Non au projet de centre d’enfouissement de Ghjuncaghju/Giuncaggio

 

Le projet de Ghjuncaghju comporte deux volets :

  • une Installation de Stockage de Déchets Non Dangereux destinée aux Déchets Ménagers et Assimilés Non Valorisables,
  • une Installation de Stockage de Déchets Non Dangereux de terres amiantifères.

le double projet

A – Géographie et géologie

Le projet est situé dans un grand méandre du fleuve Tavignanu.

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La route T50 (anciennement RN200) est en rouge avec de vieilles portions en blanc. Le Tavignanu fait un grand méandre au lieu-dit Finochietta et rencontre son affluent le Corsiglièse 1,5 km plus en aval.

A.1 – Zone de glissements de terrains

De mémoire d’homme, le site est une zone où il y a toujours eu des glissements de terrains, visibles aujourd’hui sur l’ancien tracé de la RN200 en rive gauche. Le recalibrage de cette route en rive gauche a provoqué, dans les 20 dernières années, des effondrements de parties de route qui ont nécessité des consolidations très importantes sur le tracé actuel : le km de route y est le plus cher de Corse !

La carte géologique au 1/50 000 Pietra-di-Verde montre la présence de Schistes lustrés (vert clair) dans lesquels il y a tout un ensemble de petits pointements de roches plus dures (vert olive, vert foncé), affleurant plus largement au Nord-Est. Ces blocs sont emballés dans une « bouillie » de Schistes lustrés. Un tireté noir NE-SW matérialise une faille supposée.

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Une autre faille, celle qui suit le cours du Corsiglièse, correspond au contact anormal entre les Schistes lustrés et la plaine orientale. Ces failles témoignent d’une grande instabilité des terrains qui a pu se traduire par des glissements de terrains.

Le site choisi pour le projet d’ISDND est en fait une partie d’un de ces anciens glissements de terrains.

Et c’est cela que l’on veut creuser ! Comme pour la route, le creusement du site pour y installer les casiers déclenchera des glissements de terrains : les déchets atterriront dans le Tavignanu.

Conclusion 1 : le site n’est pas géologiquement favorable

A.2 – Où est la nappe phréatique ?

Les courbes isopièzes, c’est-à-dire les niveaux de la nappe d’eau en profondeur, dont l’altitude décroît d’Ouest en Est, indiquent un sens d’écoulement de cette nappe vers le Tavignanu, que ce soit celles de l’étude d’impact ou celles de l’étude Royal.

Les relevés piézométriques dans les forages SC1 et PZ3 ne sont pas identiques dans l’étude d’impact et dans l’étude Royal, ce qui conduit à tracer deux ensembles de courbes isopièzes.

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Or la profondeur de la nappe est très importante : dans un cas, la nappe, l’eau donc, circulera dans les déchets (hypothèse Royal), dans l’autre, le toit de la nappe est plus bas que la base du stockage et n’aurait aucun impact.

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Sur cette coupe très schématique issue de l’étude d’impact, a été placé le toit de la nappe selon l’étude Royal (en jaune) et selon l’étude d’impact (en violet). La zone excavée envisagée est en vert.

Les mesures plaçant le toit de la nappe sont très différentes. Selon Royal, les données de l’étude d’impact sont mensongères.

Sur la coupe ci-dessous, issue de l’étude Royal, sous les alluvions, l’auteur a très justement représenté un substratum très hétérogène. La description des log lithologiques des sondages effectués pour l’étude d’impact montre bien cette nature désorganisée de ce qui deviendrait l’encaissant de la zone de stockage. D’après les relevés piézométriques de M. Royal dans SC1 et PZ3 le toit de la nappe passerait en plein milieu des déchets stockés.

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Cette ambiguïté d’importance devait être levée. Toute la partie excavée est-t-elle ou non dans la nappe, dans l’eau ? Le compte rendu des constats contradictoires du lundi 21 mars 2016 établit la présence d’eau à faible profondeur dans les piézomètres posés par le pétitionnaire. Les hauteurs annoncées dans l’expertise de M. Royal sont bien réelles.

N.B. : les forages de l’étude d’impact ont été exécutés pour la SCI Casa d’Arutoli, dont le gérant non associé est Jean-Paul Alexandre Villa. Jean-Paul Villa est gérant de la société Oriente environnement.

Conclusion 2 : le site n’est pas hydrologiquement favorable

B – Biologie du site

L’ensemble du méandre, riche en espèces protégées, est, par arrêté du 17 mars 2008, un site Natura 2000 n° FR1400602 (zone spéciale de conservation) et une Znieff de type 1 n° 00000236 qui portent le même nom : « Basse vallée du Tavignano ».

Le cours inférieur du Tavignanu est le seul fleuve de Corse où se reproduit l’Alose feinte, poisson par conséquent extrêmement protégé.

