Extraction de nickel dans le Cap Corse : la DREAL publie les caractéristiques techniques des forages d’exploration .

Quand la réalité surpasse le monde des Shadocks qui… pompaient… pompaient…

Pour trouver, sur le site de la DREAL, toutes les pièces du dossier de Demande d’examen au cas par cas préalable à la réalisation éventuelle d’une évaluation environnementale, déposé par Corsica Ressources le 7 février 2025, pour le projet suivant : « Campagne de sondages de reconnaissance de moins de 100 m sur les plages artificielles de Nonza et d’Albo (Corse) », il faut suivre le lien suivant :

https://www.corse.developpement-durable.gouv.fr/projets-2025-a2220.html

Les annexes, ajoutées à la demande d’U Levante, apportent un éclairage technique. 

« Le matériel de forage envisagé est une foreuse carotteuse auto-tractée sur chenilles en caoutchouc, de type SRS 120 (DUO) Sonic ou LS-250 Geosonic.

L’alimentation en eau sera effectuée par un camion-citerne, stationné sur le parking surmontant la plage, qui alimentera par tuyaux une cuve de stockage située à proximité de la foreuse.

Le matériel de forage sera amené à la plage d’Albo par transport routier depuis Bastia. Puis il sera transporté vers la plage de Nonza par barge et inversement pour le repli.

La durée totale des travaux (campagne de forages) est évaluée entre 2 et 4 semaines. 

Les caractéristiques étudiées seront la granulométrie, la géochimie, le contenu minéralogique et notamment en chrysotile. Ces données serviront à évaluer le volume en minéraux lourds de ces plages artificielles et de déterminer l’intérêt économique d’une demande de concession ultérieure. »

Le schéma ci-dessus indique en rouge clair la couche de galets et du sable convoité par Aurania. Elle repose sur les serpentinites (en gris), roches naguère exploitées pour l’amiante à Canari.

L’épaisseur de cette couche est variable, car la surface des serpentinites est irrégulière et cela explique que les carottes de forage auront des longueurs comprises entre « 0,62 m et 13,31 m ». Est-ce-que les porteurs de projet auraient déjà l’image de la surface des serpentinites ? Et si oui, pourquoi ne figure-t-elle pas dans le dossier ? 

Sur les lignes parallèles au rivage, les forages seraient espacés de 100 m et de 25 m sur les lignes perpendiculaires. 

Pendant l’exécution des forages de ” reconnaissance “, il serait prélevé environ 8,2 m3 de matière, soit environ 20 000 kg qui s’ajouteraient aux 130 kg déjà prélevés (sans autorisation à notre connaissance) pour analyse minéralogique.

Dans l’annexe 8, il est présenté 2 types de foreuses, toutes les deux montées sur chenilles. L’une pèse entre 4,5 et 6,5 tonnes et l’autre 11,5 tonnes. Pendant le cheminement de la foreuse, la couche de galets et de sable va être écrasée, compactée ; les galets seront cassés, l’endofaune chassée, voire détruite. Il est très probable que des fibres d’amiante soient libérées. C’est un aspect qui n’a pas échappé au porteur de projet puisqu’il est écrit dans la « gestion des risques » :

« L’opération est réalisée sous brumisation du poste de forage afin d’éviter toute émission de pous-sières, avec un maintien de l’humidité du sol qui est contrôlée pour être maintenue à plus de 10 %. »

Cependant, plus loin, il est écrit :

« Les plages d’Albo et de Nonza sont des plages artificielles créées par la sédimentation des rejets stériles jetés en mer de l’ancienne carrière d’amiante de Canari, dans les années 1950-1960. Ces stériles ont été débarrassés des fibres d’amiante par broyage de la serpentinite et récupération des fibres en vue de leur commercialisation. L’amiante résiduel est principalement contenu dans les galets sous forme de veines comme c’est le cas de la plupart des roches du secteur. Il n’est pas prévu de broyer la roche ou les galets lors des forages (forage sonic), le risque de libérer des fibres d’amiante est donc nul. »

Le porteur de projet a quand même un doute puisque dans l’annexe 8, dans le paragraphe « objet de la demande », parmi les études qui seront réalisées sur les carottes il y a l’identification du chrysotile (un minéral de la famille amiante). Il est inconcevable que dans les stériles rejetés il n’y ait plus aucune fibre d’amiante et faire croire que le risque amiante est nul est inadmissible. Le BRGM, lui, affirme le contraire. (Rapport BRGM R 39277, page 45 ; Rapport BRGM RP 58847, fig.11). 

Si l’autorisation d’exploiter est finalement donnée, l’extraction des sables nickélifères se fera en mer. Keith Barron lui-même, dans une vidéo de novembre 2024 (https://m.youtube.com/watch?v=a9ykIWzyu-4 (à partir de 8:30), indique que le volume de sable nickélifère représente 50 % du volume de la couche de galets et de sable. La moitié ! Donc, au fur et à mesure de l’exploitation sous-marine des sables, la plage devrait inexorablement glisser vers la mer. Ce serait un remue-ménage en accéléré de ce qui se passe naturellement et la pollution par les fibres d’amiante se trouverait ainsi augmentée.

Ironie du sort, dès octobre 2006, U Levante avait révélé l’existence d’une forte pollution au chrome et au nickel dans le golfe de Saint Florent au vu des résultats des campagnes menées par l’IFREMER et le BRGM. « Cette pollution s’étend sur une superficie de 6 000 hectares. Elle va en décroissant au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la mine.  Elle est proche de la surface dans une bathymétrie inférieure à 100 m de profondeur. Cette zone contaminée présente une épaisseur comprise entre 35 et 65 cm avec des concentrations métalliques mobilisables et biodisponibles pour les mollusques. (Ambiante n°42, avril 2007, page 10) »

Alors que le travail de l’ADEME de mise en sécurité de l’ancienne carrière de Canari va se concrétiser prochainement par la démolition de 3 bâtiments industriels et des travaux de stabilisation, le Cap Corse et le golfe de Saint Florent repartiraient pour une décennie (chiffre annoncé par Keith Barron) dans une situation incertaine du point de vue environnemental. Toutes les royalties promises en valent-elles la peine ?