En 2022, U Levante et le GARDE se sont fermement élevés contre l’implantation de coffres d’amarrage dédiés aux navires de grande plaisance (24 mètres et plus), tout autour de la Corse et surtout au sein de sites emblématiques et “protégés”. L’association U Levante a déféré en justice deux zones de mouillage composées de 14 coffres d’amarrage dans le golfe de Sant’Amanza tandis que l’association GARDE a déféré le projet de coffres sur le littoral ajaccien.
Les associations ont dénoncé* les nombreuses nuisances causées par ces yachts, nuisances inacceptables dans une réserve naturelle qualifiée d’« Aire Spécialement Protégée d’Importance Méditerranéenne » (ASPIM) par l’Organisation des Nations Unies. Ces nuisances, reconnues par le conseil scientifique et l’Office de l’environnement de la Corse dans leur plan de gestion 2023-2032 de la RNBB devraient se traduire par une interdiction totale de nouveaux coffres de mouillage pour la grande plaisance à l’intérieur de la réserve :
“la grande plaisance par sa croissance mondiale constitue une activité générant de façon durable des impacts écologiques et socio économiques négatifs”
Page 218 – “La question des ancrages des grandes unités dans les zones de protection forte devrait être tranchée. En effet, comment concilier une zone de protection forte et l’ancrage de ces unités supérieures à 45 m. Même si les ancres affectent les milieux sableux, les perturbations sonores et lumineuses (même réduites) impactent les écosystèmes pélagiques pour la faune sous-marine, les cétacés et l’avifaune. …
Les AMP (Aires Marines Protégées) attirent tous les bateaux, y compris bien évidemment les plus gros.
En qualité de gestionnaire, nous avons vécu l’impressionnante croissance de ces navires en période estivale depuis le début des années 1990. Pendant 25 ans, le monde maritime et les autorités, mais
également les responsables de gestion des espaces protégés ont laissé prospérer cette activité par leur passivité, sans prêter attention aux diverses alertes que les suivis scientifiques démontraient. Il fallait attendre la démonstration quantitative affolante au milieu de la dernière décennie pour prendre conscience de cette impasse et du désastre écologique généré par ces ancrages sur les herbiers de Posidonie. Il aurait fallu anticiper, adopter des principes de précaution.”
Page 219 – “À une échelle plus large et prioritairement dans les AMPs, avec l’arrêté de mai 2022, il conviendra dans le nouveau schéma de mise en valeur de la mer du PADDUC de parfaire la définition des zones de mouillage afin d’éviter l’ancrage des grandes unités dans des zones riches en habitats de coralligène. La deuxième phase consistera à définir un quota d’ancrage dans ces zones. Dans la RNBB en période estivale 2022, nous avons vérifié les ancrages de ces unités tous les jours en relation avec la Marine Nationale. Notre expérience nous permet d’indiquer la nécessité de définir juridiquement avec la préfecture maritime avant 2025 cette notion de quota pour ces bateaux, car ces zones deviendront rapidement saturées les jours d’affluence.”
Page 220 – “Concernant la fréquentation des bateaux de la grande plaisance, l’UAC ((Uffiziu di l’Ambiente di A Corsica) ne souhaite pas permettre la mise en place de Zones de Mouillage et d’Equipements Légers (ZMEL) dédiées à ce type de navires dans les aires marines protégées des eaux de la Corse. Dans la Riserva Naturale di i Bucchi di Bunifaziu, l’UAC limitera strictement les projets de ZMEL grande plaisance à la seule zone expérimentale de Sant’Amanza qui avait fait l’objet d’une autorisation au premier semestre 2021*. Les équipes scientifiques de la RNBB ont d’ailleurs produit en 2022 un état initial et un suivi scientifique de l’état de conservation des herbiers à Posidonia oceanica dans les ZMEL expérimentales de Balistra (Golfe de Sant’Amanza), étude validée par le Conseil scientifique de la RNBB. Au-delà de l’analyse écologique d’un éventuel impact sur les herbiers de posidonie environnants, il conviendra également d’apprécier l’impact économique d’ouvrages coûteux dont les chiffres moyens journaliers d’occupation.
Notre espace insulaire n’est plus épargné du réchauffement climatique et de ses conséquences environnementales et socio-économiques. La résilience des écosystèmes et la fourniture des services environnementaux, à l’homme tout comme à notre nature, nécessitent une régulation publique d’urgence pour éviter sinon réduire les pressions anthropiques. Comme l’indique P. Oberti, Président du Conseil Scientifique de la RNBB, il s’agit à la fois d’économiser les ressources naturelles (réduire en amont les prélèvements) et l’environnement (réduire en aval les rejets). La grande plaisance, par sa croissance mondiale, constitue une activité générant de façon durable des impacts écologiques et socio-économiques négatifs en Corse. La destruction des herbiers de Posidonie par les ancres des navires, à l’échelle de la Corse, dégrade les puits de carbone. La mise en place de ZMEL réduit ce type d’impact mais contribue au maintien des autres conséquences écologiques négatives, en particulier venant de la grande plaisance : consommation de plusieurs centaines de litres de carburant fossile par heure, rejets associés d’incalculables volumes de gaz carbonique dans l’air et la mer, d’eaux usées et d’huiles, des déchets dont plastiques, nuisances sonores dues à la permanence du fonctionnement des moteurs, risques de collisions avec les cétacés, pollutions lumineuses touchant l’avifaune marine, etc.”
U Levante espère que l’Office de l’environnement réussira à conserver la riche biodiversité du littoral de Corse et à interdire toute nouvelle ZMEL dans toutes les aires marines protégées.
*NB – La demande d’annulation de l’arrêté inter-préfectoral du 31 mai 2021 portant autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime le long du littoral de la commune de Bonifacio pour la mise en place de deux zones de mouillage composées de coffres d’amarrage dédiés aux navires de 24 mètres et plus dans le golfe de Sant’Amanza, déposée au Tribunal administratif par U Levante en août 2021 n’a pas encore été jugée.
Par arrêté inter-préfectoral 2A-2024-05-21-00005 l’autorisation du 31 mai 2021 a été renouvelée. Hélas, à notre connaissance, l’OEC ne l’a pas déféré au TA.
https://www.ulevante.fr/surfrequentation-les-reserves-naturelles-marines-de-corse/
https://www.ulevante.fr/lattaque-vient-de-la-mer-la-pression-de-mouillage-des-yachts-en-corse/
https://www.ulevante.fr/superyachts-et-ultrariches-a-cause-deux-le-deluge/