Le dossier des déchets sera à nouveau évoqué le 25 juillet 2024, lors de la prochaine session de l’Assemblée de Corse. L’Exécutif va soumettre au vote des Conseillers Territoriaux la version finale du Plan Territorial de Prévention et de Gestion des Déchets (PTPGD). Après la publication, par le CESECC, d’un avis* particulièrement circonstancié, le Collectif Corsica Pulita, dont U Levante est membre, a adressé une lettre ouverte aux élus de l’Assemblée, afin de résumer son opposition à ce plan et leur rappeler leurs responsabilités concernant la politique qui découlera de ce Plan.
Monsieur le Président de l’Exécutif a inscrit le vote du Plan Territorial de Prévention et de Gestion des Déchets à la session des 24 et 25 juillet 2024 de l’Assemblée de Corse.
Le Collectif CORSICA PULITA, créé à l’occasion de l’Enquête Publique en 2023, et composé de 17 associations corses de défense de l’Environnement et des deux Collectifs anti-mafia, s’est très largement exprimé contre ce Plan en relevant ses contradictions, ses insuffisances et ses inconnues.
Rappelons tout d’abord le fonctionnement règlementaire de la gestion des déchets. Seuls les déchets ménagers et assimilés (DMA) relèvent de la compétence des collectivités. Ce sont les intercommunalités qui, depuis la Loi NOTRE (2015), ont la compétence et la responsabilité de la gestion des déchets ménagers et assimilés (DMA). Le SYVADEC n’est que l’émanation directe et exclusive des intercommunalités qui, gardant à leur charge la collecte des DMA, lui ont confié leur traitement.
Les autres déchets (bâtiment, industrie, …) relèvent de la responsabilité élargie des professionnels (REP).
Les nombreuses participations à l’Enquête Publique (plus de 500 contributions) et la qualité des interventions écrites ont révélé que les Corses, dès qu’ils sont informés correctement, refusent la « solution » qu’impose ce plan : tri a minima et incinération de la majorité des déchets.
La dernière version du plan, n’a tenu compte ni des contributions ni des réserves des commissaires enquêteurs. Elle se résume à un inventaire consternant d’hypothèses et d’inconnues :
– Validation a priori de la filière CSR (Combustible Solide de Récupération) / Incinération sans études de faisabilité pour en mesurer l’impact en aval (pollution de l’air et de la terre) : les élus ont à se prononcer sur une filière au coût exorbitant avec l’excuse de l’urgence (l’urgence, depuis 20 ans, n’étant jamais d’organiser le tri à la source).
– Production de 154 000 tonnes/an de Combustible Solide de Récupération (CSR) issues du tri des déchets à fort potentiel calorifique (plastiques, papiers cartons, bois.) sans aucune étude préalable. Et, alors que le Syvadec prévoit de produire 18 000 tonnes à Monte (sur les 154 000 tonnes que prévoit le Plan), il ne donne aucune indication concernant les 136 000 tonnes restantes.
– Un ou deux incinérateurs sont simplement évoqués, sans étude financière, ni étude d’implantation alors qu’ils constituent le cœur du dispositif de traitement des déchets.
– Aucune solution étayée ni même d’étude d’impact n’est fournie pour le traitement des 35 000 tonnes /an de résidus toxiques et hautement toxiques produits par l’incinération.
– Aucune information n’est disponible pour évaluer le coût d’exportation des CSR et des REFIOM (Refus des Fumées d’Incinération des Ordures Ménagères).
– Aucune orientation précise et aucune prescription ne sont données sur l’utilisation de la prétendue énergie verte qui serait produite par l’incinération des CSR, aucune donnée précise sur le coût de sa production et son acheminement. Autre anomalie, le cadre juridique du dispositif est tout aussi absent.
– Absence de mesures contraignantes pour une gestion publique des déchets : le rapport des commissaires enquêteurs dénonce pourtant le mutisme de l’Office de l’Environnement de la Corse concernant « le risque d’emprise mafieuse sur la gestion des déchets (…) la Commission d’Enquête estime que tant dans son mémoire en réponse que dans le PTPDGD, la CdC aurait pu sortir de cette ambivalence en prônant un fonctionnement en régie ». Pour la CdC, il s’agit dans le Plan d’une simple éventualité. Le Plan ne prescrit rien. Rien ne s’opposerait donc à l’avenir au principe déjà retenu pour le Centre multi filières de Monte : 100 % de fonds publics et 100% de nuisance pour les Corses pour 100 % de profits privés.
Nous constatons pourtant partout que l’incinération ne produit pas moins de déchets ultimes qu’un tri de haute qualité mais qu’elle présente une dangerosité et des tarifs autrement plus élevés.
Pourtant l’Exécutif sait que d’autres solutions existent, bien moins couteuses et très faciles à mettre en place sans incinération. Beaucoup de régions d’Europe (dont certaines sont nos voisines) le démontrent avec des taux de valorisation matière proches de 80 %.
Comment la majorité à l’Assemblée de Corse, pourtant résolument anti-incinération avant son élection, peut-elle aujourd’hui porter « une solution » aussi aberrante et dangereuse au coût démesuré ? Le Rassemblement National défend ce projet en prétextant que l’incinération ne produit aucun rejet nocif … Ce Plan, en ne prévoyant pas la gestion de ces rejets, nie, lui aussi, une réalité que des générations de Corses auront à subir.
Mesdames et Messieurs les Élu(e)s à l’Assemblée de Corse, aucun mandat ne vous a été donné pour suivre les représentants de l’État dans la promotion ouverte qu’ils font des lobbies de l’incinération. Vous le savez depuis longtemps : cette voie amène la Corse dans le mur pour la rendre entièrement dépendante d’intérêts privés et mafieux.
Vous devez aujourd’hui prendre vos responsabilités et le choix qui est le votre est très simple :
– soit continuer d’entraîner les Corses vers des solutions néfastes pour leur santé et insoutenables pour leurs finances, avec la certitude de renforcer les intérêts mafieux,
– soit revenir à la raison et, sans attendre, élaborer le contenu d’un nouveau Plan Territorial des déchets basés sur la prévention, le tri et le compostage (avec la société civile et les élus des Intercommunalités).
La réelle difficulté technique de la lecture du Plan qui vous sera soumis les 25 et 26 juillet prochains n’atténue en rien vos responsabilités. Nous sommes une force critique mais aussi une force de proposition, si nous ne sommes pas entendus dans notre volonté de préserver les intérêts et la santé des Corses nous serons contraints à un contentieux juridique dont l’issue sera l’annulation de ce Plan.
Nous ne le souhaitons pas et nous voulons éviter une perte de temps et un conflit dommageable pour la Collectivité de Corse. Nil est encore temps de bâtir un projet cohérent à un coût décent pour le traitement des déchets.
L’intérêt commun des Corses commande de retirer ce Plan et de ne pas le soumettre au vote. Nous sommes, quant à nous, disponibles pour élaborer, en concertation avec vous, un Plan conforme aux intérêts de la Corse et des Corses.
Sachez que si notre détermination reste entière à nous opposer à ce Plan qui est un non-sens, nous sommes animés d’un esprit constructif pour travailler concrètement à résoudre durablement la question du traitement des déchets.
Veuillez recevoir, Mesdames les Conseillères Territoriales, Messieurs les Conseillers Territoriaux, l’expression de nos espérances dans votre raison.
Pour la Corse et les Corses,
Corsica pulita
- AVIS CESEC 2024-21 relatif au Plan territorial de prévention et de gestion des déchets de Corse (PTPGD)