Amendement à la loi Littoral, l’exception corse

En Corse, île des sacrifices et des exclusions, les exceptions infirment la règle.

Les faits

Le Sénat a été saisi le 12 juillet d’un amendement d’origine gouvernementale*[1] afin de déroger encore une fois à la loi « littoral » pour les seules communes de Corse**.

Les motifs invoqués : bien évidemment, “préserver le patrimoine littoral “, par les élus qui “sont attachés à concilier les enjeux paysagers et environnementaux”… Pour U Levante, un sacrifice inadmissible pour une exception insulaire et son identité environnementale, un acte prémédité et perpétré sans débat, à l’insu de la volonté publique d’une population particulièrement attachée à la loi Littoral. U Levante dénonce les agissements d’un État sacrificateur et le silence sacrilège de nombreux élus et de la Collectivité de Corse.

Décryptage

Jusqu’à présent, dans les communes soumises aux deux lois Littoral et Montagne, la loi Littoral, moins permissive, s’appliquait sur l’ensemble de la commune et n’autorisait la constructibilité qu’en continuité des villages et des agglomérations. Si l’amendement gouvernemental passe, la loi Littoral ne s’appliquera plus que dans les espaces proches du rivage.

Un exemple parmi tant d’autres : sur la commune de Siscu, la loi Littoral ne s’appliquerait plus que dans la bande comprise entre le trait turquoise et la mer au lieu de s’appliquer à tout le territoire communal.

La différence est de taille puisque, en dehors de la bande des 100 mètres, la constructibilité deviendrait possible en continuité des « groupes de construction ». Ainsi les « taches urbaines » que le précédent Exécutif avait tenu à faire figurer dans le Padduc, tout en précisant dans les textes qu’elles n’étaient pas constructibles, le deviendraient ?

« La tache urbaine est une modélisation qui permet de représenter de façon schématique les regroupements de bâtis. Elle n’a aucune portée juridique et ne saurait être confondue avec l’espace urbanisé, au sens du code de l’urbanisme (caractérisé dans le livret IV par un faisceau de critères et d’indices). Elle ne tient compte que de la distance entre les bâtiments, sans autre considération, et ne permet donc pas de caractériser une forme urbaine. Par conséquent, en aucun cas, la « tache urbaine » ne peut être considérée comme une ouverture à une urbanisation possible, celle-ci répondant à d’autres critères définis par ailleurs dans le PADDUC. »

Représentation de la « trame urbaine » sur la commune de Siscu (Padduc, carte n° 6) :

La volonté de l’État et de certains élus corses est claire : la constructibilité doit être possible partout en Corse et les résidences secondaires à but spéculatif doivent se multiplier partout et n’importe où, alors même que notre île a déjà battu ce triste record de dépossession de son patrimoine foncier et est en train de perdre aussi celui de ses terres agricoles.

La méthode

U Levante estime de surcroît que la méthode employée est inacceptable : la modification est proposée sans aucune concertation, entre pleine torpeur estivale et euphorie footballistique. Alerte et carton rouges. Il est utile de se souvenir que « nul n’est propriétaire de ses fonctions » et que l’État décideur et les exécutants de la Collectivité de Corse semblent travailler sans filet et sans gage de garantie.

Les vacances de Monsieur Hulot 

Une fois de trop, on sabote les protections sans que l’État ne propose rien de constructif en dehors de l’encouragement à bâtir. Aucun nouveau moyen pour améliorer le contrôle de légalité en préfecture, aucun nouveau moyen pour contrôler le respect des permis de construire obtenus, aucun nouveau moyen pour faire exécuter les décisions de démolition. Rien.

On comprend pourquoi le principe de non-régression n’a pas été adopté lors de la révision constitutionnelle : le gouvernement régresse de sa propre initiative sur la loi Littoral ! Certains élus locaux progressent grâce à cette régression… et toutes ces agressions tendent à détruire ce qu’il reste de respectable sur la terre de Corse.                                                              

Oraison funèbre en guise de conclusion ?

Dans ce contexte U Levante demande

–      au Ministre de l’Écologie de prendre position et d’obtenir des garanties pour renforcer la loi Littoral et en faire assurer un meilleur respect et un meilleur avenir par les collectivités locales de Corse,

–      aux élus corses encore soucieux et responsables du devenir environnemental de leur terre et encore respectueux de leur opinion publique, de se positionner ouvertement contre ce sabordage de la loi Littoral qui ne fera qu’accentuer la pression sur notre terre comme sur eux-mêmes.

Amère désillusion de constater que l’État s’apprête à nuire gravement aux intérêts majeurs de notre île en encourageant et en accélérant la spéculation et la dépossession foncière.

Plus grande amertume encore de constater que des élus nationalistes en position de majorité à la CdC et se revendiquant d’une lutte historique pour la préservation de la Terre Corse fassent, pour les ESA, le choix du pire en 2018 *** !

  • L’amendement proposé par le gouvernement le 12 juillet 2018 : 

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  • ** Communes corses soumises à la seule loi Littoral :AJACCIO – ALERIA – BIGUGLIA – BASTIA – BORGO – CALVI – CANALE DI VERDE- CASTELLARE DI CASINCA – CERVIONE- FURIANI – GHISONACCIA – L’ILE ROUSSE – LINGUIZETTA – LUCCIANA – PENTA DI CASINCA – POGGIO MEZZANA – SAINT-FLORENT –  SAN GIULIANO – SAN NICOLAO – SANTA LUCIA DI MORIANI – SANTA MARIA POGGIO – SORBO OCOGNANO -TAGLIO ISOLACCIO – TALASANI – VALLE DI CAMPOLORO – VENZOLASCA – VESCOVATO –
  • *** http://www.ulevante.fr/espaces-strategiques-agricoles-du-padduc-u-levante-dit-non-a-lexecutif-de-la-cdc/