Depuis quelques jours, et suite à la publication de l’arrêt de la Cour d’appel de Bastia ayant ordonné la démolition sous astreinte des villas Peretti à Coti Chjavari, une campagne virulente et haineuse est orchestrée sur les réseaux sociaux contre les associations de défense de l’environnement U Levante et Garde. Des informations orientées circulent et une pétition de soutien à la famille Peretti, accompagnée d’un texte comportant des contrevérités grossières, a été lancée.
U Levante et le GARDE n’entendent pas alimenter cette stratégie irresponsable d’exacerbation des tensions, dont on sait trop en Corse à quels drames elle peut aboutir.
Pour autant, afin de vous permettre de vous faire une opinion, voici de quoi réfléchir “sans haine”, mais en connaissance de cause, sur la base de documents tous vérifiables.
Dans le texte qui suit, les parties écrites :
- en vert, sont tirées des textes publiés sur les réseaux sociaux, ces derniers jours,
- en noir, sont les commentaires des associations U Levante le GARDE,
- en bleu, sont les liens vers les pièces “officielles”.
A – « La famille Peretti vit donc à son domicile de Saparella depuis toujours … La famille Peretti … y habite officiellement depuis 1811 »
« Issa famiglia chi campa dapoi quasi dui seculi annant’à stu terrenu, in case custruite da i so antennati »
Faux !
- L’adresse donnée par J. Peretti en 2008, sur le registre communal où sont enregistrées ses trois demandes de permis de construire (PC), est « Lotissement Prunelli 2 – Lieu-dit La Rocade, Villa 22, 20117, Cauro » : pièce 2
C’est cette même adresse qui se trouve sur les arrêtés délivrant les permis : pièces 5, 6 et 7 :
- Les demandes de permis de construire n’ont pas été déposées pour loger la famille Peretti.
En 2011, J. Peretti a déposé trois demandes de PC, non pas pour trois maisons (une pour lui-même, une pour son frère, une pour sa mère) mais trois permis pour 8 maisons, toutes à but touristique.
Le PC n° 11 C0002, pour une « réhabilitation de quatre bergeries pour bâtiment d’accueil polyvalent ou hébergement touristique » : pièce n°5
Le PC n° 11 C0003, pour une « réhabilitation de trois ruines en bâtiment d’accueil polyvalent ou hébergement touristique » : pièce n°6
Le PC n° 11 C005, pour une « réhabilitation de ruines en bâtiment à usage touristique » : pièce n°7
Voir les pièces n°2, 5, 6 et 7 : https://www.ulevante.fr/coti-chjavari-des-faits-rien-que-des-faits/
Il s’agissait donc, au départ, de réaliser des infrastructures touristiques.
La Cour d’Appel de Bastia, et le tribunal judiciaire d’Ajaccio avant elle, ont constaté, après examen des éléments de preuve produits devant eux, que les membres de la famille Peretti ont élu domicile dans 3 des villas neuves en question, plusieurs années après que les permis de construire ont été annulés.
B – « Julien Peretti a remonté ces ruines obtenant un PC avalisé en 2011 par deux préfets successifs »
À propos des “ruines”, les photographies aériennes des constructions des permis n°11 C0002 et 11 C0005 comparées de l’état avant les constructions et après les constructions sont très parlantes :
À propos des préfets, c’est oublier que :
- le Préfet Bouillon a été condamné pour faute par le Tribunal administratif pour avoir signé lui-même les trois permis illégaux le jour de son départ (3 mars 2011), malgré les avis défavorables de ses services. Jugement à lire : https://www.ulevante.fr/wp-content/uploads/2017/04/JUGEMENT-recours-indemintaire-contre-préfet-avril-2017-copie.pdf
- le 26 novembre 2013, le Tribunal administratif a déclaré illégaux ces trois PC et leur illégalité a été confirmée par la Cour administrative d’appel, le 26 juin 2015. Jugement à lire : https://www.ulevante.fr/la-cour-dappel-condamne-j-peretti-constructions-sur-le-littoral-de-coti-chjavari/
- le Conseil d’État a rejeté le pourvoi de J. Peretti. Arrêt à lire : https://www.ulevante.fr/conseil-detat-permis-illegaux-julien-peretti-a-coti-chjavari-definitivement-annules/
M. Peretti a pris un risque insensé en faisant construire les 8 maisons, alors même qu’un recours en annulation contre les permis avait été exercé. Conseillé par des avocats, il ne pouvait ignorer que les permis seraient annulés, le secteur étant inconstructible, et qu’il serait vraisemblablement condamné à démolir. Pourquoi a-t-il construit quand même ?
