À Aiacciu on déplace des montagnes !

D’un côté, pour éviter une noria de 3 000 à 4 000 camions à travers la ville, la municipalité, dans le dossier ENGIE, justifie le stockage de 47 000 m³à Saint-Antoine (1ère partie), de l’autre on constate une noria de camions pour un transfert de remblais, estimés à 200 000 m³, vers le site de la Confina, un site de stockage qui ne veut pas dire son nom ! (2ème partie)

Première partie : stockage déclaré de déblais inertes à Saint-Antoine en provenance du chantier des cuves de gaz du Loretto

Le dépôt (47 000 m³) temporaire (?) de déblais inertes liés aux travaux de mise sous coffre des cuves de gaz du Loretto par création d’une station de transit de déchets inertes, en vue d’assurer la gestion des déblais du chantier LOREGAZ, commune d’AIACCIU/AJACCIO, lieu-dit Saint-Antoine, route départementale 11b, a fait l’objet d’une consultation publique en janvier 2018.

1 – En juin 2016, une première enquête publique avait eu lieu afin de permettre un déplacement des 2 sphères de butane liquide de 2 700 tonnes sises à Loretto sur un terrain situé en mitoyenneté.

L’Association U Levante avait :

approuvé l’objectif d’une « réduction très significative du danger potentiel de l’installation et de son impact sur les personnes en cas de sinistre », (…)
n’avait pas d’opposition de principe aux 2^ème et 3^ème perspectives mentionnées dans la délibération municipale du 26 octobre 2015,
notait que l’aire « libérée » par la diminution drastique de la zone d’aléa PPRT (Plan de Prévention aux Risques Technologiques), contenait d’importants Espaces Stratégiques Agricoles (ESA) cartographiés par le PADDUC,
resterait particulièrement attentive au respect desdits espaces.

2 – En janvier 2018, une deuxième enquête publique a eu lieu afin d’autoriser le dépôt de 47 000 m³ de déblais inertes sur le site de St-Antoine. Le dossier annonce que 7 000 m3 (sur les 47 000) seront réutilisés dans le cadre des aménagements paysagers prévus pour le projet des nouvelles cuves de Loretto. (http://www.corse-du-sud.gouv.fr/IMG/pdf/2-ap-2a-2018-01-22-001-consultation-dossier_engieenregistrement.pdf)

Il y a malheureusement fort à parier qu’au bout de 3 ans, à la récupération de la gestion du site par la commune, les 40 000 m³ de matériaux non réutilisés pour la construction y soient encore présents.

La bonne information du public eut mérité un exposé plus « circonstancié » du dossier de la révision allégée n° 3 du PLU :

Les 40 000 m³ de remblais vont-ils rester sur le site, le défigurant définitivement ?
Vont-ils être évacués sur un autre site ? Dans cette hypothèse, la noria de 3 000 à 4 000 camions traverserait de toutes les façons la ville d’Ajaccio !
Autres hypothèses ?

L’analyse du « Dossier ENGIE au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) » identifie l’ICPE comme une station de transit de terres excavées d’une superficie totale de 26 000 m². Mais, d’après nos estimations, la surface de l’ICPE, est d’environ 38 000 m²soit une surface significativement supérieure au plafond prévu pour les installations relevant de la simple déclaration !

D’autre part, la totalité de l’ICPE impacte une Zone Naturelle d’Intérêt Faunistique et Floristique (Znieff) de type 1, ce que le dossier mentionne. Cette znieff de type 1 est très dégradée et on ne peut que regretter que de tels espaces, des terrains communaux en l’espèce, aient été laissés à la dérive.

À contrario, l’affirmation dans le dossier d’enregistrement (§ 7.1) d’une absence de consommation d’espace agricole est erronée car l’ICPE consomme environ 2,2 hectares d’Espaces Stratégiques Agricoles (ESA de la carte n°9 Nord-Ouest du PADDUC) :

Sur les ESA, peuvent être autorisées les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics y compris les ISDND, conformément à la réglementation en vigueur et à la triple condition :

qu’elles ne soient pas incompatibles avec l’exercice d’une exploitation agricole ou pastorale,
qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages,
de justifier qu’aucun autre emplacement ou aucune autre solution technique n’est envisageable à un coût économique ou environnemental acceptable.

