U Levante publie ci-dessous la contribution n°72, anonyme mais judicieuse et très argumentée, déposée le 20 septembre 2024 à l’enquête publique relative au projet du plan local d’urbanisme (PLU) de Zonza.
Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les membres du conseil municipal, Madame la commissaire enquêtrice,
Je suis frappé par l’absence de concordance entre les objectifs affichés de l’élaboration du PLU, qui sont soit de grandes généralités comme la transition énergétique et le changement climatique, privés de toute traduction concrète, soit des petites opérations ponctuelles et très ciblées (scierie, hippodrome, hôtel au village, etc.) et le contenu pratique et opposable du document réglementaire qui nous est présenté, qui consiste à laisser faire, par classement de centaines d’hectares en zone U, ce qui s’est fait ces dernières décennies, sans aucune maîtrise publique, ou alors totalement marginale, voire alibi.
Mon observation va nécessairement adopter un ton un tantinet fâcheux, sans toutefois viser le mérite des personnes qui sont à l’origine de ce plan ou de la situation que nous connaissons aujourd’hui. Mon but n’est pas de régler des comptes ni de préparer un combat électoral, mais de faire en sorte d’arrêter la machine à détruire notre territoire et à obérer le potentiel de qualité de vie et de prospérité de ceux qui nous succéderont.
La commune de Zonza illustre à elle seule la situation dans laquelle se trouve la Corse :
– un territoire montagnard faiblement habité mais qui conserve son statut officiel de cœur du territoire et de centre de toutes les attentions politiques. La mairie est au village, ça va de soi. Mais n’y cherchez ni le maire ni les services, ils sont à la mairie annexe à Sainte Lucie…
– une plaine et un littoral desservis par les axes routiers principaux où s’opèrent toutes les transformations, sans que la puissance publique n’ait déployé le moindre effort pour maîtriser ce qui s’y passe, et encore moins pour ralentir ou empêcher.
On fait semblant de se préoccuper de l’intérieur, du rural, et peut-être fait-on sincèrement semblant, mais pendant ce temps-là on laisse courir la plaine…
Or, la géographie impose ses évidences : c’est en plaine que se concentre le potentiel de création de richesses agricoles, industrielles, que la logistique peut déployer son efficacité, et c’est sur le littoral, qu’on le veuille ou non, que le tourisme porte son attention… le maire lui-même a fait le choix d’implanter ou de maintenir le camping qu’il exploite à titre privé au plus près de la mer, là où les aiguilles de Bavella ne sont visibles que de loin… la montagne c’est magique, mais les randonneurs ont le défaut de consommer très peu, et surtout de payer des sommes modiques pour leur hébergement… touristes du littoral paient plus cher, consomment de l’eau, ont des voitures dont on peut faire payer le stationnement, etc. etc.
Sans surprise, les politiques publiques déployées en Corse sont totalement inefficaces, en se focalisant officiellement sur des secteurs sans dynamique, où les enjeux sont donc faibles, et en démissionnant totalement des zones à forts enjeux, là où les initiatives individuelles peuvent réellement, en l’absence de maîtrise, saccager notre territoire…
Que fait la municipalité de Zonza dans la plaine et sur la côte ? Elle délivre beaucoup de permis de construire ou de lotir, même depuis le changement de majorité municipale, et elle accompagne, via le SIVOM, le développement des constructions en tirant des tuyaux, avec un bilan économique global désastreux, tant le linéaire de tuyaux est important par rapport au nombre d’habitants desservis.
Littoral nord de la commune de Zonza : Pinarellu en 2020 (image Google Earth)
A Zonza pas plus qu’ailleurs en Corse du Sud, on n’a jamais créé la moindre rue depuis un siècle, on se contente de disséminer des constructions le long des chemins départementaux ou vicinaux existants depuis des siècles, qu’on s’est contenté de bitumer (on a même transformé en voie routière l’ancienne voie ferrée dont la vocation était tout autre et l’usage aurait pu être bien plus moderne et durable, incapables que nous sommes de créer une rue nouvelle et de conserver un moyen de transport collectif !)… et on s’en remet à la région pour créer un contournement, tant le modèle de non-développement de la commune a entraîné l’augmentation du nombre d’automobiles en circulation…
Les communes voisines ayant fait la même chose, avec la passivité complice de la région, la route Bastia / Bonifacio, anciennement nationale, en est réduite à servir de desserte locale et à être parfois saturée…
Cette transformation de l’espace est coûteuse en infrastructures, elle a des impacts forts sur les émissions de gaz à effets de serre puisqu’elle condamne à la disparition une espèce menacée qu’on ne trouve déjà quasiment plus en Corse : le piéton. Les derniers spécimens de cette espèce appartiennent à la sous-espèce des randonneurs, et ils ne viennent plus en Corse qu’en été, depuis le continent ou l’étranger… et se limitent à la montagne, la plaine n’étant pas accueillante pour eux (cf supra, CQFD).
