Le moins que l’on puisse dire, c’est que la « Madame Corse » du gouvernement, Jacqueline Gourault, a fait très fort pour son premier déplacement dans l’île, les 5 et 6 janvier derniers.
Interrogée sur le statut de résident réclamé par la majorité nationaliste à l’Assemblée de Corse, la ministre a fait apprécier son sens de l’esquive et son goût du paradoxe en déclarant, selon des propos rapportés par le site CorseNet Infos :
« Il faut aussi regarder si la loi Littoral peut être aménagée pour pouvoir libérer du terrain à construire ». Et d’ajouter, de manière quelque peu contradictoire avec cette première proposition : « Il faut trouver aussi des moyens pour éviter la spéculation ».
Cette déclaration procède-t-elle d’une préoccupante méconnaissance du dossier, Mme Gourault n’a-t-elle fait que répéter, sans réfléchir, des propos entendus le matin, ou a-t-elle exprimé la position du gouvernement, ce qui serait alors proprement effarant ?
Rappelons quelques évidences qui semblent avoir échappé à « Madame Corse » :
- 5 000 permis de construire sont délivrés chaque année en Corse selon l’Insee, soit le taux par habitant le plus élevé de France ;
- la Corse compte 100 000 résidences secondaires recensées (soit 30 % du bâti, record national). Dans certaines communes du littoral, 80 % des constructions sont des résidences secondaires, occupées quelques semaines par an ;
- selon le livre blanc des assises du Littoral de 2013, « les capacités d’accueil des zonages ouverts à l’urbanisation des seules communes littorales permettent déjà de doubler la population de la Corse » ;
- 81 % des Corses se sont prononcés pour la loi Littoral.
Est-il, dans ces conditions, raisonnable de vouloir libérer davantage de terrains à construire ?
Et comment la ministre peut-elle sérieusement présenter l’assouplissement de la loi Littoral comme une alternative au statut de résident ? Pense-t-elle vraiment que bétonner le littoral, accroître encore le nombre des résidences secondaires, sont la solution pour réduire la pression spéculative en Corse, réguler les prix de l’immobilier et faciliter l’accès des résidents à la propriété ? Faut-il lui rappeler que la Corse est l’une des régions françaises où les revenus sont les plus faibles, qu’un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, et qu’en conséquence, rares sont les Corses à pouvoir s’offrir une villa en bord de mer ?
S’il ne s’agissait pas d’un membre du gouvernement, on croirait à une mauvaise plaisanterie.
Devant des propos aussi irresponsables, U Levante appelle solennellement le président de l’exécutif de la Collectivité unique et le président de l’Assemblée de Corse à faire savoir, sans équivoque, à Mme Gourault qu’un aménagement de la loi Littoral ne constitue pas une réponse acceptable à la problématique du foncier en Corse, et qu’il s’opposera à toute remise en cause des dispositions de cette loi, comme de celles du Padduc.