Après la parution de l’article de Corse-Matin du 21 juillet 2016**, quatre commentaires exprimés :
1 – Suminà l’avvene (semer l’avenir)
Au milieu d’un flot d’horreurs et de malheurs, l’édition du 21 juillet de notre quotidien nous apporte un rayon de soleil dans cette pesante grisaille. Une raie de lumière zébrant ce ciel de plomb. Un arc-en-ciel, un bol d’air frais dans cette ambiance étouffante.
Un bol d’air frais aux douces senteurs d’immortelles.
Dans ce monde en perdition où chaque jour apporte son cortège de calamité, où chaque jour le constat amer de la déliquescence de notre société, avec son corollaire de perte de valeurs, de la solidarité, nous étreint, un monde où l’argent-roi régnant en maître laisse sur le bas-côté une cohorte de personnes en proie aux plus grandes difficultés sans que cela n’émeuve plus personne, il est encore, fort heureusement, des actes de fraternité, désintéressés, qui nous réconcilient avec le genre humain.
Ainsi, dans le Corse-Matin du 20 juillet pouvons-nous lire un communiqué d’un syndicat agricole soutenant avec force, vigueur, virulence, détermination, véhémence, bec et ongles, et surtout une immense ferveur, un agriculteur en grande difficulté.
Difficultés foncières, financières, morales, sociales.
Dans cette île où la misère est si prégnante, où 19% de la population vivent sous le seuil de la pauvreté, parmi lesquels tant d’agriculteurs, à la retraite ou non, où beaucoup survivent plus qu’ils ne vivent dans l’indifférence générale, ce bel exemple d’entraide, de soutien détaché, d’altruisme, nous met du baume au cœur et est à même de nous faire espérer en des jours meilleurs pour notre pays.
Devant l’injuste injustice frappant un domaine où règnent l’équité, la probité, un meilleur des mondes où tout est parfait et à citer en exemple, un syndicat, comme un seul homme, s’est dressé, impartial et dévoué.
La veuve et l’orphelin, le pauvre agriculteur au bord de la faillite, étranglé par les dettes, en bute aux tracasseries, aux perfidies, peuvent redresser la tête, il en est encore pour qui la générosité est un guide, un phare, et qui savent déterminer avec justesse celui qui, parmi les plus démunis, priorité parmi les priorités, a besoin d’aide et de secours.
On l’aura compris ce communiqué, avec son lyrisme aussi ampoulé que ridicule, aux airs de déclaration enflammée, roulé sous les aisselles de la mauvaise foi, pourrait prêter à sourire, chi ancu e ghjalline in pullinaghju si ne riderianu, si en apportant son soutien empressé à Murtoli, ce syndicat ne soutenait un projet de société, et une vision de l’agriculture et de la destination des terres, agricoles ou non, des plus contestables.
Rien de plus naturel en effet pour ce syndicat, émanation régionale d’un syndicat d’agriculteurs affairistes, défenseurs des gros industriels et gros industriels eux-mêmes, plus agriculteurs en col blanc qu’agriculteurs, toujours proches des gouvernements de droite, et de celui de Sarkozy plus particulièrement et ayant pignon sur rue à Bruxelles où s’édicte le démantèlement de la petite agriculture, que de se faire l’avocat de ce domaine.
Est-ce là le modèle à mettre en exergue pour les générations futures ?
L’exemple suprême à produire, à brandir systématiquement ?
En matière d’excellence et d’éthique on peut sans doute rêver mieux qu‘un domaine aux si nombreuses irrégularités, aux constructions illégales en zones protégées, aux plages et au domaine public maritime privatisés, au sentier littoral non empruntable, biens inaliénables et propriété collective.
Nous ne nous attarderons pas sur le fiel et les crachats qui ne souillent que ceux qui les emploient et qui reflètent une haine envers tous ceux qui empiètent sur leur petit pré carré.
En 30 ans d’existence, l’association U Levante a toujours œuvré de manière désintéressée et bénévole à la défense des biens collectifs de ce peuple et de cette terre, qui, n’en déplaise à certains, appartient bien à tous et pas seulement à une corporation.