Pour U Levante, le dossier présenté à la consultation publique n’est pas suffisamment explicite pour vérifier que la triple condition est remplie.

Deuxième partie : dépôt de déblais (tonnage estimé à 200 000 m³) à Confina, dans un espace remarquable et caractéristique du Padduc

Le 20 septembre 2017, la Mairie d’Ajaccio a donné son accord pour une « déclaration préalable » n° DP 2A004 17 A0095 relative à des travaux « d’exhaussement » (surélévation) du sol pour plantation d’arbres fruitiers sur une surface de 2 hectares, dans un vallon, au lieu-dit « La Confina » (derrière le lotissement des « Hauts du Vazzio »).

Localisation sur images Google Earth :

Les deux hectares, objet de la déclaration préalable pour « travaux d’exhaussement de sol permettant la réalisation de surfaces planes afin d’y réaliser une plantation d’arbres fruitiers », se situent en totalité :

à l’intérieur d’un Espace Remarquable et Caractéristique (ERC) du PADDUC
à l’intérieur d’une zone « N » (= “naturelle”) du PLU d’Ajaccio

À ce double titre cette déclaration aurait dû être refusée par les services instructeurs de la mairie d’Ajaccio !

Le 9 novembre 2017, le préfet de la Corse-du-Sud a adressé à la mairie d’Ajaccio un recours gracieux en pointant précisément ces illégalités :

Et le Préfet conclut : projet contraire à la légalité

Dans sa réponse du 28 novembre 2017, M. le Maire d’Ajaccio maintient son acte en mettant en avant les arguments suivants :

Notons que M. le Maire se garde bien de répondre sur l’atteinte à l’Espace Remarquable et Caractéristique du PADDUC n°2A25 « Monti San Anghjulu ». À ce stade nous ignorons si la Préfecture de la Corse-du-Sud a déféré l’acte auprès du Tribunal Administratif de Bastia. Ce qui est certain : les travaux sont très largement entamés comme le montrent les images qui suivent :

À la vue de ce chantier « pharaonique » on peut s’étonner que « le projet consiste en une simple plantation d’arbres fruitiers (…) ce qui ne dénature en rien la zone concernée ». Rappelons également que le pétitionnaire admet un «exhaussement» jusqu’à 25 mètres au-dessus du sol actuel. Sur une surface d’environ 20 000 m², en ne retenant qu’une hauteur moyenne de 10 mètres, une simple multiplication conduit à environ 200 000 m³ de remblais.de remblais. Grace à l’outil « profil altimétrique » de Géoportail on peut également aisément visualiser l’énormité du « trou » à remplir pour obtenir une « surface plane avec plantation d’arbres fruitiers » (Cf. la légende du plan DP9 bis fourni par le pétitionnaire)

À ce stade n’avons pas plutôt affaire à une installation de stockage de déchets inertes (ISDI) pour le moins … discrète … avec une réhabilitation paysagère du site … qui, n’en doutons pas, sera magnifiquement planté de figuiers !

À AJACCIO ON DÉPLACE LES MONTAGNES !

Mais d’où provient ce remblai actuellement apporté sur le site de la Confina par une noria de camions ? Nous vous proposons le jeu de piste suivant :

Et ce n’est pas encore fini ! Reprenez votre souffle, vous n’êtes pas encore au bout de votre peine : on peut également constater un très récent et très important défrichement sur la même parcelle cadastrale (A n°947) mais TOTALEMENT en dehors de l’assiette du projet.

L’ordre de grandeur de la surface du défrichement est d’environ 4 hectares, voire plus si ce dernier déborde sur la parcelle voisine n°1201 (appartenant aux mêmes propriétaires) ce qui semble visuellement vraisemblable.

Comme pour l’assiette du projet, ce défrichement se situe en totalité en zonage N du PLU et en Espace Remarquable et Caractéristique du littoral.

Pas de doute : à Ajaccio on déplace les montagnes ! Mais quel est le projet véritable ? Les autorisations ont-elles été accordées ? Une étude environnementale a-t-elle été réalisée ?

À ce jour, nous n’avons pas de réponse à ces questions, mais les dégâts paysagers sont énormes.