Par U Mulaterru
Pour la Corse, ce 16 décembre 2023 est une date historique, comme il y en a trop.
Au niveau théâtral, il s’agit là d’une grande réussite.
Voilà, la Déclaration des « Droits des Rusés et du Profit » mise en scène sur la place publique ! La déclaration de ceux qui annoncent qu’ils vont traîner dans la boue quiconque ose contrarier leurs intérêts. Le casting est réussi, il est surtout très apprenant. Le « coming out » de cette coalition est une mise en lumière étonnamment utile.
« Ils sont venus, ils sont tous là, il y a même Paulo, le fils maudit…. » Il y a même la photo noir et blanc de la simplicité et de la vertu, la terre labourée et l’attelage du grand-père. Ne manquaient que les jet-skis, l’aire d’atterrissage pour hélicoptères, les sports nature motorisés qui font tous les jours la réalité,la destination économique et touristique de ce site remarquable.
Il faut vraiment applaudir la mise en scène et la distribution des rôles, pour nous proposer cette nouvelle version, per-version de la « Défense des traditions et valeurs de la Corse ».
Bravo pour le chapiteau de leurs intérêts avec cautions politiques, maires, nationalistes, et sénateur, tous fidèles au poste.
Bravo pour la coalition de ceux qui sont décidés à traîner dans la boue les citoyens qui demandent le simple respect de la loi.
Bravo pour la coalition de ceux qui ont intérêt à transformer la Corse en zone de non-droit, ceux qui affichent leur pouvoir de contourner la loi.
On ne peut pas mieux jouer le rôle de défenseur de la Corse, tout en méprisant la règle qui doit valoir pour tous. « Je suis chez moi, c’est moi qui fais la loi, chez moi je traîne dans la boue qui je veux… » Mais il y a des règles, même pour eux.
Dans leur mise en scène, ils parlent seulement du 5ème Acte de cette affaire: « Nous sommes les pauvres victimes d’un acharnement ». C’est un comble : la loi s’acharne sur eux Mais il y a eu un 1er Acte : Ils bafouent la loi, en sortant des permis de construire, des années après avoir construit. Il y a eu un 2ème Acte: Leurs intérêts sont bien plus remarquables et caractéristiques que les sites de la Corse. Il y a eu un 3ème Acte : Ils mentent sur leurs projets pour mieux se moquer des décisions de justice. Aujourd’hui, il y a un 4ème Acte qui en dit long : Ils nous présentent le chapiteau des victimes aux larmes de crocodiles, en menaçant, calomniant et insultant le dernier rempart citoyen.
Leur habileté à renverser les rôles, à se transformer en victime persécutée, est impressionnante. La comédie est à son comble. Dans leur tour de passe-passe, ils deviennent la parfaite expression de la « victime persécutante ». C’est du Molière. C’est du Tartuffe. C’est les Précieuses ridicules.
Dans un pays en bonne santé, face à cette mascarade, ils n’auraient récolté qu’un rire homérique de tous les citoyens.
La victime persécutante ne s’attaque, bien sûr, pas à la justice. Elle connaît trop bien le dossier en question, et tous ses écarts. Elle préfère s’attaquer en grande pompe aux dernières sentinelles, aux défenseurs du bien commun. Ils les appellent les rats, les collabos, les racketteurs – tel que les rusés, les profiteurs et la propagande mafieuse ont toujours eu besoin de les salir, et pour cause. Comprendre son monde en Corse, c’est comprendre qu’il faut salir, faire peur, faire taire les témoins de la vérité.
SENZA VERGOGNA.
Le vrai message de leur mise en scène est clair : ils comptent tout se permettre. Leur coalition est au-dessus de la loi. Pour eux, leurs intérêts valent bien plus que l’État de droit. C’est bien cela qui les fédère. Ils sont prêts à mettre de leur côté la raison du plus fort, la raison du plus fou. Ils croient pouvoir traîner dans la boue qui ils veulent, et cela de façon « humble et pacifique » comme l’a déclaré M. Angelini dans son appel à manifester, du 15 décembre 2023.
La loi, c’est pour nous autres. La loi, c’est pour les naïfs, pour tous ceux qui n’ont pas la vulgarité de monter ce genre de comédie sur la place publique. La loi, c’est pour nous, les citoyens qui n’avons pas cette arrogance-là.
La loi – c’est pour les cons.
Les valeurs corses ne sont là qu’un accessoire de scène, un décorum de leur mascarade. Ùn avè più vergogna di nunda – Ne plus avoir honte de rien.
Il y a un point sur lequel nous sommes pourtant tous d’accord. Personne n’aime voir détruire des maisons. Personne ne souhaite détruire des maisons. Mais apparemment il y en a qui voudraient détruire bien plus :
détruire le respect d’une même loi pour tous
détruire l’égalité devant la loi
détruire la conscience publique
détruire la vérité sur la place publique
détruire le principe de protection de sites remarquables
détruire le pouvoir citoyen qui est la base de la démocratie.
Auraient-ils une loi plus juste à proposer à la Corse ? Être Corse et juste à la fois n’est pas leur problème. Le plus réconfortant, c’est qu’ils ne sont que cinq cents sous un chapiteau. Le plus amer, c’est que nous ne sommes pas une société en bonne santé, et pour cause. Avec tant de « médecins de Molière » qui ont toujours prétendu apporter le salut à cette île …
Le plus amer, c’est que nous ne sommes pas une société debout qui répondrait à leur farce par un immense éclat de rire solidaire : « Simu u Levante – Simu le Garde – Simu a Corsica ! »
Pas encore.
Face à une Corse qui est tous les jours un peu plus bétonnée, marchandisée et soldée, cela ne saura tarder. Les échecs répétés et chroniques, la parade des rusés fédérés, ont aussi cette vertu de donner aux citoyens l’envie et la force de préparer les victoires de demain.
Venerà !
PS : Selon « Core in fronte » qui a lancé un appel à manifester à Sapparella, la terre corse est aux Corses, et les Corses auraient le droit de bafouer la loi… puisqu’elle serait celle de l’État colonial. C’est commode, non ?
U Mulatteru