Un projet de centre d’enfouissement technique (CET) dans un méandre du Tavignanu, zone Natura 2000, dans une zone géologique instable où d’importants glissements de terrains ont été observés encore récemment, reçoit un avis défavorable de l’Exécutif de Corse, de très nombreux membres du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel, de nombreuses communes concernées, de l’office de l’Environnement, de la Chambre d’agriculture, de l’INAO, d’un géologue frère de la ministre de l’écologie de l’époque, du commissaire enquêteur, etc., en conséquence de quoi un préfet signe un arrêté de refus, quoi de plus normal ?
Mais que le refus soit si mal motivé que les juges du tribunal administratif l’annulent** permettant la réalisation du CET, et que le préfet ne fasse pas appel, est-ce encore « normal » ?
Existe-t-il une explication ? une hypothèse plausible ?
Premier rappel – Les avis officiels des services de l’État semblaient assez favorables au projet de CET à Ghjuncaghju mais le rapport de la DREAL du 2/08/2016 se conclut par un refus.
Deuxième rappel – En 2016 et en avril 2019, sous la signature de trois hauts fonctionnaires, l’« Audit de suivi de la mise en œuvre de la politique de prévention des risques naturels et technologiques dans la région Corse *» émettait une recommandation visant directement la DREAL : “Accélérer le processus de désignation de centres de stockage de déchets inertes dont un qui aura vocation à recevoir les déchets amiantés. ”
La mission soulignait en particulier les « conséquences néfastes que cette absence d’exutoire des déchets amiantés auraient sur la réalisation de certains chantiers, notamment sur la région bastiaise » puisque, « jusqu’à présent, aucun projet de stockage de déchets disposant d’une alvéole dédiée pour les déchets de terre amiantifères n’a pu être mis en œuvre, et aucun projet n’a été déposé. »
Troisième rappel – Bingo, un projet de CET comportant un casier spécialement dédié au dépôt de déchets amiantifères (dont des terres) sort du chapeau en 2015/2016 : c’est celui de Ghjuncaghju/Giuncaggio.
Alors qu’importe pour la DREAL que le CSRPN alerte sur l’incompatibilté du CET avec la protection de l’environnement (dont elle a pourtant officiellement la charge), qu’importe si ces dépôts vont souiller des terres qui ne sont pas amiantifères, qu’importe si l’eau, les nappes phréatiques et les sources risquent d’être contaminées, la SOLUTION est là. La DREAL ne sera plus critiquée dans un rapport très officiel. Et l’État va enfin pouvoir augmenter la constructibilité à Bastia, dans le Cap, en Castagniccia : toutes les terres extraites de tous ces chantiers auront enfin un exutoire : ce sera Ghjuncaghju.
Moralité ? “Où force domine, raison n’a pas lieu”.
Y a-t-il une autre solution ? Au cours des nombreuses réunions organisées à la recherche d’un site de dépôts des terres amiantifères auxquelles U Levante a participé, l’association a toujours demandé que les plans d’urbanisme communaux n’autorisent pas les terrassements et excavations dans les zones amiantifères (si on ne produit pas de déchets amiantés on n’aura ni à les transporter ni à les stocker) et a toujours proposé d’utiliser les puits extrêmement profonds de la mine d’amiante de Canari comme lieu de stockage de ces déchets dangereux.
L’État préfère Ghjuncaghju. Quoi de mieux qu’une entreprise privée qui porterait toute la responsabilité en cas d’accident ?
Devant l’urgence, le Collectif Tavignanu Vivu organise une réunion publique d’information ce mercredi 6 novembre à 18h à l’Église Saint-Marcel au Fort d’Aleria et appelle à venir nombreux s’informer et soutenir sa lutte.
**Le jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif de Bastia autorise la société Oriente Environnement à ouvrir et à exploiter une installation de stockage de déchets non dangereux et une installation de stockage de déchets de terres amiantifères, ainsi que les activités connexes au lieu-dit « Finochietto », sur le territoire de la commune de Giuncaggio.