Pour finir et sans s’étendre plus longtemps sur cet indécent et caricatural communiqué, nous prenons acte de la volonté de la FDSEA 2A « de se tenir aux cotés de tout agriculteur corse qui, par le fruit de son travail du quotidien valorise sa production et développe son entreprise agricole avec les moyens qui lui sont donnés » et « d’entamer toute action syndicale forte quand des agriculteurs seront inutilement pointés du doigt » et l’invitons donc à rejoindre U Levante dans sa lutte permanente contre l’artificialisation galopante des terres.
Solcu dirittu è Core in fronte
2 – Murtoli est essentiellement un domaine de luxe pour brebis à deux pattes
La FDSEA de Corse-du-Sud :
- dit dans le Corse-Matin du 21 juillet 2016 que Murtoli est un « vecteur d’excellence agricole »
- apporte son soutien « indéfectible » à Paul Canarelli (au moins c’est clair !)
- s’en prend à U Levante « ces pseudo défenseurs de la terre corse dont ils usent à bon escient afin de protéger leurs petits intérêts personnels » (Sic !) qui ne « reconnaîtraient pas » … 170 vaches, 500 brebis, des hectares d’immortelle, 6 000 pieds d’oliviers…. tout en oubliant de compter le nombre d’olives, les peoples dans le golf, les ministres dans les piscines et les nombreuses « bergeries de luxe illégales » pour animaux à 2 pattes.
Soyons sérieux.
Où la FDSEA a-t-elle lu que U Levante (en oubliant volontairement au passage, qu’il y avait aussi, U Polpu, ABCDE, Le Garde, l’association ANTICOR, Ghj.Paulu Poletti, etc.) ne « reconnaissait pas la valeur agricole de Murtoli » ?*
U Levante demande, et cela depuis des années et quels que soit le lieu et le nom du propriétaire, uniquement l’application de la loi à tous et « in l’interessu culletivu di u populu corsu ».
Mais si la FDSEA pense que :
– fermer complètement un domaine et empêcher les habitants de l’Île d’aller sur le DPM (Domaine Public Maritime) ou à la plage (qui n’est pas une « propriété privée » mais appartient à tous les Corses),
– ne pas pouvoir emprunter le sentier littoral… qui n’existe pas à ce jour (un projet est prévu… mais qui va remonter côté montagne au niveau des grandes demeures de la crique de Murtoli sans doute pour ne pas gêner … les brebis),
– les « bergeries de luxe », décrites dans toutes les publicités et louées chacune plusieurs milliers d’euros la semaine, sont destinées à héberger des brebis ou des vaches,
– un golf est une activité agricole et un club-house de 650 m2 une ferme,
– le respect de l’inconstructibilité des espaces remarquables littoraux (site classé, zone Natura 2000, arrêté de biotope) ne s’applique pas à Murtoli,
Bref, si la FDSEA pense que tout cela « est un vecteur d’excellence » agricole pour la Corse, et est prête à « entamer toute action syndicale » et à « apporter son soutien indéfectible » à ce type de projet, libre à elle de faire ce choix de société pour la Corse de demain en produisant les permis de construire de la totalité des constructions (soit plus de cinquante bâtis) à moins qu’elle se déclare en faveur du non-respect du Droit et des lois.
Noi, culletivu per a difesa di i diritti di stu populu nantu a so terra pensemu altrimente. Mais, il est vrai que, et la FDSEA nous le rappelle dans son communiqué du 21 juillet : « Seuls eux ont le droit d’en parler ».
* Ce jour-là, le collectif n’a parlé de Murtoli qu’en termes d’urbanisme et de protection de l’environnement liés à l’actualité : le préfet avait retiré au dernier moment et sans raison valable sa plainte contre le club-house. Pourquoi ? Doit-on dorénavant envisager l’influence d’un certain… militantisme agricole ?
3 – La FDSEA-2A est hors-sujet.
