Le 18 octobre 2023, le Conseil des rivages de Corse a présenté un projet d’acquisition de parcelles à Piantarella, commune de Bunifaziu. Les surfaces concernées sont limitées par le tireté bleu sur la carte ci-dessous (image FR3 Corse) et comprennent les deux étangs de Piantarella et de Sperone et les parcelles de terre qui les entourent, dont celle support d’un site archéologique d’époque romaine.
A – Historique du site de Piantarella
- Le projet de « réserve naturelle des Îles Lavezzi » comprenait, au départ, une partie marine (l’ensemble des îles sauf Cavaddu) et une partie terrestre, le site archéologique de Piantarella, les deux étangs riches en biodiversité qui l’entourent, la pointe de Sperone…
- Las, le 6 janvier 1982 seule la partie marine sera retenue.
- Le 3 octobre 1986 la commission des sites demande que l’étang de Piantarella et ses abords soient classés au titre des sites…
- En décembre 1993 : la DREAL propose que l’ensemble de Piantarella soit un site Natura 2000, une zone spéciale de conservation …
Il était trop tard … En 1992, faisant fi des lois de l’urbanisme, le maire de Bunifaziu J.-B. Lantieri délivre au promoteur Jacques Dewez un permis de construire pour 90 logements en plusieurs immeubles. Le permis sera annulé par la Cour administrative d’appel 8 ans plus tard, annulation confirmée par le conseil d’État le 14 novembre 2003 (actions de l’association ADPVNHC)… alors que tout était construit.
Le “hameau” de Piantarella”:
B – Le site archéologique
Sis sur l’actuelle parcelle numéro M609, anciennement numéro M376, le site archéologique de Piantarella, établissement romain, s’étend sur 4 422 m2 et était, selon P. Agostini* un comptoir situé entre le marais salant que constituait l’étang de Piantarella et le port abri qu’était alors l’étang de Sperone. Il comportait une place publique, des boutiques, des entrepôts, des cours, des thermes… Ce site est le témoin de « la place de la Corse dans les courants commerciaux méditerranéens entre le début du 1er siècle et le début du IVe. »
Les 4ha du site romain de Piantarella ont été classés « monument historique » par arrêté du 30 novembre 1990. Ils appartenaient alors et depuis une date antérieure à 1956 aux Hospices de Bonifacio (dont le président du conseil d’administration était le maire Ati Lantieri) qui les ont vendus à la SCI Stella d’Oro en août 1996 pour 2,5 millions de francs. À l’époque, le préfet et la chambre régionale des comptes s’étaient émus que l’on puisse vendre à ce prix un terrain inconstructible, de plus à une SCI ayant pour vocation la construction d’immeubles.
Images du site archéologique en 2009, source association ABCDE :
La grande mosaïque :
*Agostini P.M. : Recherches archéologiques sur le site romain de Piantarella (commune de Bonifacio, Corse du Sud) ; Travaux scientifiques du PNRC et des réserves naturelles de Corse, n°42, 1-60
C – L’état des lieux aujourd’hui
Tout Piantarella/Sperone est inconstructible par décision du Tribunal administratif : la déclaration du maire, rapportée par Corsenet Infos le 8 décembre 2023, d’urbaniser les dents creuses au niveau de Sperone, pose question puisque, si les lois sont appliquées (L. 121-8 et L. 121-13), tout Piantarella/Sperone est inconstructible.
Toutes les parcelles du projet du CDL sauf les plus nordiques font partie d’ un espace remarquable du PADDUC (en bleu, à gauche, ci-dessous) et en zone d’intérêt floristique et faunistique de type 1 (en vert ci-dessous).
- L’étang de Sperone reçoit les eaux de la réserve artificielle de Sperone, des eaux provenant de l’arrosage du golf par infiltration dans le plateau calcaire. Il a subi d’importantes modifications hydrologiques.
- La servitude du sentier littoral menant à l’amer de la pointe la plus méridionale de la Corse n’a toujours pas été matérialisée, ni par la commune ni par l’État, alors que le tracé, en pointillés blancs sur la photographie ci-dessous, a été validé par la justice… il y a plus de 10 ans (arrêt de la Cour administrative d’appel du 25 octobre 2013).
- L’ex parcelle M376 a été divisée en deux en 2001. Sur la parcelle haute, en espace remarquable, en ZNIEFF 1, un PC modifié a été délivré en 2017 à la société Stella d’Oro pour une villa de 440 m2 et une piscine. En 2022 les deux parcelles sont à nouveau réunies et constituent la M729. La construction de la villa entraînant la destruction d’habitats et d’espèces protégés (la parcelle est une ZNIEFF1), en juillet 2022 la DREAL a mis en demeure la SCI d’interrompre la construction et, soit de demander une dérogation, soit d’effectuer une remise en état. Quelle a été le devenir de cette mise en demeure ?
Le projet d’achat par le Conservatoire du Littoral annoncé le 18 octobre est-il une conséquence de cette mise en demeure et des jugements annulant la constructibilité de toute la zone par les tribunaux administratifs ? Doit-on s’en réjouir ?
Oui puisqu’enfin retombent dans le bien public des biens d’exception et qu’on nous promet de faciliter l’accès à la plage du Petit Sperone.
Les propriétaires des parcelles du projet du CDL seraient bien inspirés d’annoncer publiquement qu’ils les cèdent sans aucune contrepartie. Ce ne serait qu’un juste retour des choses.