Le 14 novembre 2018 la commune de Furiani a soumis aux membres de la CTPENAF (Commission territoriale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers) un projet original et unique en son genre : 32 hectares de dunes du cordon littoral de la Marana sont qualifiés d’Espaces stratégiques agricoles (ESA) et vont donc répondre aux objectifs fixés par le PADDUC pour atteindre l’autosuffisance alimentaire de la Corse.
Incroyable ? Et pourtant… La politique de Furiani consiste à urbaniser des espaces sanctuarisés par le PADDUC et identifiés comme stratégiques pour l’implantation d’activités agricoles (les ESA) et à compenser cette urbanisation par d’autres espaces supposés répondre aux mêmes caractéristiques, comme….. le sable du cordon lagunaire de la Marana. Il fallait y penser !
En effet, parmi les zones de « compensation » annoncées par la commune, on trouve 32 hectares du cordon lagunaire qui appartiennent d’ailleurs au Conservatoire du littoral ! Le cordon lagunaire est constitué de sable dunaire, comme le prouvent la carte géologique et… l’observation ! Et, logiquement, il n’est pas répertorié comme ESA sur les cartes du Padduc.
ESA : carte du Padduc et carte communale
C’est ainsi que, miraculeusement, le sable à Furiani est devenu un sol à fortes potentialités agricoles ! On peut donc imaginer que l’eau salée servira sans doute à l’arrosage !
Quels esprits mal intentionnés pourraient remettre en question les critères de classification de la commune et douter des potentialités agricoles de ces terres ? Les représentants de l’État et ceux de la CDC ne l’ont pas fait, probablement parce qu’ils ne savaient pas !
La commune de Furiani n’aurait-elle pas à cœur de participer à l’autosuffisance alimentaire de la Corse, alors qu’elle ouvre gracieusement le cordon lagunaire de la Marana aux activités agricoles, pastorales et sylvicoles ! Réjouissez-vous, jeunes agriculteurs et éleveurs corses à la recherche de foncier disponible, désormais plus de 30 ha de dunes et de sable sont mis à votre disposition pour installer votre activité !
La partie du cordon dunaire de La Marana, commune de Furiani. Google Earth
Aux origines du mal
Pour commencer, rappelons brièvement les enjeux…
La quantité d’ESA (Espaces stratégiques agricoles définis par le PADDUC), fixée pour chaque commune, doit être respectée par chacune d’elles. Si une commune consomme des ESA, elle doit en trouver d’autres, aux caractéristiques identiques : c’est le mécanisme de « compensation », à lui seul déjà largement contestable (voir article : http://www.ulevante.fr/padduc-la-compensation-des-espaces-strategiques-agricoles-rendus-urbanisables/), puisqu’il concourt à la « consommation » – doux euphémisme substitutif du terme urbanisation – d’ESA, qui sont des terres à forte potentialité, à faible pente, mécanisables et irrigables, officiellement inconstructibles. Il n’est pourtant plus à démontrer que ces espaces ont une vocation à la fois sociale, économique et environnementale, sur une île étranglée par la pression foncière et dans laquelle l’agriculture ne représente que 2 % du PIB. Quand ce mécanisme, pour ne pas dire chimère, se conjugue de surcroît au cynisme patenté d’une commune qui n’hésite pas à remplacer ces espaces par des terres aux caractéristiques diamétralement opposées à ce que l’on pourrait qualifier de potentialités agricoles, il nous est difficile de rester sérieux et de ne pas utiliser un ton sarcastique.
Et au final, quel a été l’avis majoritaire de la CTPENAF (chargée très officiellement de protéger les espaces agricoles) sur le PLU de Furiani ? Favorable, évidemment ! Où est l’erreur ?