La Corse caracole en tête des constructions de logements neufs selon un dernier rapport du Ministère du logement.
Une augmentation de 108 % par rapport à l’année 2015, soit 7 200 constructions supplémentaires qui ont été autorisées en l’espace d’une année. Majoritairement des habitations, des maisons individuelles, des immeubles, des lotissements.
En faisant abstraction des dizaines et des dizaines de permis de construire décernés en toute illégalité chaque année, cela fait un nombre particulièrement conséquent de constructions supplémentaires ; principalement sur la frange littorale de la Corse, où se trouvent jusqu’à ce jour les derniers endroits relativement préservés de la Méditerranée. Des lieux d’une telle beauté que des millions de touristes y débarquent chaque année afin de pouvoir les toucher, humer les odeurs du maquis, admirer une faune et une flore uniques, remplir leurs yeux de paysages époustouflants. Des lieux que nous possédons, des paysages dignes des plus grandes toiles de maîtres que nous avons sous nos yeux. Mais malheureusement des lieux peu à peu mangés par le béton, noyés par les grues, où des lotissements poussent à vue d’œil, où s’empilent des immeubles, et où l’on bétonne encore et encore… Une frénésie de constructions qui a de lourdes conséquences.
La principale richesse de la Corse, sa beauté, sa terre, est progressivement détruite. Les leçons des pays voisins ne se sont pas tirées. Les Baléares, l’Espagne, la Côte d’Azur, paient aujourd’hui les lourds tributs de leur bétonisation sans limite. Les dégâts environnementaux et esthétiques faits à la Corse, bien souvent irréversibles, sont énormes et ont un impact néfaste sur son économie.
Nous nous dirigeons vers la même situation pour n’avoir pas voulu nous projeter, ne pas avoir voulu penser à l’avenir, à nos enfants, mais au contraire avoir été aveuglés par le profit seul, le profit immédiat, quitte à vendre ou à ruiner notre terre et à laisser nos côtes défigurées pour toujours.
Le besoin de « développement économique » est l’argument que l’on voit poindre à chaque fois que l’on aborde cette bétonisation sans scrupule. Mais cet argument hypocrite n’est là bien souvent que pour blanchir l’appétit financier de quelques-uns qui ont déjà les poches bien pleines. Cet environnement, avec sa qualité et sa beauté, pourrait, lui, être un garant d’une économie forte et surtout durable car il est un capital unique en Europe. Et opposer sa préservation à un développement économique viable est une hypocrisie à laquelle l’on ne peut accorder du crédit. Bien au contraire, cette voie, que nous empruntons à grande vitesse, nous conduit tout droit à la ruine.
L’augmentation disproportionnée de toutes ces constructions a un impact au niveau environnemental en Corse mais également sociétal. La superposition de la carte du nombre d’assassinats ainsi que du nombre de nouvelles constructions est criante de vérité. Une partie du monde de l’immobilier en Corse, ce n’est un secret pour personne, est étroitement lié au milieu du grand banditisme. L’ancien premier ministre Manuel Valls l’avait reconnu lors d’un déplacement en Corse. Une réelle société mafieuse étend ses racines en se renforçant chaque jour et en investissant massivement dans le béton. L’immobilier obtient un ratio de rentabilité bien supérieur à celui du trafic de drogue ou à un braquage de banque. Des espaces encore vierges de toute construction peuvent, en l’espace d’un PLU, voir leurs prix être multipliés par 100 voire plus et bien plus. De nombreux maires sont alors confrontés, principalement dans des secteurs sensibles des côtes littorales, à toutes formes de pressions, morales mais également physiques. Certains se laissent corrompre et à ce titre trahissent la fonction honorable pour laquelle ils ont été élus par et pour le peuple.
En Corse, jusqu’à maintenant, en ne remplissant pas systématiquement son rôle de contrôle de légalité, en ne faisant que très rarement appliquer les décisions de justice, l’Etat, à travers ses représentants, s’est rendu complice et par là même a abandonné la Corse à un appétit spéculatif aux mains des mafieux.
« L’emploi » est également un argument que l’on voit bien souvent arriver au premier plan. Et en effet, le secteur de l’immobilier est un secteur qui emploie de manière conséquente. Mais, rentabilité oblige, le nombre de travailleurs détachés en Corse a explosé ces dernières années : plus de 28 % en 2016, plus de 300 % sur ces six dernières années, essentiellement dans le secteur du bâtiment. 3 200 contrats de travailleurs détachés ont été signés pour la seule année 2016, des sociétés roumaines ou polonaises principalement, prêtes à fournir des esclaves des temps modernes. Légal, certes, mais ce n’est pas exactement ce à quoi on fait allusion lorsque l’on parle de création d’emplois.
Cette hausse massive de constructions en Corse suscite également un certain nombre de questionnements. Dans une Corse où les loyers dans les villes principales sont parmi les plus élevés du territoire français, où la misère y est davantage présente, où le taux de chômage est en constante augmentation : à qui toutes ces constructions sont-elles destinées ? La Corse a-t-elle réellement besoin de tant de constructions ? Certes la Corse enregistre une hausse de population plus élevée que la moyenne nationale, une hausse de l’ordre de 1,3 % par an (soit plus de 4 100 hab./an), due à un flux migratoire particulièrement élevé (4 000 départs contre 8 000 arrivées en 2013) et non pas à notre capacité à procréer. Durant cette même période, le nombre de constructions, lui, a augmenté de 23 000 (12 %). Cela équivaut à plus d’un logement par nouvel habitant ! La hausse de population ne justifie en aucun cas cette urbanisation sans limite. La preuve en est que sur ces cinq dernières années la part des résidences principales a diminué de manière conséquente face à celle des résidences secondaires. Entre 2008 et 2013 le nombre de résidences principales a augmenté de 8,8 % contre 16,4 % pour les résidences secondaires, ce qui porte à un taux de 37 % le nombre de résidences secondaires pour l’ensemble de la Corse.
Aujourd’hui un PADDUC a été mis en place, plan ayant pour but de gérer l’aménagement de la Corse en corrélation avec un projet de développement durable. Un projet censé aboutir à une autonomie alimentaire, à un développement maîtrisé dans de nombreux secteurs, très variés, à un développement viable sur la durée. Chaque jour sont déposés de nouveaux Plans locaux d’urbanisme (PLU), des plans censés s’accorder avec ce PADDUC. Mais nombreux sont les PLU qui font le choix d’une économie principalement basée sur les résidences secondaires et qui font donc apparaître en grande quantité de nouveaux terrains constructibles, entraînant de manière disproportionnée la surface bétonnable de la Corse, sans aucune justification valable pour l’avenir du peuple corse, allant jusqu’à vouloir bétonner des joyaux jusque-là encore vierges et protégés.
Il est donc de notre devoir de se poser les bonnes questions, de savoir jusqu’à quand ? Jusqu’à quand allons-nous bétonner une terre, alors que, seulement en utilisant les terrains déjà classés constructibles, on pourrait doubler la population de la Corse (actuellement de 324 000 hab.) ? Jusqu’à quand allons-nous l’accepter ? Jusqu’à quand allons-nous encore laisser faire ?
Fin’à quandu, iè fin’à quandu ?