Forêts anciennes de Méditerranée: le WWF a classé des peuplements de Corse dans le Top 10 des hauts lieux de naturalité français.
Photographie : Agent ONF DR Corse (in, M. Rossi, P. Bardin, E. Cateau, D. Vallauri, 2013).
L’homme façonne son environnement selon ses besoins. Il modifie la répartition, la naturalité et la dynamique des écosystèmes pour l’agriculture, l’élevage, la production de bois ou l’urbanisation. Au cœur de l’écosystème forestier, la main de l’homme joue avec le fonctionnement naturel, arrache de la biomasse, raccourcit les cycles de vie et dicte ses choix (essences forestières et dimensions des arbres). Sous nos climats tempérés, sans l’homme, la forêt serait partout.
En France métropolitaine, 30 % du territoire est actuellement boisé et 79 % des forêts présentent une structure régulière et sont âgées de moins de 100 ans ; moins de 3 % des forêts ont dépassé l’âge d’exploitabilité (âge fixé de récolte pour la production de bois).
De 2010 à 2013 dans le cadre du programme Forêts anciennes, le WWF France a mené une étude destinée à caractériser la naturalité des forêts françaises, notamment celles de Méditerranée.
33 forêts réparties dans 13 départements ont été étudiées. En Corse, 9 forêts ont été prospectées : les sapinières matures de Ciamannacce et Zonza, la hêtraie mature de Zicavu et la hêtraie adulte de San Petru d’Accia, les chênaies vertes matures du Fangu et de l’Ospedale, la chênaie blanche de Stella et les pineraies de pin laricio du Melu et de Rospa Sorba.
Le degré de naturalité d’une forêt est traduit par l’ancienneté et la maturité des boisements qui la composent.
– L’ancienneté d’une forêt fait référence à la période durant laquelle le boisement n’a connu aucune intervention humaine (gestion forestière notamment). Elle est directement liée à « l’empreinte écologique humaine ».
– La maturité du peuplement traduit le stade de développement biologique des arbres qui composent la strate arborescente dominante. Cette qualité suit les étapes clés de la vie et la mort d’une forêt (germination, installation, développement, vieillissement, sénescence, mort et écroulement). Elle prend en compte l’âge des arbres, leur diamètre, la présence de micro habitats sur le tronc (fentes, cavités, lierres, etc.) et l’état et la quantité de bois morts au sol et debout.
De nombreux autres indicateurs entrent dans le diagnostic : la diversité des essences, la patrimonialité, la diversité des habitats associés, la complexité structurale du peuplement, le sentiment de nature perçu, etc.
Plus une forêt a un fort degré de naturalité, plus elle participe à la biodiversité. Elle peut s’apparenter alors à une forêt primaire ou « originelle » plus couramment appelée forêt vierge.
Les premiers résultats obtenus par l’évaluation multicritères ont mis en évidence la richesse des peuplements corses visités.
Si le peuplement de pins laricio de la forêt territoriale du Melu, présentant une structure très particulière du fait d’une exploitation récente, a été exclu, les autres sont reconnus hauts lieux de naturalité. Notamment la sapinière de Ciamanacce et de Zonza qui sont des peuplements diversifiés, très âgés. La hêtraie mâture de la vallée de la Luvana en forêt communale de Zicavu est peuplée de hêtres de plus de 300 ans et de pins laricio probablement millénaires.
La chênaie verte de la vallée du Fangu se distingue des autres par une naturalité vraiment remarquable : c’est l’une des yeuseraies les plus matures du bassin méditerranéen. La zone est par ailleurs classée par l’UNESCO en réserve de biosphère depuis 1977, et par l’ONF en réserve biologique depuis 1988.
Résultat de l’évaluation multicritère (classification ascendante hiérarchique) : Liste des 6 groupes de peuplement (Extrait du rapport M. Rossi, P. Bardin, E. Cateau, D. Vallauri, Forêts anciennes de Méditerranée et des montagnes limitrophes : références pour la naturalité régionale, WWF France, Marseille, France, 2013, p.)
De façon certaine, la Corse possède bien d’autres peuplements très intéressants en termes de naturalité. Leur inventaire est en cours de préparation par le Conservatoire botanique national de Corse et ses partenaires.
Il faut espérer que la reconnaissance de l’intérêt environnemental des hauts lieux de naturalité et de l’amélioration des connaissances consolident et élargissent les politiques environnementales actuelles et aboutissent par exemple à la mise en place d’un statut de protection spécifique pour la hêtraie et la sapinière de Corse, habitats actuellement non reconnus et non concernés par la Directive Habitats Européenne.