Contrairement à ce qu’écrivent certains commentateurs aveuglés par la haine, les associations de défense de l’environnement n’éprouvent aucun plaisir malsain à agir en justice aux fins de démolition de constructions illégales, et ne se réjouissent en aucun cas de la situation dans laquelle s’est placée la famille Peretti. Pour autant, s’il suffisait de passer en force pour construire où l’on veut, et au mépris des règles, ce qu’il reste de notre patrimoine naturel et paysager serait rapidement détruit. Nous ne pouvons nous y résoudre et agissons, en conscience, et quoi qu’il nous en coûte, pour tenter de l’empêcher.
C – « Les agrandissements (des maisons) ont été approuvés par les autorités légales parce que la zone était constructible »
Faux ! La zone n’était pas constructible !
En effet, elle n’était ni une partie urbanisée de la commune, ni une agglomération, ni un village (ancien article L. 146-4, I du code de l’urbanisme [actuel L. 121-8] – règle anti mitage de la loi Littoral) !
Voir les décisions du Tribunal administratif et de la Cour d’appel : liens ci-dessus
Voir également les décisions du TA (4 novembre 2011) et de la CAA annulant la carte communale de Coti Chjavari et annulant la constructibilité de la zone de Pozaccio : https://www.ulevante.fr/carte-communale-de-coti-chjavari-corse-du-sud-annulation-totale-confirmee/
« ce qu’elle a cessé d’être un an après les autorisations »
Encore Faux ! Un an après, la zone a simplement été classée en espace remarquable lui conférant un argument supplémentaire d’inconstructibilité.
« or la loi ne peut-être rétroactive. Donc les Peretti étaient dans leur droit. »
Toujours faux ! Les Peretti n’étaient pas du tout dans leur droit, car les PC ont été déclarés illégaux en 2011, en application de la Loi Littoral qui date de… 1986 !
D – « U Levante et le GARDE ont fait casser ces permis de construire au prétexte fallacieux d’un défaut d’affichage. »
Faux. Les permis ont été annulés par les tribunaux parce qu’ils bafouaient plusieurs articles fondamentaux de la loi Littoral (lire les jugements du TA et de la CAA), dont l’article L. 146-4, I du code de l’urbanisme. Un défaut d’affichage n’est pas, et n’a jamais été, un motif d’annulation d’un permis de construire.
E – « Le PC octroyé en 2011 a été cassé grâce à une fausse preuve. »
Faux.
Quelle est cette soi-disant fausse preuve ? Cette affirmation est purement et simplement diffamatoire.
F – « Un continental a obtenu en 2016 et 2018 des permis de construire … alors que c’était théoriquement impossible »
« Un continental a déposé et obtenu un PC le 28 novembre 2016 alors que la zone était devenue inconstructible. Il a non seulement bénéficié de cet étrange passe-droit … sans que cela provoque la moindre protestation. »
Qui n’a pas fait son travail en accordant ces PC, en n’exerçant pas son contrôle de légalité ?
Les associations n’ont pas le pouvoir d’accorder ou de refuser des PC !
Les permis ont été accordés par le maire de Coti Chjavari, avec contrôle du Préfet.
Si les constructions ont été érigées sans permis, le maire et le préfet avaient le pouvoir de les stopper en prenant un arrêté interruptif de travaux.
Il n’est pas inutile de préciser que J. Peretti était en 2016 (et est toujours) membre du Conseil municipal de la commune et a donc toute connaissance des permis accordés à des continentaux sur les espaces remarquables du littoral de sa commune.
Si les associations U Levante et le GARDE avaient été informées en temps utile de la délivrance de ces permis, elles les auraient déférés comme ceux accordés à la famille Peretti, pour les mêmes raisons et dans les mêmes conditions. U Levante et le GARDE ne distinguent pas selon qu’une autorisation illégale est délivrée à un Corse ou à un non-Corse, comme en atteste la liste des nombreux permis qu’elle a fait annuler.
