Apparue en Corse en 1994, la cochenille du pin maritime menace notre patrimoine et nos paysages.
Les pins maritimes de Haute-Corse sont assiégés par une cochenille. L’insecte ravageur provoque une mortalité conséquente. Les paysages en sont meurtris et l’on assiste impuissant à la disparition de peuplements entiers.
Colonisation. C’est dans la forêt territoriale de Pinetu (Ponte à A Leccia), en 1994 que la cochenille du pin maritime a été détectée pour la première fois. Depuis cette date, l’aire de répartition ne cesse d’augmenter. L’avancée annuelle de l’épidémie est de l’ordre de 2,6 km/an.
Ainsi, en 1997, elle est détectée dans la vallée de l’Ascu et aux alentours du Col d’Ominanda. En 1999, des insectes sont piégés à l’entrée des vallées de la Restonica et de la Tartagine.
En 2004, l’épidémie connaît une évolution majeure, colonisant Bonifatu. En 2009 sa présence est mentionnée à Pinia, forêt du bord de mer : le Fium’Orbu est touché. Il est probable que, entre 2020 et 2050, l’insecte colonise les boisements de Calvi et Portivechju et les forêts du Sud telles Bavella, Fium’Orbu, Tova et Ospedale.
Menaces. Dans les années cinquante à soixante-dix, l’insecte a provoqué le dépérissement des forêts de pin maritime des Maures et de l’Estérel. Près de 120 000 ha de peuplements ont été détruits. Il a ensuite ravagé les massifs du Nord de l’Italie. Aujourd’hui l’épidémie menace les 50 000 ha de forêts de pin maritime de Corse. C’est-à-dire l’élément fondateur des paysages, au même titre que le pin lariciu. Mais, au-delà de l’impact environnemental majeur, la destruction de ces peuplements aura des répercussions sociales et économiques. Sociales, parce qu’une forêt attaquée présente un aspect « ruiné » formé d’arbres morts, roussis ou blessés. Les grands sites touristiques s’en trouveront ainsi temporairement dégradés. Les arbres attaqués dangereux, situés aux abords des zones fréquentées, devront systématiquement être enlevés. Les lieux fréquentés et appréciés souvent pour leur ombrage, perdront alors leur attractivité. Économiques, car, avec le développement de la filière bois énergie, les peuplements de pin maritime, souvent dynamiques et denses, auraient pu facilement répondre à l’approvisionnement régulier de la filière et participer à son développement. Dans les Landes, cette essence, très recherchée, est celle de production par excellence.
Que faire ? On assiste donc, impuissant, à la perte d’un capital forestier. En collaboration avec les partenaires locaux dont l’ONF, l’Inra suit l’épidémie et étudie les mesures à mettre en œuvre : piégeage de masse des mâles à l’aide de phéromones de synthèse, sélection des arbres les plus vigoureux et les plus résistants, maintien des prédateurs (punaises, coccinelles, petits carabes, acariens, araignées).
Cependant la surface est vaste. Traiter l’intégralité de la pinède insulaire semble illusoire tant sur le plan financier que matériel. Quant à la méthode sylvicole (éclaircies visant à améliorer la vigueur des peuplements), elle ne pourra être utilisée que s’il existe une demande locale en produits de petit diamètre (valorisables en bois énergie) permettant ainsi de réduire les coûts, voire de rentabiliser l’opération de lutte.
La nature pour salut. Le salut ne semble pouvoir venir que de la nature elle-même. En Provence, certains individus ont résisté. Une sélection naturelle laisse supposer que les descendants de ces survivants seront génétiquement résistants à la cochenille du pin. On assiste progressivement à la mise en place d’une nouvelle dynamique naturelle qui permet aux essences, qui étaient jadis en sous-étage de la pinède, de former un nouveau boisement. Dans les zones touchées en 1994, l’ancienne futaie dense de pin maritime a ainsi laissé la place à une jeune futaie de chêne vert.
La cochenille et le pin
Le cycle biologique de la cochenille se déroule sur une année. Les adultes apparaissent fin janvier, leur taille est de l’ordre du millimètre. Seuls les mâles sont ailés. Les femelles déposent leurs œufs dans les anfractuosités de l’écorce. L’éclosion se produit vers la fin mars. Les larves du premier stade assurent la dispersion de l’espèce (transport par le vent) puis, elles se fixent dans les tissus de l’arbre.
L’insecte colonise spécifiquement le pin maritime, dès que l’écorce est craquelée (arbres de 8-10 ans). Le prélèvement de la sève riche en éléments nutritifs s’accompagne de l’injection simultanée d’enzymes digestives à effet toxique. L’affaiblissement de l’arbre se traduit par un rougissement des aiguilles. La colonisation se caractérise également par de fins écoulements de résine. Cette évolution favorise les attaques d’insectes xylophages (mangeurs de bois) qui peuvent entraîner la mort de l’arbre. Les arbres dominants de gros diamètre (plus de 40 cm) sont les premiers colonisés et les mortalités sont enregistrées cinq à sept ans après. Les mortalités sont plus fréquentes sur les arbres les moins vigoureux mais elles diminuent avec l’altitude.