Paru dans la Tribune ce vendredi 23 novembre 2012 ce papier sur le réchauffement climatique (sous la plume de Dominique Pialot)
CC-SA-NC MktpLes négociateurs se retrouvent le 26 novembre à Doha au Qatar pour tenter de s’accorder sur des stratégies visant à limiter la hausse moyenne des températures à +2°C d’ici à 2050. Après la Banque Mondiale lundi, c’est au tour du Programme des Nations Unies pour l’environnement et de l’association européenne de l’environnement de faire part ce mercredi de prévisions inquiétantes.
Certes, on est loin de l’espoir suscité par la conférence de Copenhague sur le climat en 2009. A vrai dire, la session qui s’ouvre à Doha au Qatar la semaine prochaine risque même de se dérouler dans une certaine indifférence. Et pourtant, l’urgence n’a sans doute jamais semblé aussi aigue.
En résumé, la Banque mondiale anticipe une hausse des températures de +4°C entre 1990 et 2050 (au lieu des +2°C auxquels ces conférences sur le climat sont censées la limiter) et des conséquences catastrophiques, notamment pour les pays les plus pauvres. L’association européenne de l’environnement fait le point sur les effets du réchauffement qui se font déjà sentir sur le sol européen même, tandis que le programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) alerte sur le fossé qui sépare les trajectoires actuelles d’évolution des émissions de gaz à effet de serre de celles qui seraient nécessaires pour rester dans les clous des +2°C.
Les émissions de CO2 toujours en hausse
Le rapport publié par la Banque Mondiale lundi repose sur un constat simple : alors qu’il faudrait diviser par trois les émissions de 35 milliards de tonnes aujourd’hui pour atteindre 10 milliards de tonnes de CO2 en 2050 puis ne plus émettre (ou plus exactement, tout compenser) jusqu’en 2100 pour espérer rester dans la limite des 2°C, les émissions ne cessent au contraire de s’accroître. Le PNUE évalue pour sa part à 44 milliards de tonnes par an le plafond d’émissions soutenables en 2020, alors qu’elles atteignent déjà 50 millions de tonnes et sont sur une pente ascendante.
L’Europe déjà touchée par le réchauffement
En termes de conséquences, si la Banque mondiale s’alarme surtout de l’impact du réchauffement sur les pays les plus pauvres (multiplication des événements climatiques extrêmes, hausse du niveau de la mer) qui rendra la situation difficilement soutenable d’un point de vue global, l’étude publiée le 21 septembre par l’Europe («Climate change, impacts and vulnerability in Europe 2012») montre que le Vieux Continent n’est pas épargné. Au contraire, il subit déjà les effets des températures plus élevées enregistrées au cours de la dernière décennie: baisse des précipitations au Sud avec des risques de pénurie pour l’agriculture, augmentation au Nord, fonte de la calotte glaciaire du Groenland et des glaces de l’océan arctique, changement des caractéristiques des animaux et des végétaux, et multiplication des événements climatiques extrêmes et de leur coût. Celui-ci est ainsi passé de 9 milliards d’euros par an environ dans les années 1980 à 13 milliards par an dans les années 2000.
17 milliards de tonnes de CO2 évitées chaque année grâce à des politiques ad-hoc
Le PNUE rappelle cependant que des politiques ad-hoc permettraient d’éviter au total 17 milliards de tonnes de CO2 par an. Ce sont les secteurs du bâtiment (2,1 milliards de tonnes évitées par an d’ici à 2020 puis 9 milliards de tonnes par an de 2020 à 2050) et des transports (2 milliards de tonnes évitées par an), l’agriculture et la lutte contre la déforestation (4,2 milliards de tonnes évitées d’ici à 2020) qui constituent les principaux gisements d’économies. Pour de nombreux experts, ces mêmes politiques permettraient tout à la fois de créer de l’emploi et de lutter contre la pauvreté, au Nord comme au Sud.