3 500 hectares sauvés du béton. Voilà quel est le bilan de l’action en justice d’U Levante et des associations agréées de défense de l’environnement corses, ABCDE, GARDE, APLAPDL selon un mémoire de fin d’études rendu en 2024 à l’institut d’études politiques de Paris*.
U Levante a, sans relâche depuis quatre décennies, contesté la légalité de plans locaux d’urbanisme, cartes communales et permis de construire qui proposaient de livrer à la spéculation des pans entiers de notre île, au mépris des lois d’urbanisme, dans une logique de profit aveugle prête à tout détruire.
Ces dizaines de contentieux, qui ont exigé un travail colossal des militants et avocats de l’association, n’ont pas été vains. En projetant sur une carte de la Corse l’ensemble des parcelles qui ont été rendues inconstructibles grâce à ces recours (telles qu’elles sont mentionnées dans les jugements) et en comparant avec les images satellites postérieures, il apparaît que 3 300 à 3 500 hectares ont ainsi été sauvés de l’urbanisation. C’est sans compter les recours contre des permis de construire individuels, qui ont eux aussi permis d’éviter la bétonisation de plusieurs centaines d’hectares.
Ces terres préservées sont, sans surprise, concentrées sur le littoral. La carte ci-dessous présente les surfaces sauvées de l’artificialisation via les recours d’U Levante (et d’ABCDE + GARDE + APLAPDL) contre les documents d’urbanisme (PLU, CC).
Pour donner un ordre d’idée :
- Bastia a une superficie de 1 938 hectares,
- Paris a une superficie de 8 845 hectares,
- En Corse, entre 2009 et 2023, 3 156 hectares ont été artificialisés (selon le portail de l’artificialisation du ministère de la Transition écologique).
En d’autres termes, si U Levante et les autres associations environnementales (Le Garde, ABCDE, Libre accès aux plages…) n’avaient pas assumé, par leurs actions en justice, ce contrôle de légalité si mal exercé par l’État, il y aurait pu y avoir deux fois plus de constructions en Corse sur les trente dernières années. Le littoral corse serait encore plus défiguré par des résidences secondaires, qui, mises bout à bout, auraient représenté près de la moitié de la ville de Paris ! Avec les conséquences que l’on peut imaginer, non seulement sur notre terre et nos paysages, mais aussi sur les prix des logements à l’année pour les Corses qui peinent déjà tant à se loger.
Toutes les décisions de justice n’ont pas été suivies d’effet, comme cela a été dénoncé par le passé. Mais ces cas aberrants demeurent des exceptions. Dans l’ensemble, lorsque des terres sont jugées définitivement inconstructibles par une juridiction suite à un contentieux de l’association, aucun projet immobilier n’y voit le jour. Ce sauvetage demeure bien sûr provisoire : c’est à l’État de s’assurer que les décisions de justice demeurent respectées.
En plus des 3 500 hectares sauvés du béton via les contentieux, il faudrait ajouter à cela les centaines d’autres hectares qui faisaient l’objet d’appétits spéculatifs (bien qu’inconstructibles) et qui furent préservés en intervenant en amont, par un travail méticuleux d’alerte et de documentation scientifique et juridique, notamment dans les différentes commissions où siègent U Levante, ABCDE et le GARDE au titre de leurs agréments de protection de l’environnement.
*Le plastic et l’euprocte – Lutte armée et justice environnementale en Corse –
Lisandru Laban-Giuliani, mémoire présenté pour le master de science politique, mention politique comparée, directeur du mémoire : Laurent Gayer, année académique 2023-2024.