Course contre la montre à Portivechju.
Robin des Bois, bon connaisseur en dragage et signataire de cet article, n’a jamais vu même dans les cas les plus graves une telle précipitation. Le Tour de France cycliste réussirait l’exploit irréparable et sans précédent de détruire l’un des plus beaux golfes de la Corse ?
Le Tour de France 2013 a l’idée géniale de partir le 29 juin de Portivechju dont la capacité hôtelière est très réduite. Le golfe de Portivechju bénéficie d’un statut protecteur. Ce bouclier juridique cherche à en protéger la fonctionnalité et à endiguer la dégradation des paysages et de la biodiversité marine.
Or, la veille de Noël 2012 a débuté une enquête publique qui s’achève. Discrète et express, elle a tenté une échappée solitaire mais elle a été rattrapée par un petit groupe de poursuivants composé de l’Association pour le libre accès aux plages et la défense du littoral de Portivechju, d’U Levante et de Robin des Bois.
L’enquête publique, obligatoire au vu des enjeux environnementaux et financiers, vise à obtenir dans des délais très courts l’autorisation d’extraire 220.000 tonnes de sédiments marins et de les immerger à la sortie du golfe à 3 km de la côte. 15.000 tonnes de matériels rocheux devront aussi être extraits et clapés, c’est à dire immergés.
Le but initial est d’accueillir des navires de « grande taille » dans des conditions de navigabilité et de sécurité acceptables. 10 hectares de fonds marins situés en face du « port de commerce » doivent être surcreusés jusqu’à une profondeur de 8,50 mètres. Le tirant d’eau est aujourd’hui de 5 mètres. Ces navires de « grande taille » sont dans un premier temps destinés à acheminer ou à héberger une partie de la manifestation du Tour de France estimée selon la police et les organisateurs à environ 4.500 personnes et à 2.500 véhicules motorisés.
Ce bassin de 10 hectares surcreusé serait un tonneau des Danaïdes constamment rechargé par les matières organiques charriées par l’estuaire du Stabiacciu. Si le dragage de 2013 a lieu, il faudra le répéter régulièrement au fil des années. Le cru 2013 est estimé à 9 millions d’euros.
La course contre la montre du dragage qui s’engage ne peut supporter le moindre contretemps. Enquête publique bâclée, commissaire-enquêteur dopé remettant son rapport dans des délais jamais vus, mémoire en réponse expéditif du Conseil Général de la Corse du Sud et arrêté préfectoral dans la foulée. En draguant 24/24h, 7/7j, et en empêchant de dormir les 12.000 habitants de Portivechju, les dragues aspiratrices peuvent boucler l’affaire, travaux de préparation compris en 3 mois et demi après le top départ.
Bon pour la logistique du Tour de France, à condition de prendre des risques importants pour la sécurité nautique de l’ensemble des opérations. Mauvais pour les reliques d’herbiers de zostères, de cymodocées et de posidonies, mauvais pour les poissons et les mammifères marins affolés et, pour certains, mutilés par le vacarme du déroctage. Mauvais pour les pêcheurs professionnels et pour la qualité sanitaire du golfe de Portivechju et des eaux adjacentes contaminés par les micropolluants chimiques et les polluants bactériologiques stockés dans les sédiments anciens et dispersés.
Robin des Bois, bon connaisseur en dragage, n’a jamais vu même dans les cas les plus graves une telle précipitation. Le Tour de France cycliste réussirait là l’exploit irréparable et sans précédent de détruire l’un des plus beaux golfes de la Corse.
Lire aussi l’article de U Levante : Portivechju. Le dragage du port aux dépens de la santé humaine