Elle affecte la qualité de vie des gens qui, habitant ici toute l’année, sont obligés en saison de subir les nuisances liées à la disproportion entre le nombre de personnes présentes et la capacité d’accueil du territoire.
Pourtant, si ce phénomène délétère pour les générations futures existe, ce n’est pas pour rien ou par l’action du démon… c’est bien qu’il a aussi des avantages. Du moins pour certaines personnes des générations présentes ou passées.
Elles sont assez faciles à identifier : du fait de l’attractivité touristique de la Corse (et principalement du goût des clientèles continentales pour un certain type d’hébergement dans un certain type de destinations, dont la Corse fait partie), celui qui fait construire une maison répondant à certains critères de standing, d’accessibilité, d’orientation (vue mer), d’isolement par rapport aux voisines, a la possibilité de la louer tellement cher ou de la vendre tellement cher qu’il devient riche sans délais. Le prix de vente d’une maison, de luxe ou pas, est immédiatement supérieur à ce que coûte sa construction… sous réserve que le prix d’acquisition du terrain n’excède pas un certain plafond.
On peut facilement identifier deux modes de calcul de la rentabilité d’une construction, selon qu’on envisage sa vente immédiate (forcément pour des résidences secondaires puisqu’il n’y a pas à Zonza un tissu économique suffisant pour verser des salaires permettant aux gens qui y travaillent de loger dans des villas de luxe…) ou sa location saisonnière, qui suppose d’emprunter le montant de la construction et de rembourser les traites pendant quelques années avant d’encaisser de disposer d’un énorme patrimoine net de dettes.
Dans notre région, la période de taux d’intérêts extrêmement bas que nous avons connus depuis 20 ans a permis aux gens qui faisaient construire des maisons sur des terrains peu coûteux (c’est-à-dire les terrains dont ils étaient déjà propriétaires de longue date, car mécaniquement, les terrains « à vendre » se sont alignés sur le prix maximal que pouvait supporter l’équation), de s’enrichir vite et de deux façons différentes :
– en vendant immédiatement leurs réalisations (parfois même sur plans !)
– en en restant propriétaires, et en percevant des loyers généralement supérieurs au montant des remboursement d’emprunts… l’économie de rente au sens premier du terme…
L’extrême sud de la Corse en particulier est truffé de personnes physiques, Corses d’origine pour l’immense majorité d’entre elles, Corses d’adoption pour une minorité, qui vivent grassement des fruits de ce système. Ce système a aussi enrichi des gens qui n’habitent même pas ou même plus en Corse.
Au-delà des coûts pour la collectivité publique déjà évoqué, ce système à un inconvénient majeur pour les populations locales : en créant des références de prix élevées, il tire vers le haut le marché immobilier et renchérit l’accès au logement des gens qui n’ont que leur travail pour vivre, et ne peuvent rivaliser avec les loyers versés par les clientèles touristiques, qui travaillent dans des régions où les emplois sont plus nombreux, plus variés, mieux payés.
C’est ainsi qu’à Zonza, la délivrance de milliers de permis de construire au cours des dernières décennies a rendu l’accès au logement des locaux (je parle de ceux qui n’avaient pas de terrains à vendre, évidemment !) bien plus difficile que pour les habitants des communes de Santo Pietro et San Gavino di Tenda, dont la frange littorale des Agriate peut-être encore plus spectaculaire que celle de Pinarello, gelée vigoureusement et acquise par le Conservatoire du littoral, n’a pas accueilli les milliers de maisons qu’on trouve à Zonza…
Démonstration si besoin était qu’autoriser un particulier à construire sans contrepartie, c’est délivrer au demandeur un droit à s’enrichir automatiquement, et ce n’est certainement pas favoriser la production de logement abordable pour les ménages locaux… quoi qu’en pensent certains.
