“La Tortue d’Hermann est actuellement l’un des reptiles les plus menacés aux échelles européenne et mondiale. En France, elle est la seule tortue terrestre indigène et ne subsiste plus qu’en Corse et, en effectifs réduits, dans le Var. La Tortue d’Hermann est considérée comme une espèce « vulnérable » au niveau national, selon les catégories de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), avec des populations varoises considérées comme « en danger » (Marchand et al., 2017) alors que les populations corses sont considérées comme « vulnérables » d’après la liste rouge régionale Oiseaux-amphibiens-reptiles (Linossier et al., 2017).
Les mesures mises en œuvre pour préserver l’espèce depuis une vingtaine d’années n’ont pas permis d’enrayer le processus de déclin qui est dû à des causes multiples : principalement la disparition de son habitat du fait de l’urbanisation et l’aménagement du littoral, mais aussi les incendies de forêts, la collecte illicite de spécimens et l’abandon des pratiques agropastorales traditionnelles.
La régression continue de ses habitats et la convergence de plusieurs de ces menaces rendent son avenir précaire. Un des problèmes majeurs relève de la pression exercée sur son habitat : proches des axes de circulation ou des zones de plus fort développement de l’île, les sites majeurs pour l’espèce sont ainsi concernés par de nombreux projets d’aménagements.“*
Rappels de l’affaire :
En décembre 2019, les parcelles cadastrales A3146 et A3148, commune de Grossetto-Prugna-Porticcio, situées en contrebas de la Route du Fort, ont fait l’objet d’un défrichement par broyage sur plusieurs hectares à l’aide d’engins lourds. Ces parcelles appartiennent à la société SCCV FORTIMMO bénéficiaire d’un permis de construire n°2A1301600057 accordé le 17 janvier 2017 par la commune de Grossetto-Prugna pour la construction de 154 logements.
Les surfaces arasées (photographie AP)
Le 27 janvier 2020, U Levante déposait plainte pour destruction/mutilation d’espèce protégée et de son habitat.
https://www.ulevante.fr/parpaings-1-tortues-0/
L’audience a eu lieu le 17 octobre 2022 au tribunal d’Ajaccio, le délibéré est tombé le 24 janvier 2023. Martin TOMASI était l’avocat de U Levante dans cette affaire qui lie l’urbanisme et la destruction de la biodiversité.
Sur l’action publique (c’est-à-dire sur la sanction pénale des délits poursuivis) :
P. Rocca et la société Fortimmo sont reconnus coupables du délit de destructions d’espèces protégées et de leur habitat.
P. Rocca, à titre personnel, est condamné à 6 mois de prison avec sursis et à 150 000 euros d’amende.
La société Fortimmo est condamnée à 500 000 euros d’amende.
Les prévenus sont condamnés à la publication du jugement à leurs frais dans un journal local.
Sur l’action civile (c’est-à-dire la réparation du préjudice subi par les parties civiles) :
La société Fortimmo est condamnée, sur demande de U Levante, à payer 500 000 euros de dommages-intérêts à l’État (Dreal de Corse), cette somme étant affectée à la réparation de l’environnement. Il s’agit d’une mesure de réparation du préjudice écologique.
La société Fortimmo est condamnée à payer 30 000 euros de dommages-intérêts à U Levante, en réparation du préjudice moral subi.
Les prévenus sont également condamnés à payer 3 000 euros de frais d’avocat à U LEVANTE.
Ce jugement semble être un signe donné par les Juges : tous les projets d’urbanisme doivent tenir compte des espèces protégées présentes et de tous les êtres vivants.
U Levante veut espérer que ce jugement fera réfléchir les promoteurs qui ne tiennent aucun compte de la biodiversité et reviendra sur ce jugement quand l’association le recevra.
- DREAL, août 2022 : Modalités de prise en compte de la Tortue d’Hermann et de ses habitats dans les projets d’aménagement, extraits :