Le secteur concerné par le projet, aquatique et terrestre, est fréquenté par d’autres nombreuses espèces protégées : un autre poisson, la Blennie fluviatile, des amphibiens dont le Discoglosse sarde, une tortue la Cistude d’Europe, un gecko le Phyllodactyle d’Europe, des chauves-souris (Murins à Oreilles échancrées et Petits Rhinolophes), un gastéropode endémique de Corse, l’Escargot de Raspail, etc.

Tous ceux qui veulent connaître en détails la grande valeur biologique du site consulteront avec profit le site de l’Institut National du Patrimoine Naturel (INPN) :

https://inpn.mnhn.fr/site/natura2000/FR9400602

Les travaux de terrassement liés à la mise en place des casiers impacteront forcément le site Natura 2000. Quant aux lixiviats (jus de drainage des couches de déchets) qui théoriquement ne devraient pas sortir des casiers, mais qui en fait s’échappent à plus ou moins long terme, ils sont un risque chimique pour le fleuve.

Le site est également un réservoir biologique et un corridor écologique (en vert et en bleu sur la carte ci-dessous) de la trame verte et bleue (document annexe du Padduc) :

TVB Ghjuncaghju

Conclusion 3 – Le site n’est pas compatible avec le maintien de sa biodiversité

C – Le Tavignanu et les captages pour l’alimentation humaine et l’agriculture

L’étude d’impact recense ces captages. Toute pollution du Tavignanu, qui interviendra en raison des causes énumérées aux chapitre A, polluera de manière irréversible et pendant de longues périodes, le fleuve et toute la nappe phréatique.

Conclusion 4 – le site n’est pas compatible avec les utilisations de l’eau

D – Le Tavignanu et les plages

Toute pollution du Tavignanu, qui interviendra en raison des causes énumérées au chapitre A, sera transportée jusqu’à la mer, et les déchets seront déposés sur les plages.

Conclusion 5 – le site n’est pas compatible avec l’activité estivale du littoral d’Aleria en particulier

E – L’éloignement des principaux centres de production de déchets

 Un rapport* du Ministère de l’Écologie daté d’octobre 2015 souligne l’éloignement trop important des principaux centres de production.

http://www.ulevante.fr/cet-de-ghjuncaghjugiuncaggio-les-points-tres-negatifs-du-ministere/

  • MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’ÉNERGIE – Crise des déchets en Corse – Alternatives à une dérogation à la loi littoral – Rapport n° 0010245-02 établi par Gérard LE HOUX (coordonnateur) et Philippe SCHMIT – Octobre 2015.

N.B. : Ce rapport souligne également l’insertion dans un site Natura 2000, la possible démobilisation sur la nécessité de la réduction du volume des déchets et du tri à la source, l’obligation d’un examen très rigoureux du dossier.

Extrait : ce projet « se situe à 96,4 km de Bastia (1h43 par la route), à 96,3 km d’Ajaccio (2h06 par la route) et ne répond donc pas aux exigences d’une localisation des centres de traitement au plus près des lieux de production de déchets. »

Conclusion 6 : le site est trop éloigné du «Grand Bastia» et du «Grand Ajaccio»

F – Le projet, lieu de stockage de terres amiantifères

La géologie du site démontre qu’il ne comporte pas ce type de roches. On apporterait donc des roches amiantifères, déchets dangereux issus de terrassement du BTP d’autres microrégions, dans un sol « vierge ».

Dans le rapport ARIA ERS 3107 de juillet 2015 sur l’évaluation de l’état des milieux et des risques sanitaires, pages 12/233, on peut lire : « les terres amiantifères arrivent sur le site conditionnées en Big Bag avant d’être déposées dans les casiers. Les sources potentiellement dangereuses ne sont donc pas exposées à l’air libre, il n’y a pas d’envols de terres amiantifères possibles en fonctionnement normal de l’installation. De plus, il s’agit d’un déchet inerte qui ne produit pas de biogaz. Il n’y a donc pas d’émission de substances dans l’air liée au stockage des terres amiantifères ».

Ce n’est pas à nos yeux d’une garantie totale. Entre les précautions de dépôt non respectées, le tassement, les glissements de terrain, ces déchets amiantifères risquent de se retrouver dans le Tavignanu et dans les nappes de la plaine.

Enfin, les conducteurs des camions qui transporteraient les déchets ménagers passeraient obligatoirement à côté du casier prévu pour les déblais amiantifères, tandis que tout le personnel traitant les déchets travaillerait à proximité : l’envol des poussières d’amiante pourrait porter atteinte à leur santé.

Rappel : U Levante a depuis longtemps demandé que les plans d’urbanisme communaux n’autorisent pas les terrassements et excavations dans les zones amiantifères : si on n’extrait pas de roches amiantifères, on n’aura ni à les transporter ni à les stocker.