La conclusion intermédiaire à ce stade est assez facile : dès lors que la Corse attire des touristes aisés (c’est une destination très différente et pourtant très proche du continent européen qui reste la plus grande concentration au monde de gens à forts revenus), la recherche d’enrichissement sans travail ni créativité particulière, par le seul maniement des équations de la promotion et de l’investissement immobilier, tendra à favoriser la dispersion de villas sur la frange littorale et à proximité des axes routiers (proximité de l’aéroport et du supermarché).
Le modèle valorise l’habitat diffus, sans vis-à-vis, plus facile à louer cher. Il favorise tout ce qui rapporte à l’opérateur individuel, en renvoyant les coûts, ce qu’on appelle les externalités, sur la collectivité. D’un point de vue macroéconomique, il est tout sauf optimal, puisqu’il pénalise le bon fonctionnement du territoire, donc sa capacité à accueillir croissance durable de la population et des emplois. Et la rente qu’il verse dans la durée à celui qui en profite est très faible par rapport à l’investissement initial qu’il implique pour l’ensemble de la chaîne.
A la différence d’un investissement productif, qui induit l’apparition d’emplois et/ou d’entreprises avec une création pérenne de richesses, un investissement immobilier résidentiel ou paratouristique ne crée réellement d’emplois qu’au moment de la construction. Si ce modèle a tant de succès, ce n’est pas parce que ses vertus seraient supérieures à ces inconvénients et que la société aurait décidé collectivement de l’adopter. Bien au contraire, la société a régulièrement décidé de s’y opposer à chaque fois qu’elle a eu à se prononcer globalement.
Si ce modèle a colonisé la Corse et l’a transformée depuis quelques décennies, c’est parce que ceux dont il sert les intérêts immédiats, à savoir les propriétaires fonciers en premier lieu c’est-à-dire une part importante des électeurs (les promoteurs et entreprises du BTP en second), contrôlent directement ceux qui valident la réalisation des opérations, ceux qui donnent le droit de faire (c’est-à-dire les élus locaux).
En effet, l’élu local, si désintéressé soit-il, si motivé soit-il par la défense de l’intérêt général, celui de la collectivité dont il parvient en général à se faire une idée plus ou moins précise, est NÉCESSAIREMENT enclin à tenir compte des doléances de ceux qui viennent le solliciter pour leur accorder permis de construire ou zone constructible. Ce n’est pas criminel, c’est normal.
Il voit le verre au quart plein, c’est-à-dire la satisfaction du besoin ou de l’envie de son administré, plutôt que les trois quarts vides, à savoir le coût environnemental et social de l’opération… et c’est comme cela qu’une succession de petits intérêts particuliers prennent le pas sur un seul intérêt général, si gros et prioritaire soit-il, car ce dernier n’a personne dans nos institutions démocratiques pour le défendre solidement face à la conviction affutée des pétitionnaires individuels.
Tout observateur avisé constatera qu’en Corse, l’épopée du béton coulant à flot presque partout n’a pas commencé n’importe quand, et a pris une forme singulière. En effet, dans d’autres régions touristiques de Méditerranée, le développement immobilier touristique a émergé dans les années 60, et a pris la forme de grandes opérations impulsées par l’État et portées par de grands opérateurs.
Cette vague a quasi intégralement épargné la Corse. Les nationalistes chercheront à valoriser l’influence du FLNC (né en 1976) dans ce sursis, au mépris des dates… Mais si certains veulent croire que le FLNC a préservé la Corse d’un phénomène qui faisait déjà rage de l’autre coté de la mer et menaçait donc déjà potentiellement la Corse quinze ans avant sa création, grand bien leur fasse.
Avec un peu plus d’objectivité, on constatera que mis à part le cas particulier ajaccien, le désordre immobilier a conquis la Corse seulement à partir du début des années 80, date des lois de décentralisation et du transfert de compétence aux maires en matière d’application du droit des sols…
Avant ça, il était plus difficile de maîtriser les décideurs (préfets et sous-préfets), pour deux raisons : ils étaient moins proches donc moins accessibles au commun des électeurs, et moins influençables puisque nommés par le gouvernement et non élus. Et ils pouvaient au final, même si ça peut paraître choquant, mieux défendre l’intérêt général que l’élu de proximité, dans le cas d’espèce. Ce schéma général peut connaître des exceptions bien sûr, mais il faut en retenir l’essentiel : avec un pouvoir de décision concentré et lointain, seuls les plus gros opérateurs pouvaient influencer la délivrance des autorisations.
