Balbuzard sur son nid, printemps 2022
Une consultation publique de la préfecture maritime de Méditerranée est en cours et se termine le 28 juin au soir : https://www.premar-mediterranee.gouv.fr/pages/consultations-en-cours
U Levante, en accord avec les associations du Collectif TERRA, milite pour que l’arrêté préfectoral qui instaure des zones de quiétude autour des nids du Balbuzard soit pris dès le mois de mars, et donc dès les périodes d’incubation et d’élevage des poussins pour ne pas provoquer d’échec de reproduction (dû au refroidissement des œufs ou à l’abandon du nid par les adultes).
Vous pouvez, vous devez, participer à cette consultation en adressant votre avis à : contact@premar-mediterranee.gouv.fr
Voici l’avis dressé par U Levante à M. le Préfet maritime :
1 – Cette « consultation publique », comme toutes les « consultations publiques » n’en est pas une.
- Elle devrait être une enquête publique afin que les avis émis soient connus de tous.
- Elle n’est qu’une consultation d’un public connaissant ce site (et les différentes et précédentes consultations montrent que ce « public » est extrêmement restreint : il se compte presque toujours sur les doigts d’une main).
2 – Le projet d’arrêté permet à M. tout le monde d’avoir accès aux points GPS de localisation des nids. Est-ce normal ? Pour l’association U Levante c’est très regrettable.
3 – « Elle fait également l’objet d’un Plan National d’Actions en faveur des espèces menacées depuis 1999. »
- Une réunion des membres du PNA (Plan régional d’action) balbuzard avait été prévue par la DREAL Corse le 01/04 ; une présentation des données de suivi de la reproduction de l’espèce au 15 mars 2022 par l’OEC (Office de l’Environnement de la Corse) (avec une présentation des perspectives d’action pour les prochains mois) devait avoir lieu mais la réunion a été annulée la veille sans motif explicite et sans aucune proposition de report de réunion. Le PNA n’a donc pas été informé ni des résultats des comptages de l’OEC ni de ce projet d’arrêté.
4 – « Selon les données du 28 avril 2022 transmises par l’Office de l’Environnement de la Corse » puis « selon les données du 17 juin 2022… » dans la version du 23 juin soumise à consultation.
- La charte Natura 2000 et son plan d’actions pour 2022, concernant le balbuzard pêcheur a été envoyée le 25/04 par l’OEC aux usagers locaux (dont U Levante), mais ni au PNA ni au Conseil scientifique de la Réserve naturelle de Scandola.
- Dès février 2020, le Conseil scientifique de la Réserve naturelle demandait, selon le protocole défini par l’ornithologue M. Olivier Duriez CNRS-Univ de Montpellier et membre titulaire de Plan National d’Actions pour la Sauvegarde du Balbuzard, une définition des zones de quiétude mi-mars, pour favoriser l’installation des couples ainsi répertoriés et connus.
Référence : Protocole de suivi des Balbuzards pêcheurs de Méditerranée – Nov. 2014.
« Aux latitudes méditerranéennes, la saison de reproduction débute entre Février et Avril, lorsque les couples rentrent progressivement à leur nid qu’ils occupent par ailleurs pendant plusieurs années consécutives (Thibault & Patrimonio, 1991). »
« La ponte intervient en mars et avril. Jusqu’à 4 œufs sont pondus (3 en moyenne) dans un intervalle de 1 à 3 jours. Une ponte de remplacement peut parfois être observée (Cramp & Simmons, 1980). »
« Durant la phase d’incubation les deux partenaires sont impliqués même si la femelle y consacre plus de temps. Cette phase dure 34-40 jours (Green, 1976; Cramp & Simmons, 1980). Pour la population corse, les premiers envols de jeunes sont observés la première semaine de juillet (Thibault & Patrimonio, 1991). Les parents continuent de nourrir les juvéniles même après leur premier envol. »
« Pendant les périodes de reproduction les observateurs doivent prendre garde à ne pas s’approcher excessivement des sites de nidifications, surtout durant les périodes d’incubation et d’élevage des poussins pour ne pas provoquer d’échec de reproduction (dû au refroidissement des œufs ou à l’abandon du nid par les adultes.) Selon nos propres observations, entre 300 m et 100 m de distance au nid on observe des cris d’alarme de la part des adultes et à moins de 100 m ces derniers s’envolent du nid (Bretagnolle & Thibault, 1993). Dans la mesure du possible et en fonction de la configuration du terrain il est donc fortement recommandé de ne pas s’approcher à moins de 300 m du nid…
« Lors de la saison de reproduction de mars à avril, toutes les structures de nid (nids potentiellement actifs) doivent être visitées au moins une fois par mois afin d’évaluer leur statut de reproduction. »
Calendrier des différentes sessions de terrain à réaliser lors de la saison de reproduction.
