Saisi par le Préfet, le juge des référés du Tribunal Administratif de Bastia a, par ordonnances des 29 octobre et 19 novembre 2013, considéré qu’il existait, dans la plaine d’Oletta, Haute-Corse, au sud de San Fiurenzu/Saint Florent, en l’état de l’instruction du dossier, un doute sérieux sur la légalité des zones urbanisables ou à urbaniser. (1)
Selon le juge, ces zones n’apparaissent pas compatibles avec l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme (précisé dans le Schéma d’aménagement de la Corse) qui affirme que « les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s’apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d’exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l’exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition ».
Les ordonnances ont pour effet de suspendre la création de toutes ces zones de la plaine d’Oletta dans l’attente du jugement définitif sur la légalité du PLU, qui devrait intervenir dans quelques mois. Les travaux de construction ne pourront donc pas débuter dans ces zones.
U Levante, après avoir observé, pendant l’enquête publique, que ces zones classées constructibles auraient dû être classées en zones A (A= Agricoles) … a également déposé un recours contre le PLU devant le tribunal administratif, demandant l’annulation, entre autres, de ces zones.
Le P.L.U. querellé rendait en effet urbanisables, d’une part des terres actuellement exploitées par des agriculteurs et éleveurs, situées à proximité immédiate du siège des exploitations, qui sont nécessaires à leur maintien, d’autre part des terres à très forte potentialité agropastorale, mécanisables, irrigables et en continuité avec des exploitations agricoles, ce qui hypothèque le développement de ces dernières.
Des observations similaires ont été faites par les personnes publiques associées.
Ainsi, la Préfecture de Haute-Corse (DDTM) précise dans son avis du 25/09/2012 :
« c) protection des espaces naturels et agricoles
(…) Par conséquent, afin de rendre le zonage cohérent avec le PADD et conforme à la loi Montagne et à la jurisprudence, je vous saurai gré de bien vouloir réduire les zones U de Vitricione, Croce et Luccia ainsi que la zone AU de Viecolaja, reclasser les secteurs AU de Croce, Preschi ainsi que la zone U de Fontanelle, »
La Chambre d’Agriculture de Haute-Corse précise dans son avis du 03/10/2012 :
« Pour donner un avis sur un document d’urbanisme la Chambre d’Agriculture de Haute Corse privilégie la pérennité des exploitations existantes, et le maintien du potentiel agricole du territoire.
Nous avions déjà examiné votre projet de février 2012, et à l’examen de ce nouveau document nous regrettons que vous n’ayez pas tenu compte des principales remarques que nous avions émises, ce qui nous amène à émettre de nouveau un avis défavorable.
Nous renouvelons notre souhait de voir le développement urbain s’axer autour du bâti existant pour préserver les fonds de la vallée mécanisable qui présentent une vraie potentialité agricole, et limiter l’agrandissement des hameaux existants dans cette zone de la plaine.
Une frontière lisible entre urbanisation et agriculture est nécessaire à une bonne réciprocité. Le zonage proposé dans votre projet sur ces zones crée des enclaves de terres agricoles qui seront, à terme, soumises à une pression foncière importante.
Enfin votre proposition restreint la zone agricole d’environ 35 hectares d’espaces mécanisables et de châtaigneraie. »
De même, selon l’INAO (Avis du 10/02/2012) :
«Bien que le projet de zonage du PLU classe dans sa globalité près de 43% du territoire communal en zone agricole, soit 1021 hectares, et plus de 47% en zone naturelle, l’ouverture à l’urbanisation dans certains secteurs porte atteinte à cette agriculture de qualité. (…)
En conclusion, l’Institut émet un avis défavorable à l’encontre du projet de PLU de la commune d’Oletta et demande que les remarques explicitées ci-dessus soient prises en considération et que les secteurs et parcelles susnommées soient maintenues en zone agricole. »
C’est donc en toute connaissance de cause, que la commune d’Oletta (délibération du Conseil Municipal du 28/03/2013) s’est mise hors la loi. Elle a même augmenté l’emprise des zones urbaines et à urbaniser sur ces terres agricoles, les portant à 53 hectares… Elle a cherché à passer en force mais, fort heureusement, l’État est intervenu judiciairement.
PS : C’est sans doute cette mutation des terres agricoles en terres urbanisables qui a valu à la commune, en novembre 2013, la Marianne d’or du développement durable, pour, entre autres actions, sa vigilance contre la spéculation immobilière ? Une récompense couverte de ridicule.
1 – « L’exécution de la délibération en date du 28 mars 2013, pour laquelle le conseil municipal de la commune d’Oletta a approuvé le plan local d’urbanisme est suspendu au plus tard jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête tendant à l’annulation de cette délibération, en tant qu’elle crée des zones U3 et AU1 dans les secteurs de Coce et de Piedalbuccio, en tant qu’elle crée des zones U3 dans les secteurs de Gadelle et de Rondinajo et des zones AU1 dans les secteurs de Vitriccione et de Campiglione et, enfin, en tant qu’elle institue une zone UE, y compris un sous secteur UEi ainsi qu’une zone AU1 dans les secteurs de Chioso/Vescovo et de Nunziata/Lumio. »
Ordonnance du permis d’aménager : à télécharger ici