C’était l’époque des gros ensembles, dont la Corse n’a connu que quelques exemples, le plus souvent inachevés par rapport aux ambitions initiales (marines de Balagne et de Saint Florent / Patrimonio notamment). La population dans son ensemble et les élus locaux avaient, dès cette époque, conscience que ce modèle de développement immobilier n’était pas souhaitable pour la Corse, et ils s’y sont opposés. Il était logique, en démocratie, d’exprimer des positions opposées à un modèle contraire à l’intérêt général, et ne profitant qu’à quelques gros opérateurs, fussent-ils publics et censés servir les intérêts de la Corse comme la SETCO.
Les grands ensembles touristiques n’ont donc pas conquis la Corse.
En revanche, dès que la compétence en matière de délivrance des autorisations a été transférée au maire en 1982, élu de proximité accessible et préoccupé par l’intérêt de ses administrés pris collectivement et individuellement, il est progressivement apparu que chacun, à condition d’être propriétaire d’un bout de terrain ou d’avoir trouvé un terrain à acheter pas cher, pouvait obtenir pour lui-même un droit de construire assez facilement.
La multiplication aveugle des investissements immobiliers résidentiels et touristiques, toujours aussi critiquable du point de vue de ses effets induits pour la collectivité, a été beaucoup mieux acceptée dès lors qu’elle s’est mise à profiter à tout un tas de petits opérateurs, à tout un chacun.
Plutôt que quelques milliers de chambres réparties sur quelques sites, auxquels les Corses se sont massivement opposés et à juste titre comme à la Testa Ventilegne à Figari, la Corse a vu proliférer plus d’une centaine de milliers de logements sur la quasi-totalité de son littoral et de ses plaines… totalement dispersées, et encore plus impactantes, de fait. La Corse est devenu l’archétype du territoire mité.
Et ce qu’il faut dire et redire, jusqu’à ce que cela devienne une évidence, c’est que ce phénomène peut paraître « subi » collectivement, mais qu’il est individuellement voulu et décidé par les Corses, qui en sont les initiateurs, pétitionnaires des autorisations de construire, propriétaires vendeurs ou loueurs, et qui en sont aussi les valideurs, puisque je ne connais aucune commune dont le maire et la majorité du conseil municipal ne seraient pas des Corses, et ce à aucun moment depuis 1982 date de la prise de compétence.
Il est non seulement compréhensible, mais aussi parfaitement normal, compte tenu des ressorts que j’ai décrits précédemment, que la progression du bétonnage de la Corse, qui dessert l’intérêt général mais profite à une masse d’opérateurs économiques individuels (comme toutes les tragédies des biens communs), ait émergé à l’occasion de la “responsabilisation” des élus locaux, et se soit généralisée, du moins jusqu’à un certain point.
Or, le modèle de la rente et de la colonisation immobilière en contexte de pression touristique se heurte théoriquement à deux limites :
– la réglementation : le fait qu’il soit clairement contraire à l’intérêt général amène le régulateur à prendre des dispositions pour le limiter et en maîtriser les externalités. En France, la prise de conscience des dégâts de la décentralisation et du transfert de compétence aux maires en matière d’urbanisme dans les secteurs à fort attrait touristique a été quasi immédiate. Dans la même législature que les lois de décentralisation (1981-1986), le parlement élaborait et votait deux lois majeures, la loi Montagne en 1985, et la loi Littoral en 1986. Malgré les différences de contextes géographiques, ces deux lois avaient les mêmes objectifs (préserver les biens communs, limiter le désordre urbain, préserver les ressources naturelles et productives au profit de la création de richesse durable) et apportaient des solutions très voisines, sous forme de règles limitant les possibilités de construire sur la base de critères strictement géographiques, basés sur l’existant : on ne construit qu’en continuité de ce qui mérite d’être déjà là, et de ce qui mérite, compte tenu des qualités qu’on y trouve, d’être étendu : villages, hameaux (en montagne), agglomération (sur le littoral). Et on construit en s’inspirant de ce qui est déjà là, en visant l’harmonie. Et on ne se pose pas la question de “qui construit, pour qui, comment, est-il d’ici ou d’ailleurs” ? comme on aime tant le faire en Corse pour amuser la galerie.