1ère Session = CONTRÔLE DES NIDS (période = deuxième partie de mars)
A cette période de l’année, les balbuzards reviennent sur leur site de nidification pour se reproduire. Des interactions inter-individuelles ont lieu pour défendre le territoire ou attirer la femelle au nid. Les parades nuptiales sont fréquemment observées. Des cas d’échange de nid sont également fréquents (les balbuzards peuvent visiter plusieurs nids avant d’en choisir un définitivement pour le reste de la période de reproduction). Ainsi, un nid « inactif », peut être identifié comme occupé lors des passages suivants. Il est important de vérifier l’ensemble des nids au moins une fois à cette période de l’année.
2ème session = CONTRÔLE DE L’INCUBATION (période = 2ème moitié d’avril)
Remarque : La distance d’observation doit être de 300 m, au-dessous de cette distance, il peut y avoir dérangement provoquant la fuite des parents (et donc potentiellement la mort des œufs en incubation).
3ème Session = CONTRÔLE DE L’ÉCLOSION (période = première moitié de mai)
La majorité des éclosions ont lieu entre la fin avril – début mai
4ème Session = CONTRÔLE DE L’ENVOL (période = entre la mi-juin et la mi-juillet)
A cette période, les poussins sont assez âgés pour tenter de réaliser des battements d’aile afin de développer les muscles impliqués dans le vol. En moyenne, le premier vol a lieu lors de la 1ère semaine de juillet.
5 – « 13 nids de balbuzard pêcheur donnant lieu à une reproduction certaine » puis « 8 nids … »
L’OEC a écrit : « Au 27 avril, 13 nidifications certaines sont confirmées sur le secteur Calvi-Carghjese (dont 1 dans la réserve de Scàndula) et 14 nidifications probables confirment les observations entre le début du mois de février et la fin du mois d’avril de comportements de couples en phase d’installation (vols et cris de parade nuptiale, vols nuptiaux, cris d’alarme lors du passage d’un danger éventuel, accouplement, appropriation d’un nid). Toutefois, compte tenu de la présence encore régulière de plusieurs autres couples, des pontes tardives sont encore possibles dans les prochains jours sur plusieurs de ces nids.
Compte tenu de la configuration de la plupart des nids et surtout de la volonté de ne pas prendre le moindre risque de perturber la reproduction du balbuzard pêcheur dans cette période très sensible, il peut subsister des doutes sur la certitude de la ponte à la fin du mois de février.
Au 27 avril, nous pouvons donc considérer 27 nids actifs dans le secteur Calvi Carghjese avec une ponte certaine ou de forts indices de probabilités d’activités reproductrices. »
6 – « Considérant que le suivi scientifique de la chronologie de la reproduction de cette espèce sur la façade occidentale de la Corse, réalisé depuis les années 1980 par plusieurs opérateurs, »
- À la connaissance de U Levante, depuis les années 1980 jusqu’à 2019, seuls le conservateur de la RNN (J.-M. Dominici) et l’ornithologue J.-C. Thibault ont assuré le suivi scientifique de cette espèce sur cette façade maritime et ont transmis chaque année un rapport sur ce suivi à toutes les autorités concernées.
- Un rapport annuel d’activités concernant le balbuzard pêcheur était présenté en Comités Scientifique et de Gestion de cette Réserve. Ces rapports étaient ensuite diffusés au sein des collectivités régionales et nationales.
- Un rapport spécifique appelé « Guide méthodologique de suivi des différentes phases successives de la reproduction du Balbuzard pêcheur en Méditerranée Occidentale » fut publié dans le cadre de la thèse sur le Balbuzard pêcheur portée par M. Flavio Monti et dont le Directeur de thèse était M. Olivier Duriez (extrait ci-dessus).
7– Date de la prise de l’arrêté : au mieux l’arrêté, nécessaire, qui va être pris pourrait être daté du premier juillet.
- Cette date est beaucoup trop tardive si on s’en réfère aux phases successives de reproduction définies dans le guide méthodologique de la reproduction et les diverses publications scientifiques portant sur ce sujet.
- Cette tardivité est la conséquence d’un rapport de l’OEC beaucoup trop tardif puisque daté de fin avril.
- Il est clair que si les zones de quiétude étaient définies avec le comptage de mars, période pendant laquelle tous les couples en phase d’installation peuvent être identifiés de manière certaine, ils auraient plus de chance d’aller au terme de la reproduction. Les pertes seraient moins drastiques.
8 – Dans les considérants, la relation « dérangements » et « déclin des populations » est bien établie :
- Le projet d’arrêté en date du 23 juin apporte des précisions sur les dates de sensibilité (« envol en juin et juillet ») mais oublie ( !) la période de couvaison qui est la plus sensible. C’est inadmissible.
- Passer de 27 nids en avril à 8 nids en juin démontre que le succès reproducteur est extrêmement contrarié par la surfréquentation car ce sont bien les dérangements qui causent l’échec de la reproduction du Balbuzard. Combien en restera-t-il en juillet ? La fréquentation doit être régulée et des quotas doivent être imposés.
- Les zones de quiétude (300 mètres selon les scientifiques) sont donc indispensables et doivent être mises en place dès mars. Les services de l’État et les gardes du PNRC doivent les faire respecter.