Sur la commune de Vighjaneddu, en Corse du Sud, sont envisagés une installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) ET un centre de tri et de valorisation des déchets ménagers.
1 – Cette installation veut recevoir des déchets ménagers non triés (« ordures ménagères brutes ») et les trier elle-même puis enfouir le non récupérable. Si les « ordures ménagères brutes » comprennent en mélange les fermentescibles, la récupérabilité sera quasi nulle.
Ce projet est en totale contradiction avec le Plan d’action pour la réduction et le traitement des déchets ménagers de Corse, voté par la Collectivité Territoriale de Corse en mai 2016, qui préconise le tri à la source et la collecte en porte-à-porte des biodéchets et des emballages. L’urgence est là : il est indispensable d’organiser les collectes séparatives au plus près des usagers et de traiter séparément les biodéchets pour en faire du compost.
2 – La présence côte à côte d’une usine de tri et d’un centre d’enfouissement est-elle légale ? Moins le tri sera efficace et plus il y aura d’enfouissement. Les factures seront-elles doubles ? Paiement au tonnage de déchets non triés reçus puis paiement au tonnage enfoui ? Cette juxtaposition sera dangereuse pour la santé de toutes les personnes qui travailleront sur le site.
3 – Le projet impacte directement des espaces stratégiques agricoles du Padduc, ESA, inconstructibles pourtant, et à réserver à une activité agricole. Il impactera obligatoirement aussi les ESA contigus, dont les surfaces sont importantes, et rendra leur mise en valeur impossible (toxicité possible annoncée par l’ARS pour les oliviers par exemple).
4 – Les performances annoncées du centre de tri et celles du centre d’enfouissement sont peu crédibles
Les performances du centre de tri et les capacités de stockage sont décrites dans la note de présentation non technique du dossier de demande d’autorisation d’exploiter (pages 2 et 4) et la lettre de demande d’autorisation d’exploiter (page 4/4) :
1ère hypothèse :
Si l’on retient la performance annoncée de 30 % de valorisation du centre de tri, les 63 000 t/an se traduisent donc en 44 100 t/an à enfouir dans l’ISDND. Compte tenu de la capacité annoncée de l’ISDND de 1 260 000 tonnes, on obtiendrait une durée d’exploitation du site de 28,5 ans et non pas 20 ans comme annoncé ! C’est difficile à imaginer compte tenu du peu de « flexibilité » des durées administratives d’exploitation.
2ème hypothèse :
Si la durée de vie de l’installation est plafonnée impérativement à 20 ans, les flux annuels qu’il serait possible d’enfouir seraient de 1 260 000/20 = 63 000 tonnes/an soit des flux annuels en ENTRÉE du centre de tri de 63 000/0,7 = 90 000 t/an. Cette hypothèse est en contradiction avec le tonnage maximum autorisé annuel de 70 000 tonnes.
3ème hypothèse :
Le taux de valorisation sera beaucoup plus faible que celui attendu (déchets mélangés avec des fermentescibles peu valorisables …) et là tout concorderait : un tonnage maximum entrant de 70 000 tonnes, un taux de valorisation de seulement 10 %, 63 000 t/an en sortie et 20 ans de capacité de l’ISDND : les nuisances liées à l’enfouissement des déchets fermentescibles seront au rendez-vous !
Conclusion : Un centre de tri « ambitionnant » implicitement dans son « business-plan » un taux de valorisation de 10 % de 70 000 tonnes par an, une ISDND d’une capacité totale de 1 260 000 tonnes, dimensionnée pour recevoir pendant 20 ans 63 000 tonnes de déchets pratiquement non triés, constituent un projet clairement en contradiction avec le Plan déchets de la CTC, voire avec la Loi de Transition Énergétique.
5 – La demande d’autorisation est incomplète : la servitude manque
Une servitude s’applique sur les terrains dans la bande de 200 m autour de l’installation de stockage de déchets non dangereux. L’arrêté du 15/02/2016 institue en complément de la bande générale d’isolement des 200 m, une bande d’isolement de 50 mètres autour de l’ensemble des équipements de gestion des biogaz et lixiviats. L’avis d’enquête publique en date du 27 janvier 2017 concerne cette servitude, son périmètre et ses conséquences. Le dossier d’enquête publique ne comprend pas de carte matérialisant cette servitude.
Nos remarques :
- La bande d’isolement de 50 m autour des équipements de biogaz et lixiviats n’est pas respectée : le centre de tri se trouve à une distance inférieure à 50 m de ces deux installations.
- La bande d’isolation des deux cents mètres n’est pas respectée entre l’ISDND et le centre de tri.
- Le cas particulier de deux installations classées contiguës avec des installations annexes de traitement du Biogaz et des lixiviats n’est pas étudié.
Cette configuration de trois installations à une distance rapprochée présente un danger particulier dit « effet domino ». En conclusion, l’implantation du centre de tri paraît inapproprié.
6 – Des références abrogées
La demande du pétitionnaire précise : “Le texte du dossier comprend les pièces réglementaire conformément en particulier aux articles L 512-2 et R 512-6 du code de l’environnement.” Or ces deux articles ont été abrogés…
7 – Les documents graphiques manquent de lisibilité
Les cartes présentées dans les documents mis à l’enquête publique appellent les remarques suivantes :
– Le dossier n°3, “Étude d’impacts”
Page 17/326, figure 1, plan masse de l’installation
- l’échelle est partiellement masquée par un encadré « ISDI actuelle »,
- le site de projet figure en orange en sous-couche peu lisible,
- les lieux (libellés, fléchages) sont illisibles,
- il est impossible de repérer l’unité de valorisation énergétique, de faire la différence entre bassin pour lixiviats et bassin pour eau.