Depuis, bien d’autres limites ont été mises en place par les régulateurs à l’échelle nationale et européenne. En France : loi SRU, loi ALUR, loi ELAN, etc. En Corse, la collectivité a elle-même un pouvoir de régulation, et l’a exercé en théorie en approuvant le PADDUC qui poursuit des objectifs en tous points en ligne avec les préoccupations que j’exprime, et que le législateur avait déjà encadré, ou a encadré peu de temps après l’adoption du PADDUC.
– L’effet ciseau du marché lui-même, avec l’atteinte, dans un univers fini, d’un niveau d’offre qui finit par excéder la demande potentielle. Pas en termes strictement quantitatifs, mais sur le plan qualitatif : toujours plus d’hébergements dispersés partout = toujours plus de béton visible = une destination touristique de moins en moins plaisante donc de moins en moins attractive… et des revenus qui finissent par baisser…
C’est parce que le béton illégal mais autorisé a abimé la Corse que nous traversons un début de crise, que le désamour des touristes pour la Corse commence à se faire jour. La même déception qui affecte les résidents Corses dépités de voir leur île défigurée chaque année un peu plus, commence à sauter aux yeux de ceux qui y venaient en vacances il y a trente ans, vingt ans, dix ans, et qui concluent qu’il faut désormais aller ailleurs, là où le béton n’est pas encore arrivé à recouvrir le paysage.
Nos professionnels nous expliquent que c’est la faute au prix des transports, comme si la Corse avait été une destination facile d’accès et abordable au cours des 40 dernières années. Foutaise ! La Corse n’est déjà plus l’île de beauté, et ça commence à se (sa)voir.
Ce qui est frappant dans la situation que nous constatons, c’est que la régulation, mise en place depuis 1985 et 1986, soit respectivement 3 et 4 ans après l’apparition de la cause du phénomène (c’est presque aussi fort que le vaccin ARN, arrivé un an après le COViD !), régulation qui visait précisément à prévenir ce phénomène, n’ait eu strictement aucun effet et se soit révélée impuissante à endiguer le fléau pourtant parfaitement identifié dès le début…
La raison en est toute simple : la Corse, prétendument rebelle, s’est montrée inflexible, elle a mis un point d’honneur à ne jamais appliquer les lois qui défendaient l’intérêt général, elle a fait prévaloir les intérêts particuliers de ses enfants… parce qu’ils étaient “de chez nous” et nous sommes aujourd’hui face à une situation très difficile à traiter, tant cette tendance a créé de dégâts pour notre pays, au sens physique du terme, mais aussi pour notre population, au sens humain.
Que d’inégalités creusées par la distribution de droits à bâtir injustifiés, que d’inéquités, que d’injustices !
Des masses de gens, enfreignant la loi et s’enrichissant par la même occasion, pour la seule raison qu’ils avaient la chance d’être déjà propriétaires de terrains familiaux, pendant qu’une autre masse de gens, encore plus importante évidemment, ne pouvait que subir les conséquences sur leur cadre de vie (et sur le renchérissement des services publics) de ce processus d’urbanisation désordonnée, sans en profiter le moins du monde… puisqu’ils n’avaient pas la ressource foncière qui était le support de ce déversement de droits à bâtir…
Aujourd’hui encore, la commune de Zonza propose un PLU qui contrevient frontalement et extensivement à la loi, et au PADDUC évidemment.
J’ai parcouru les avis de l’État et de la Région qui relèvent un certain nombre de ces illégalités, sans les réprimander vertement… en clair, si vous lisez bien son avis, la région voit tout, mais ne condamne pas, et trouve même des raisons pour laisser faire.
Je vous renvoie à tous les « mais », « cependant », qui sont autant de circonstances atténuantes trouvées à la commune ou de moyens de nuancer les constats pourtant implacables : Taglio Rosso n’est pas un village, et n’a donc pas à être constructible et encore moins étendu. Idem pour Pinarello, idem pour Cirindinu et toute la zone de la plaine au-delà de l’hyper centre de Sainte-Lucie qui n’est sûrement pas une agglomération mais au mieux un ancien hameau noyé dans une nappe de constructions diffuses et désordonnées… Alors qu’il faudrait essayer de tout arrêter et de réparer au sein des espaces déjà bâtis pour essayer de les rendre praticables et agréables à vivre à l’année pour tous types de comportements et usages (à commencer par la promenade autour de chez soi, le passage de transports en commun..), chacun semble d’accord pour continuer à laisser faire.
