Concentration record de CO2 dans l’atmosphère, forte hausse des émissions d’origine agricole, recul annoncé de la biodiversité pour cause de réchauffement: le changement climatique est enfin de retour dans les colonnes des quotidiens et les journaux télévisés. Source. Le journal de l’environnement.
Les cyniques diront qu’ils se satisfont de cette sinistre actualité.
Ils, ce sont les concepteurs d’Impacts World 2013, la première conférence internationale consacrée aux conséquences des changements climatiques. Organisée du 27 au 30 mai par l’institut de recherche sur le climat de Postdam (PIK), elle vise à «éviter l’ingérable et à gérer l’inévitable», selon la formule cosignée par une dizaine de climatologues du PIK. En clair, à se poser les bonnes questions avant d’engager une politique d’adaptation aux effets des changements climatiques. Une manière de dire que nous ne couperons pas au renforcement de nos infrastructures, au changement de notre urbanisme et au bouleversement de nos habitudes, tant les changements en marche sont puissants.
En témoigne le bulletin de santé de l’atmosphère publié, le 9 mai, par l’observatoire de Mauna Loa (Hawaï). Gérée par l’administration américaine de l’océan et de l’atmosphère (Noaa), cette installation est la seule au monde à enregistrer quotidiennement, depuis 1958, la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère. La semaine passée, cette teneur a atteint 400 parties par million de CO2 (ppm, soit 0,04%): du jamais vu depuis 800.000 ans!
Pour inquiétant qu’il soit, ce niveau doit être relativisé. Il ne s’agit que d’un pic de concentration relevé à un seul endroit du globe. A supposer que le même niveau de dioxyde de carbone soit mesuré dans tout l’hémisphère nord (où sont émis les plus grands volumes de CO2 anthropiques), l’air de la partie sud de la planète reste moins carboné (395,98 ppm en février). De plus, avec l’arrivée de l’été, forêts et cultures vont absorber du carbone à qui mieux et mieux et faire ainsi chuter le record de Mauna Loa.
La nouvelle n’étonne même pas les climatologues qui attendent pour les deux à trois prochaines années le passage officiel de toute l’atmosphère à 400 ppm et plus. Au milieu du XIXe siècle, la concentration de CO2 atteignait 280 ppm. Et durant ces 800.000 dernières années, elle n’a cessé de fluctuer entre 180 ppm (durant les âges glaciaires) et 280 ppm pendant les périodes les plus chaudes. Depuis une décennie, le taux d’accroissement du CO2 est 100 fois plus important que celui qui mit, en partie, un terme à la dernière glaciation.
Avec une moyenne annuelle de 400 ppm de CO2, le réchauffement attendu pour la fin du siècle est de 2°C à 2,4°C par rapport à l’ère pré-industrielle, rappelle le dernier rapport du Giec , paru en 2007. L’objectif international de stabiliser à 2°C la hausse de la température moyenne globale semble d’ores et déjà hors d’atteinte.
Dans un communiqué, Christiana Figueres estime pourtant qu’il y a «toujours une chance d’échapper aux pires effets du changement climatique.» Et la secrétaire exécutive de la convention sur les changements climatiques de l’ONU d’appeler la communauté internationale à apporter une «réponse politique qui relève vraiment le défi».
Un défi dont l’ampleur est insoupçonnée. Selon les résultats d’une étude publiée le 12 mai dans Nature Climate Change, les effets du réchauffement sur la biodiversité vont être dévastateurs. Dans l’article qu’elle cosigne avec 10 chercheurs, Rachel Warren (Tyndall Centre, université d’East Anglia) avance qu’au rythme actuel le mercure du thermomètre va grimper de 3°C d’ici la fin du siècle (soit 4°C par rapport au milieu du XIXe siècle). Ce qui devrait sévèrement perturber la faune et la flore.
L’équipe de Rachel Warren a modélisé les conséquences d’un fort réchauffement sur 50.000 espèces de plantes et d’animaux. Conclusion: un tiers des animaux et près de 60% des plantes pris en compte vont perdre au moins la moitié de leur habitat naturel. La faute à la montée des températures, mais aussi aux changements du régime de précipitations.
«La bonne nouvelle, confie toutefois Rachel Warren, c’est que nos recherches mettent en évidence le fait que si les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont rapidement abattues, l’impact sur la biodiversité sera moindre. En d’autres termes, si le pic de nos émissions se produit en 2016, le réchauffement pourra être maintenu à 2°C et les pertes de biodiversité diminuées de 60%.»