Ci-dessous, la déclaration de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
Réunion du 22 octobre 2012 sur la lutte contre la criminalité en Corse
La violence et l’affairisme ont atteint en effet dans l’île un niveau qui est sans commune mesure avec les autres régions françaises, et cette situation menace les fondements mêmes de la société en Corse. Le gouvernement, comme je l’ai annoncé la semaine dernière, prend toutes ses responsabilités et est déterminé à mener une action de grande ampleur et dans la durée. La dérive actuelle doit être stoppée. La Corse fait partie du territoire de la République. Les actes graves qui se déroulent en Corse sont le fait d’une minorité, une petite minorité, qui ne respecte pas les règles de l’État de droit et qui doit donc être poursuivie et présentée à la justice.
L’immense majorité des Corses aspire légitimement à la paix et à la sécurité, et l’immense majorité des Corses refuse que le banditisme impose ses propres règles en lieu et place des lois de la République. Le gouvernement refuse la banalisation de la banalisation de la violence. Il a décidé d’agir en profondeur dans les secteurs et contre les pratiques qui sont à l’origine de ces activités criminelles. Les affaires économiques et financières qui sont à l’origine de la plupart des homicides, des tentatives d’homicides et des attentats sont la cible de la stratégie qui vient d’être adoptée par cette réunion interministérielle.
Une attention particulière sera portée à la lutte contre le blanchiment, notamment dans le domaine de l’immobilier et y compris du sport, ainsi qu’aux procédures de marchés publics, aux autorisations d’urbanisme et plus particulièrement au respect de la loi littoral ainsi qu’au trafic de drogue. Dix mesures ont été retenues qui permettront de renforcer et appuyer l’action des services déjà engagée dans cette lutte. D’ailleurs, je voudrais à cette occasion saluer le travail des fonctionnaires qui le font dans des conditions souvent difficiles. Chacun doit en effet avoir conscience de la difficulté de la tâche des services d’enquête, de la tâche des magistrats, des policiers, des gendarmes et de l’ensemble des fonctionnaires de l’État qui œuvrent chaque jour pour le respect du droit en Corse.
La première mesure, c’est la création d’une cellule interministérielle de coordination qui décidera de missions d’inspection et de soutien au préfet de Corse et aux services territoriaux de l’État pour l’exercice de leur mission de contrôle et qui fixera les actes de contrôle fiscal en Corse. Elle examinera également la dimension internationale des réseaux. En complément, le prochain comité de veille stratégique de lutte contre la fraude sera consacré à la Corse. J’ai également demandé à chacun des ministres de renforcer les moyens d’enquête spécialisés, pour identifier les circuits mafieux et enquêter sur les mouvements de patrimoine et les flux financiers irréguliers. Ce sont notamment le groupement d’intervention régional, le GIR, la section financière de la direction régionale de la police judiciaire, les unités spécialisées de la gendarmerie nationale et la coordination des services de sécurité intérieure qui seront renforcés dans les compétences économiques et financières.
De nouvelles mesures de politique pénale ont également été retenues, comme je l’avais annoncé le 17 octobre dernier. Une circulaire de politique pénale, territoriale, destinée spécialement à la Corse, sera prochainement signée. La complexité et l’imbrication des affaires criminelles corses justifient une organisation qui associe étroitement et quotidiennement les parquets d’Ajaccio et de Bastia. La juridiction interrégionale spécialisée de Marseille et le parquet antiterroriste de Paris. Cette organisation renforcée sera le fait de réunions de régulation qui permettront également d’accélérer le traitement des affaires. Quant au pôle économique et financier de Bastia, il sera renforcé en juges d’instruction.
Mesdames, Messieurs, vous constatez la cohérence de ces mesures. Elles sont toutes orientées autour de l’objectif de lutter contre la criminalité économique et financière. Christiane Taubira et Manuel Valls se rendront ensemble prochainement, au mois de novembre, sur place. Mais je ne saurai conclure sans en appeler également la société corse à l’esprit de responsabilité. Je sais que l’immense majorité des Corses souffre de cette situation. Trop d’affaires ne sont pas élucidées parce que les victimes ou les témoins ont été intimidés, menacés. Trop de conflits sont réglés par la violence. Trop d’armes circulent en Corse. Chacun doit aujourd’hui s’interroger sur les racines de cette violence. Je sais pouvoir compter sur l’adhésion à ce dispositif de toutes les forces vives de la Corse. L’État, et je l’affirme ici solennellement, tiendra tous ses engagements.
Il tiendra ses engagements dans ce domaine comme dans tous les autres mais il agira avec détermination pour que la jeunesse de cette île puisse concevoir un avenir en rupture avec les violences d’aujourd’hui dont la société corse ne veut plus, et dont la France et la République ne veulent plus. Je vous remercie.