“Continuer à ravager les abords de la route nationale à Ste-Lucie en ouvrant à la constructibilité une prétendue zone d’activité jusqu’à quasiment la limite de Lecci, c’est pas grave, nous allons faire un contournement qui nous permettra de regarder ailleurs… de toutes façons un immeuble défigure déjà le paysage de l’autre côté… immeuble que le député lui-même, élu de la commune et y occupant un local pour son cabinet médical, qualifie de “style Ceaucescu”…
Mais, Messieurs de la région, le contournement que vous proposez n’est pas légal, la loi littoral interdit les nouvelles routes de transit dans la bande des 2 km du rivage ! Sauf cas de force majeure du fait de caractéristiques géographiques, ce qu’on peut très bien concevoir dans la péninsule de Crozon, ou sur le littoral escarpé de la Réunion, mais pas dans un des rares secteurs de plaine de Corse où il est tout à fait possible d’éloigner la route de la côte !
Je conclurais mon observation en vous posant deux questions assez simples :
1) Pourquoi la mairie (et la collectivité complice, avec l’appui bienveillant du préfet) devrait-elle continuer sur la même voie que depuis 40 ans ?
2) et surtout, pourquoi faudrait-il la laisser faire ?
La réponse à la première question est assez facile à trouver, elle se trouve dans le registre d’enquête publique. Il suffit de lire les dizaines d’observations de gens qui demandent que leur terrain soit rendu constructible. Preuve que tout le monde n’a pas encore profité des illégalités, ou que ceux qui en ont déjà bien profité ne sont pas rassasiés.
Le plus cocasse, et aussi le plus triste, ce sont les observations des propriétaires (directement ou via leur avocat) qui vous expliquent avoir construit (après 1986 évidemment) leur maison à tel endroit, en discontinuité des villages ou agglomérations, dont les voisins ont bénéficié plus ou moins des mêmes passe-droits, et qui ne comprennent pas pourquoi il ne serait pas possible qu’au même endroit, leurs enfants fassent de même à l’avenir.
Ces observations, travesties par la subjectivité de leurs auteurs, je les reformule en français compréhensible par tous, et en toute objectivité : « nous avons enfreint la loi il y a trente ans une première fois et avons pu grâce à ça nous construire une belle maison en site censément inconstructible (personne ne va avouer qu’en plus, la maison en question est le plus souvent louée très cher l’été). D’ailleurs, le maire de l’époque était d’accord ! Plein d’autres depuis ont fait pareil. La moindre des choses serait que nos enfants aient les mêmes passe-droits… »
Voilà à quel niveau est tombée la Corse… elle est prête pour l’indépendance !
Pour quelques dizaines de propriétaires déçus par ce projet de PLU, il faut bien prendre conscience qu’il y en a quelques centaines qui ne disent rien car leurs terrains, tout aussi inconstructibles en vertu de la loi, sont classés en zone U ou AU par ce PLU…
Pourquoi la mairie maintient-elle un nombre de terrains constructibles en toute illégalité, alors qu’elle s’est faite élire sur un programme politique à l’opposé ? Soit parce que les politiques sont des menteurs, soit, plus probablement, parce que l’exercice de la compétence d’urbanisme dans le contexte que j’ai décrit est une gageure… qu’il n’est pas raisonnablement possible pour un conseil de 20 personnes de faire face à une population entière de contrevenants (et c’est un euphémisme) motivés par l’enrichissement sans autre mérite que celui d’être propriétaire. (ça nous renvoie un peu à l’ancien régime tout ça).
Reste la deuxième question : pourquoi faudrait-il la laisser faire ?
A cette question, je ne trouve aucune réponse logique, et je me réjouis que, contrairement à la Région et à l’État, il reste encore quelques acteurs motivés, notamment dans le champ de l’écologie, pour tenter de défendre nos biens communs contre les appétits individuels.
Madame la commissaire enquêtrice, je ne sais pas ce que sont vos orientations politiques personnelles, vos activités professionnelles habituelles, votre religion ou vos goûts et couleurs préférés, mais je crois que dès lors que vous vous trouvez face à un projet manifestement illégal, vous avez le devoir d’en tirer les conséquences en délivrant un avis défavorable.