement fondées », « impacts sur les espèces protégées et la végétation considérables ».
22 septembre 2010. Audience du TGI reportée au 30 novembre 2010
11 janvier 2011. Joseph Constant et la SMTP ont été condamnés respectivement à des amendes de 7 500 et 15 000 euros. Ils devront également verser 2 000 euros de dommages et intérêts à U Levante et à FNE. Mais, la remise en état des lieux n’étant pas prononcée, U Levante fait appel afin de l’obtenir.
Mars 2012. Le comblement continue.
Avril/mai 2012. Le projet de zonage du PLU arrêté de Petracurbara en enquête publique prévoit deux parkings et une zone urbanisable sur les parties comblées de la zone humide …
9 mai 2012. Audience de la Cour d’appel de Bastia