Conclusion 7 : le site n’est pas adapté à un stockage de déblais amiantifères

G – L’énorme trafic de camions sur la T50

Dans le DDAE Résumé non technique de l’étude d’impact, pages 46/107, un tableau donne le chiffre journalier de 94 camions de 25 et 13T entrant et sortant. C’est un trafic accidentogène et destructeur pour nos routes fragiles.

Conclusion 8 : le site n’est pas adapté à un tel trafic de camions

H – L’un des porteurs du projet

Dans le dossier de demande d’Autorisation d’exploiter, pages 52/122 de la Présentation de la demande, on peut lire : « La société Agrégats Béton Corse présente bien toutes les capacités financières pour accompagner la société ORIENTE Environnement dans le cadre de ses projets de développement, et notamment le projet de plateforme environnementale sur la commune de Giuncaggio. »

Cependant, M. Pierre PIFFERINI et la SARL AGREGATS BETON CORSE ont déjà fait l’objet de 4 condamnations pour infractions à la réglementation environnementale en juin et octobre 2011, en avril et juillet 2013 ! L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) avait dressé un inventaire édifiant des écarts de P. Pifferini par rapport à la réglementation environnementale, avec pas moins de 8 procédures entre 2002 et 2011 ! P. Pifferini est un multirécidiviste… Lors de l’audience du Tribunal correctionnel de novembre 2015, suite à la constatation de nouvelles infractions et étant donné leurs gravités, le Procureur a demandé, entre autres, l’interdiction de toute activité professionnelle pendant 5 ans… Le 27 janvier, la société Pifferini a été condamnée par le tribunal correctionnel de Bastia à une amende de 50 000 € pour extraction illégale de sable dans le Tavignanu et M. Pifferini à verser 10 000 € en son nom propre, à remettre en état le site avant le 10 juin 2016, sous peine d’astreinte de 300 € par jour de retard. Le tribunal a également constaté la récidive pour l’ensemble des infractions et demandé l’affichage de la décision.

http://www.ulevante.fr/condamnation-de-pierre-pifferini-et-la-sarl-agregats-beton-corse/

Est-il possible de faire confiance à cet entrepreneur qui voudrait obtenir une autorisation administrative d’ouverture d’un centre d’enfouissement de déchets dans la boucle du Tavignanu, un peu en amont du lieu des délits condamnés ?

Conclusion 9 – Le peu de respect de la législation environnementale par le promoteur du centre d’enfouissement laisse à craindre une conduite hasardeuse de l’exploitation

I – Adieu le tri à la source

Dans le DDAE Résumé non technique de l’étude d’impact, pages 13/107, le schéma ci-dessous montre toute l’importance de la valorisation des biogaz dans le projet. Cela signifie qu’il faut que toutes les matières fermentescibles restent dans les ordures ménagères.

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C’est contraire à nos convictions : seul un tri poussé à la source, résoudra en qualité et en quantité la gestion de nos déchets.

Conclusion 10 – ce projet n’est pas une bonne solution car il implique le non tri de nos déchets

J – Le projet est sur des terres agricoles de fortes potentialités – L’INAO a émis un avis défavorable au projet :

 « Ce projet, qui présente une emprise foncière globale d’environ 55 hectares, aura un impact sur l’agriculture avec, pour conséquence, des terrains à fortes potentialités qui perdront définitivement leur vocation agricole.

En effet, d’après le Référentiel Pédologique Approfondi de l’ODARC, les terrains concernés ne présentent quasiment pas de contraintes et permettent tout type de culture (prairies, clémentiniers, oliviers…). La carte des potentialités agrosylvopastorales SODETEG indique qu’il s’agit d’anciennes vignes et cultures herbacées.

Enfin, ils figurent parmi les Espaces stratégiques agricoles (ESA) du PADDUC et sont retenus dans l’aire parcellaire délimitée de l’AOC « Vin de Corse ou Corse » (parcelles section C4 n° 163 à 167 et 264, 266 et 268). A ce jour, ces parcelles ne sont pas plantées en vignes mais elles présentent un intérêt certain pour la culture de la vigne qu’il convient de préserver. »

Conclusion 11 : le site n’est pas adapté puisqu’il impacte de très bonnes terres qui perdraient leur vocation agricole

Cette énumération des points qui rendent insensé le choix de ce site n’est pas exhaustive :

Il est à craindre qu’avec le phénomène de brises thermiques dans la vallée, la question des odeurs touche une population beaucoup plus importante que le périmètre proche du site.

 

L’enquête publique est en cours (jusqu’au 4 avril). Vous pouvez tous y participer :

  • par voie électronique :

ddtm-sjc-uc-consultation-publique@haute-corse.gouv.fr

  • par la poste : adresser un courrier à Mme la Commissaire enquêtrice, en mairie de Giuncaggio.