Est-il acceptable que les maires puissent approuver des PLU ou des cartes communales (CC) illégaux et délivrer l’un après l’autre des permis en infraction avec la législation ?
Est-il acceptable que l’État puisse valider des documents d’urbanisme aussi contraires à la loi et à quoi sert le contrôle de légalité s’il ne fait pas appliquer les règles en amont et qu’il ne reste plus que le Tribunal pour trancher ?
Est-il acceptable que l’Exécutif de la Collectivité de Corse :
– ne défère pas les permis délivrés pour des projets illégaux importants ?
– ne demande pas l’abrogation de tous les PLU et les CC qui ne se sont pas mis en compatibilité avec le PADDUC ?
– ne prenne pas publiquement position sur ces questions ?
Maires, État, CDC sont responsables … mais non sanctionnés.
Le principal grief fait au PLU de Bonifacio déclaré illégal par le tribunal administratif est de ne pas respecter le “principe d’équilibre“. Ce principe est défini par les articles L. 101-1 et L. 101-2 du code de l’urbanisme, qui établissent que l’ouverture à l’urbanisation opérée par une commune doit être en rapport avec ses perspectives de développement et ne pas constituer une offre de terrains à bâtir démesurée.
La responsabilité de certains maires
Ce constat fait par le TA pour la commune de Bonifacio vaut malheureusement pour la majorité des communes littorales. Il est pourtant indispensable que ce principe soit appliqué à la Corse entière. Malheureusement il est trop souvent bafoué.
Bien sûr, chaque fois qu’elles ont pu le faire les associations ont demandé l’invalidation de ces documents d’urbanisme et chaque fois avec succès. Une quarantaine de plans locaux d’urbanisme ou de cartes communales déférés ont été annulés par le tribunal administratif, (CQFD) à leur demande. Au-delà, tout au long de l’année, à la hauteur de leurs moyens, elles font casser des permis de construire ou des permis d’aménager. Mais, faute d’être repérés et déférés, bien des projets illégaux sont réalisés.
Le caractère constructible de certains zonages de PLU ou CC illégaux sert de justificatif aux maires pour céder à la pression de certains de leurs électeurs qui veulent obtenir un permis et fait le lit de la spéculation ou d’un développement factice. Les PC ou PA délivrés dans ces conditions d’apparence légale ne doivent plus avoir cours.
Mais ces maires dont nous venons de décrire les méfaits ne sont pas les seuls responsables. Les autres détenteurs du pouvoir en matière d’urbanisme, démissionnaires ou complices, laissent dériver dangereusement la situation.
À tout seigneur tout honneur, l’État.
Il a, seul, la charge du contrôle de légalité[1] donc de faire appliquer la loi en amont pour que les recours au tribunal puissent n’être qu’exceptionnels. L’aveuglement volontaire a toujours été particulièrement évident pour les PLU et les cartes communales très rarement déférés[2]. L’exemple très récent de la carte communale de Galeria démontre que la volonté de l’État de rendre illégalement constructibles de vastes portions du territoire n’a pas changé. Certes il n’est pas inactif. Depuis environ quatre ans, le Sous-Préfet de Sartè défère de nombreux permis devant le tribunal administratif. Mais, ce changement est récent et sur l’ensemble de la Corse, il y a de bien trop nombreux « oublis ». Par manque de moyens, ou par volonté de ne pas entraver les projets de certains ?, de trop nombreuses réalisations illégales aboutissent.
La Collectivité de Corse
Elle nous a dotés fin 2015 d’un Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) qui comporte de nombreuses prescriptions en matière d’urbanisme, mais elle ne s’engage pas pour les faire respecter. Le Padduc fixait une obligation pour les communes de mettre, avant fin 2018, leurs documents d’urbanisme en compatibilité avec le PADDUC mais l’Exécutif n’a rien fait depuis l’échéance pour les y contraindre. La CDC n’a déféré qu’un seul document d’urbanisme (Aiacciu) alors même qu’elle a donné des avis défavorables pour beaucoup d’autres. Elle sait tout aussi bien que l’État détourne son regard et d’ailleurs souvent sur les mêmes dossiers.
Ce qui défie le bon sens c’est qu’il n’y a jamais de sanctions contre les auteurs de ces infractions. Les architectes, les promoteurs peuvent additionner les projets illégaux, les maires peuvent multiplier la délivrance de permis illégaux sans autre conséquence que d’encourir l’annulation de l’arrêté d’autorisation.
C’est pourquoi nous posons la question de l’aggravation de la responsabilité et de la sanction de tous les acteurs qui participent à mettre à mal les préconisations des lois qui régissent l’urbanisme. Ces textes, qui sont l’expression des choix collectifs au travers de la représentation démocratique, ne doivent plus pouvoir être rendus lettre morte sans réelles conséquences.
[1] Pour devenir exécutoires, outre leur publication ou leur notification aux intéressés, certains des actes des collectivités territoriales doivent être transmis au Préfet, représentant de l’État dans le département ou la région (ou au Sous-Préfet de l’arrondissement). Celui-ci, chargé du contrôle de légalité, vérifie la conformité des actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
[2] À notre connaissance, depuis plusieurs décénnies, l’État n’a déféré que le PLU intercommunal du Cap Corse annulé par le TA en 2014