Fin avril 2024, 9 nids seulement ont été observés en état de reproduction certaine sur la façade nord-occidentale de la Corse, dont un seul dans la réserve naturelle de Scandula.
Le magazine Geo, dans sa version « grand dossier », titrait le 22 avril 2023 : « Le balbuzard pêcheur au cœur des mesures de protection sur la côte occidentale de la Corse »*. Il rappelait notamment qu’un rapport du CNRS de décembre 2018 jugeait que la population du balbuzard pêcheur s’effondrait dans la réserve de Scandola à cause du tourisme et soulignait l’importance de modifier la gestion du tourisme dans cette aire marine protégée.
Depuis, la fréquentation du secteur « Calvi-Cargese-Golfe de Porto- Calanques de Piana », incluant Scandola, n’a fait qu’augmenter sans que de nouvelles mesures de gestion aient été mises en place. Seuls ont été délimités, par des arrêtés préfectoraux annuels, des périmètres de protection tout autour des nids de balbuzards, au printemps, après observations des agents de l’Office de l’Environnement de la Corse qui est gestionnaire, via le PNRC, de la réserve naturelle.
Fallait-il protéger tous les nids, dont ceux où la reproduction était probable, ou seulement ceux qui témoignaient d’une reproduction certaine fin avril ?
C’est la deuxième solution, préconisée par les bateliers, qui a été choisie. Sans doute n’est-ce pas la meilleure car on assiste chaque année à une dégringolade de la reproduction de cette espèce protégée et en danger (inscrite sur la liste rouge de l’UICN).
Ainsi, depuis le premier mai 2024, 9 zones seulement, sur un rayon de 250 m autour des 9 nids occupés par les balbuzards, sont interdites de navigation. Il y en avait 15 en 2023 !
En avril a eu lieu une consultation publique (moyen légal mais pratiquement « secret »). Dans son article 1er, le projet d’arrêté préfectoral prévoyait, sur la façade occidentale de la Corse :
« Du 1er mai 2024 au 31 juillet 2024, dans les 28 (vingt-huit) zones réglementées définies à l’article 2, sont interdits la navigation et le mouillage.”
Finalement l’arrêté préfectoral définitif du 30 avril ne retient que 9 nids ! :
“Article 1er :
Du 1er mai 2024 au 31 juillet 2024, dans les 9 (neuf) zones réglementées définies à l’article 2, sont interdits la navigation et le mouillage des navires et engins immatriculés ainsi que la plongée sous- marine.”
L’arrêté se base sur :
“Considérant que le suivi scientifique de la chronologie de la reproduction de cette espèce sur la façade occidentale de la Corse, réalisé depuis les années 1980 par plusieurs opérateurs et piloté depuis 2020 par l’Office de l’Environnement de la Corse, identifie une reproduction potentielle au 22 mars 2024 sur vingt-neuf nids situés sur la façade occidentale de la Corse entre Calvi et Cargèse dont neuf dans la réserve naturelle de Scandola” ;
“Considérant que l’inventaire des nids réalisé par l’Office de l’Environnement de la Corse au 27 avril 2024 a identifié une reproduction en cours sur neuf nids situés sur la façade occidentale de la Corse entre Calvi et Cargèse dont un dans la réserve naturelle de Scandola.”
Bilan sur la façade occidentale de la Corse :
En 2023, 15 nids, observés en état de reproduction, ont été théoriquement protégés dont deux dans la réserve naturelle …
En 2024, 9 nids seulement ayant été observés en état de reproduction certaine devraient être protégés dont un seul dans la réserve naturelle.
À RETENIR : Sur 29 nids possibles, 9 seulement sont donc occupés sur la façade nord occidentale de la Corse en 2024 dont un seul dans la réserve naturelle de Scandula. La forte chute de la reproduction de cet oiseau emblématique ne peut pas être niée.
Les oiseaux vont-ils nicher ailleurs car toujours dérangés à Scandula ?
*Geo.fr : Le balbuzard pêcheur au coeur de mesures de protection : https://www.geo.fr/animaux/le-balbuzard-pecheur-au-coeur-de-mesures-de-protection-sur-la-cote-occidentale-de-la-corse-214393
Le CESECC (Conseil économique, social, environnemental, culturel de la Corse) dans son avis 2024-27 fait part de son inquiétude en soulignant que « le balbuzard, espèce protégée et indicateur de la qualité de la biodiversité marine, connaît de manifestes problèmes de reproduction causés par le trafic maritime lié aux loisirs en mer, malgré les mesures de suivi effectuées par le PNRC et le Parc marin du Cap Corse et de l’Agriate … Cela met en lumière le besoin au sein de ces aires marines protégées d’une accentuation des contrôles du respect des arrêtés préfectoraux pris par la mise en oeuvre de zones de quiétude pour la protection des balbuzards ».
Sauf que ces arrêtés protègent de moins en moins de zones… La disparition définitive du balbuzard au sein de cette zone marine protégée semble programmée : une espèce endémique sacrifiée aux intérêts économiques d’un tourisme invasif.