Figure 2 : plan de masse général
Cette carte s’intitule « plan de masse général », cependant tout le nouveau projet n’est pas présent ! Il manque une grande partie des bassins et la limite inférieure du site n’est pas présentée.
8 – Le centre de tri
Éléments descriptifs contenus dans le dossier. En pages 2 et 3 de la note de présentation non technique on peut lire :
Pages 15/326 de l’« étude d’impacts »
Note non technique (zoom de la figure 2):
Nos observations :
- Le convoyeur à bande existant sur le plan du centre de tri destiné en envoyer les refus vers la zone de stockage dès lors que cette construction est attachée au sol et couverte pour empêcher les envols devrait figurer sur le plan de la note technique (figure n°2) en continuité du bâtiment principal : il n’en est rien.
- Les locaux annexes : sont mentionnés vestiaires, sanitaires mais pas de douches pourtant indispensables pour une activité de tri. Ces locaux, déjà insuffisants, seront-ils communs aux quarante employés (les 20 emplois maintenus et les 20 créés) ? Cette précision n’est pas fournie.
- Il est mentionné “aire visiteurs et bureaux” mais il n’est pas précisé si ces espaces sont destinés à tout le site ou au nouveau projet.
- La circulation dans le site ne semble pas avoir été totalement décrite d’autant que le nombre de camions doit s’accroître et que la pesée de chaque camion concernant le tri et l’enfouissement sera indispensable pour un suivi quantitatif des différents flux de déchets :
- flux entrants dans le centre de tri,
- refus de tri alimentant l’ISDND via le convoyeur,
- déchets valorisés par catégorie.
Toute « reconstitution » des flux par différence serait source « d’approximation » très préjudiciable.
- Une zone de tri manuel et une zone de tri automatique. Rien n’est dit de précis sur les machines et process de tri qui seront employés.
- Il n’est fait mention d’aucun système de ventilation (obligatoire) ou de brumisation.
9 – L’unité de valorisation énergétique de biogaz
En annexe des installations faisant l’objet de l’enquête publique, il est évoqué très succinctement une unité de valorisation énergétique. Sa description est si lacunaire qu’on peut écrire que l’existence et la description de cette installation ne sont pas explicitées dans les documents présentés à l’enquête.
Cependant, en date du 26/11/2016, un avis de l’autorité environnementale fait état du projet et en décrit les composantes. Existe-t-il un document absent des documents présentés à l’enquête publique et communiqués seulement à l’autorité environnementale ?
Cette installation pose d’autres problèmes : la localisation de cette installation, torchère et/ou chaudière, unité de valorisation du biogaz, n’est pas explicitement précisée. En effet les documents cartographiques et leurs légendes ne permettent pas de situer précisément cette unité : on peut juste deviner une flèche coudée désignant un petit rectangle sur la figure n° 1 “Plan de masse de l’installation”.
Nous estimons qu’elle serait située approximativement à une trentaine de mètres du centre de tri projeté (en contradiction avec la zone d’isolement des 50 mètres) et sans doute du bassin des lixiviats. Cette situation est en contradiction avec la zone d’isolement légal destiné à prévenir les risques d’incendie et d’explosion.
10 – L’eau : l’étude est bien sommaire !
- la provenance de l’eau n’est pas indiquée, le projet de forage dans le nord du site laisse entendre que la ressource est déjà limitée et même insuffisante,
- les besoins sanitaires sont occultés (idem dans le centre de tri ) ; il n’a pas été envisagé de douches,
- les eaux pluviales ou de retraitement auront « un rejet en milieu naturel » : il existe un bassin d’eaux pluviales sur la figure 1 “plan masse de l’installation” mais il est affecté à l’ancienne installation qui est « indépendante » de celle-ci : le projet ne semble pas comporter un nouveau bassin (invisible sur les cartes).
Compte tenu de cette description approximative, l’option du « rejet en milieu naturel » est pour le moins inquiétante.
- une aire de lavage est prévue à l’entrée du site pour limiter les pollutions, poussières, odeurs, en particulier pour les camions ; le nombre de ces camions va augmenter de façon significative et nécessiter des quantités d’eau non estimées.
11 – Bilan de la consommation énergétique
Pour faire fonctionner ce centre, il est évoqué conjointement l’électricité par réseaux existants, le fuel et le biogaz mais aucune proportion et quantités associées ne sont indiquées quant à l’utilisation respective de ces énergies.
12 – Performance thermique du bâtiment
Les matériaux de construction du bâtiment sont-ils performants du point de vue énergétique (respect de la RT 2012) ?
13 – Trafic camion
Ce bilan doit aussi tenir compte de la circulation des camions qui doivent alimenter le centre en déchets.
Nos observations :
- L’autorité environnementale fait état d’une augmentation du trafic des camions à compter de l’ouverture de l’ISDND sans précisions
- sur le trafic induit par les camions apporteurs de déchets au centre de tri,
- sur le trafic induit par les camions des déchets recyclables.
- Le porteur de projet, dans les documents soumis à l’enquête publique, n’a pas fourni les éléments sur lesquels s’appuie l’autorité environnementale.
Dans ces conditions, U Levante a demandé aux trois Commissaires enquêtrices de donner un avis défavorable à ce projet.