A cet égard, nous nous étonnons d’entendre crier à l’injustice et dénoncer le « fanatisme » des associations ceux-là même qui, il n’y a pas si longtemps, se réjouissaient publiquement que ces mêmes associations aient obtenu la démolition de constructions illégales detenues par des continentaux.
Notre indignation doit-elle être à géométrie variable ? Doit-on autoriser les Corses, sous prétexte qu’ils sont Corses et qu’ils ont des biens de famille, à construire où ils veulent, quand ils veulent ? Faut-il un statut de « l’indigénat », véritable laisser-passer vers la bétonisation généralisée, comme le propose sans rire le plus virulent critique des associations ? Nous ne le pensons pas. Regardons la vérité en face : la grande majorité des promoteurs et lotisseurs de l’île sont nustrali.
Par ailleurs, nous invitons ceux qui, confortablement retranchés derrière leurs écrans, reprochent à U Levante et au GARDE de ne pas en faire assez ou de laisser passer trop de permis illégaux, notamment sur la rive sud du golfe d’Ajaccio, à rejoindre les rangs des associations pour prêter main-forte aux bénévoles qui sacrifient leur temps libre et oeuvrent sans relâche, en subissant pressions et injures, pour défendre la terre de Corse.
G – « Ce qui est malheureux c’est que l’institution judiciaire se fasse l’instrument des associations »
Les juges de tous les tribunaux administratifs (TA, CAA, CE) et ceux des tribunaux correctionnels (première instance et Cour d’appel) ont effectué la même analyse des arguments avancés par les deux parties (J. Peretti et associations) : ils seraient donc tous corrompus ou incompétents ? Une telle affirmation est sans fondement.
« Cette décision est similaire à un attentat »
Cette expression est dangereuse et incite à la haine.
La justice ne commet pas d’attentats, mais fait respecter les règles applicables en matière d’urbanisme. C’est le principe de l’état de droit ; tout le contraire du recours à la violence.
Les bénévoles des associations de défense de l’environnement ne commettent pas non plus d’attentats, ils résistent à visage découvert, avec peu de moyens, malgré les actes de violence qu’ils subissent régulièrement (attentats à la bombe, voiture brûlée, insultes, etc.).
« Les associations ont présenté des arguments pour certains erronés et d’autres faux que la Cour ne s’est pas donné la peine de vérifier. »
Cinq tribunaux successifs de 2013 à 2023 n’auraient donc pas fait leur travail ?
Que pense la Justice de telles affirmations aussi gratuites que farfelues ?
Les associations devraient-elles « s’excuser » de vouloir protéger les espaces remarquables du littoral, de souhaiter que les lois s’appliquent de la même manière partout et pour tous, y compris aux personnes les plus riches, d’avoir osé attaquer la décision d’un préfet ayant délivré des PC illégaux malgré l’avis de ses propres services ?
Certaines personnes, souffrant visiblement d’amnésie (à moins que ce soit d’une profonde mauvaise foi) n’ont jamais mis en cause la responsabilité du préfet Bouillon, à l’époque.
Et aujourd’hui, elles attisent la haine contre les associations, qui se battent depuis des dizaines d’années pour défendre la Terre, ce bien commun, en affirmant sans preuve, en travestissant l’histoire et en occultant un certain nombre de faits, qui sont pourtant réels et têtus… Dans quel but ? On peut légitimement se le demander…
Enfin, que les initiateurs de la pétition en ligne se rassurent. Conformément à la pratique qu’elles ont toujours suivie, U Levante et le GARDE ne feront pas exécuter l’arrêt de la Cour d’appel de Bastia tant que celui-ci ne sera pas définitif. La famille Peretti ayant annoncé avoir formé un pourvoi, ce qui est son droit le plus absolu, nous attendrons l’arrêt de la Cour de cassation avant de prendre toute autre initiative.
Dans l’intervalle, nous invitons chacun à davantage de sérénité. Les associations U Levante et le GARDE sont, comme toujours, ouvertes au débat démocratique, mais n’accepteront ni les intimidations ni les invectives.
“E bugie sò cum’è e cuscogliule, à chì e manda l’arricoglie” (Les mensonges sont comme les feuilles mortes, celui qui les envoie les reçoit en retour)