L’exposition chronique à la pollution atmosphérique a-t-elle un effet sur la fonction ventilatoire et le développement de la bronchite chronique ? source ministère de la santé 2000
Si les données concernant les conséquences d’une exposition prolongée à des niveaux élevés de pollution atmosphérique sont connues historiquement, les études concernant l’impact d’une exposition à des niveaux plus modestes produisent des résultats plus inconstants. Une étude ancienne “princeps” comparant les symptômes respiratoires de 293 employés des services postaux en zone urbaine (centre de Londres), et de 477 employés en zone rurale (3 villes d’un comté du sud de l’Angleterre) avait montré que l’intensité du tabagisme représentait un déterminant puissant du niveau d’altération de la fonction pulmonaire. Mais, à tabagisme égal, le VEMS était significativement plus bas chez les sujets travaillant en zone urbaine. Bien que les polluants atmosphériques n’aient pas été quantifiés dans cette étude, le niveau de pollution relativement élevé du centre de Londres était alors considéré comme étant la cause la plus vraisemblable de la réduction de la fonction pulmonaire des employés travaillant en zone urbaine (BASCOM et al 1996).
En revanche, une étude japonaise récente a comparé la fonction respiratoire chez des sujets résidant à proximité immédiate (20 mètres) proches (20 à 50 mètres) d’axes routiers à grande circulation et dans un quartier résidentiel de Tokyo, sans mettre en évidence de différence entre les groupes de sujets (NAKAI et al 1999). Cette observation a également été faite dans une autre étude réalisée chez des employés de l’aéroport de Birmingham (UK) et exposés aux effluents et/ou aux carburants de moteurs d’avion. Ces sujets ont été comparés à une autre population travaillant également sur le même aéroport mais non exposés à ces polluants, en prenant en compte l’âge, le tabagisme, le rhume des foins et les tests allergologiques (TUNNICHIFFE et al 1999). Aucune différence en terme de fonction respiratoire n’a été retrouvée entre les deux groupes. Pourtant, les sujets exposés présentaient des symptômes plus fréquents d’irritation des voies aériennes supérieures.
Les polluants de type réducteur ou oxydant sont classiquement invoqués comme facteurs favorisants des broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO). A l’appui de cette hypothèse, diverses études ont été menées, notamment aux Etats-Unis. Ainsi les signes respiratoires et la fonction pulmonaire ont été comparés entre résidents d’une région à haute pollution et une à basse pollution en Californie du Sud, et leur fréquence comparée en fonction des résultats fournis par les capteurs de surveillance de la qualité de l’air (TASHKIN et al 1994). Si ce travail a montré l’effet prédominant d’un tabagisme préexistant sur le niveau des signes respiratoires et de la fonction pulmonaire, il demeure que parmi les fumeurs comme chez les non-fumeurs, un pourcentage significativement plus élevé de patients présentaient une réduction marquée du VEMS (inférieur à 50 % des valeurs théoriques) dans la zone de haute pollution. Un autre travail, plus récent, inscrit dans le cadre de la cohorte ASHMOG, a porté sur 1 391 adultes non-fumeurs suivis depuis 1977 et dont l’exposition cumulée pendant 20 ans a été estimée à partir des données de surveillance de la qualité de l’air des capteurs fixes proches du domicile (ABBEY et al 1998). Chaque sujet a réalisé en 1993 une série de tests de la fonction respiratoire. Le VEMS, le débit de pointe et le rapport VEMS/CV étaient, chez l’homme seulement, réduits chez les sujets ayant subi un nombre élevé de jours d’exposition aux particules PM10 supérieure à 100 µg/m3, manifestant un effet d’une exposition chronique sur la mécanique ventilatoire ; des associations ont été aussi trouvées avec l’ozone, mais pas avec le dioxyde de soufre. Le fait que ces résultats ne soient pas confirmés chez la femme, ce que les auteurs expliquent par des expositions différentes, mérite confirmation.
Une étude européenne a concerné près de 1 000 enfants de 8 ans en moyenne, résidant pendant au moins 3 ans dans 9 communes autrichiennes, et qui ont pratiqué des tests fonctionnels tous les 6 mois, en dehors des pointes d’ozone saisonnières (FRISCHER et al. 1999). La croissance de la capacité vitale forcée au fil des 3 années était réduite (- 2 % en moyenne) pour des écarts de concentration moyenne d’ozone de 10 µg/m3 sur la période ; les niveaux d’ozone étaient assez modestes en moyenne (entre 36 et 80 µg/m3 en 1994, par exemple). L’étude transversale SAPALDIA a également montré que les taux moyens de PM10 mesurés dans huit villes suisses étaient associés à de nombreux indicateurs de santé. Chez les non-fumeurs, des différences des valeurs du taux annuel de PM10 (+10 µg/m3) étaient associées à une augmentation de la prévalence des symptômes respiratoires comme la dyspnée (+41 % ; IC95 %[+20 ; +65]) et des symptômes de bronchite chronique (+31 % ; IC95 %[+10 ; +55]). De même, les tests spirométriques d’expiration forcée, la capacité vitale forcée (CVF) et le volume expiré à la première seconde (VEMS) étaient plus petits dans les régions les plus polluées. Les écarts étaient plus importants pour la CVF (-3,1 % ; IC95 % [-3,7 ; -2,6]) que pour le VEMS (- 1,1 % ; IC95 % [-1,7 ; -0,5]) pour des augmentations du taux annuel de PM10 (+10 µg/m3). Cette association était très consistante dans chacun des groupes de fumeurs, ex-fumeurs et non-fumeurs (LEUENBERGER et al. 1998, ZEMP et al. 1999). Ces différences de fonction respiratoire semblent modestes à l’échelle individuelle, et dans la gamme des variations physiologiques observées lors de mesures répétées chez les mêmes personnes. Cela ne doit cependant pas tromper car, sous réserve que la pollution particulaire soit bien responsable de cette altération de la fonction respiratoire, une récente publication de la même équipe a montré que, répartie sur l’ensemble de la population, cette apparemment modeste réduction fonctionnelle pouvait conduire à une augmentation très sensible de la prévalence des personnes présentant une amputation supérieure à 70 % de leur CVF (+63 % chez l’homme et +57 %, en moyenne, chez la femme), soit plusieurs dizaines de milliers de personnes à l’échelle de la population suisse (KÜNZLI et al. 2000).
Ainsi, les habitants des zones urbaines à plus haut niveau de pollution semblent présenter une réduction de la fonction respiratoire. Bien que les polluants spécifiques incriminés dans ces modifications n’aient pas toujours été déterminés avec précision dans les différentes études et que leur responsabilité spécifique n’ait pas été prouvée, une relation pollution – réduction de la fonction respiratoire apparaît probable. Si elles se confirmaient exactes, les conséquences de ces faits, en termes de santé publique, pourraient être très importantes. C’est pourquoi des études sont nécessaires, en tenant compte du tabagisme actif et passif, pour mieux cerner les effets de la pollution atmosphérique à long terme sur le développement ou l’aggravation de la bronchite chronique et la dégradation de la fonction respiratoire.