U Levante s’élève contre toute construction illégale en zone protégée et toute détérioration ou destruction de la nature et sa biodiversité. En l’occurrence le domaine de Murtoli est hors la loi en la matière. Plusieurs sociétés gèrent ce domaine : certaines ont un objet lié à l’agriculture, d’autres ne font que dans le tourisme de luxe. Ces dernières sont libres de les exercer en toute quiétude dès le moment où elles respectent les codes de l’urbanisme et de l’environnement applicables. Ce n’est manifestement pas le cas à Murtoli. En l’occurrence, U Levante est dans son rôle de défenseur de l’environnement. Dans ces conditions, l’attaque dont l’association est victime au sujet de ce dossier environnemental de la part de FDSEA de la Corse-du-Sud est hors sujet.
4 – Murtoli ou le Petit-Trianon
En matière d’agriculture innovante, de « vecteur d’excellence agricole », ils n’ont rien inventé, ils ont tout copié sur Marie-Antoinette. Tout y est ! Extrait de Wikipedia.
L’engouement pour la vie champêtre se déployait alors en Europe, les grands seigneurs se plaisaient à ménager à leurs visiteurs des surprises magiques et s’amusaient à la vacherie ou au moulin. Sensible à cette mode, reflet du culte à la Rousseau pour la simple vie rurale et le rappel des vertus ancestrales, la reine Marie-Antoinette conçut le projet du “Hameau de la Reine”.
Lancée durant l’été 1783, la construction commença par les maisons rustiques. Le roi Louis XVI avait donné, pour établir le hameau, un terrain situé au nord-est du jardin anglais. Ce boqueteau, de forme carrée, était le principal de ceux qui parsemaient jusqu’alors les prés et les champs, au nord du Grand Trianon. L’architecte avait tenu à ce que cette chapelle et les maisons alentour restent visibles, afin de donner “au hameau de fantaisie un air de vérité”. On combla le fossé qui limitait le jardin de la reine puis on creusa, presque jusqu’au Grand Trianon, un fossé d’enceinte en saut-de-loup, complété par un “ha-ha”, ce qui accentuait l’effet de profondeur qu’aurait rompu un mur de clôture, tout en conciliant les contraintes sécuritaires et les nécessités du service.
Le creusement du lac fut engagé au début de l’année par l’entrepreneur Tardif, dit Delorme, qui installa les corrois de glaise, et on créa la rivière de décharge et le ruisseau du moulin. En novembre, on posa les tuyaux pour y amener l’eau depuis deux sources sortant sous des grottes masquées par des buissons.
Le nouveau jardin commençait à prendre forme au printemps de 1785. Il devait, sur instructions de la Reine, présenter l’aspect d’une véritable campagne avec des champs labourés. La ferme était terminée en mai et les pâturages pour les futures vaches étaient étendus jusqu’au bois des Onze-Arpents.
Cherchant un refuge dans la vie paysanne, la Reine, habillée en paysanne, n’hésite pas à venir y voir traire des vaches et les brebis soigneusement entretenues et lavées par les domestiques.
Malgré son aspect idyllique, le hameau est une véritable exploitation agricole, parfaitement gérée par un fermier désigné par la Reine, avec ses vignes, champs, vergers et potagers qui produisent fruits et légumes consommés par la table royale. Selon les instructions de la Reine, les animaux élevés à la ferme proviennent de Suisse dont les races animales sont réputées les plus authentiques, ce qui confère souvent au lieu le nom de “hameau suisse”.
Seuls les intimes de la reine sont autorisés à accéder au hameau, incontestable marque de faveur, ce qui ne manque pas d’alimenter les rumeurs sur ce qui se déroule au sein de ce domaine. Le Comte de Vaudreuil, le baron de Besenval, la comtesse de Polignac avec sa fille Aglaë de Guiche et sa belle-sœur Diane, et le comte d’Esterhazy sont de ceux-là.
Même Madame Royale, jugée par sa mère trop imbue de son rang, est envoyée ramasser avec les autres enfants du hameau les œufs du poulailler, dans un joli panier enrubanné.
Les invitées se doivent d’être en tenue simple et sans apparat, robe claire de percale, fichu de gaze ou chapeau de paille. On y joue au billard ou au tric trac, on se promène dans les jardins le long de l’étang. On danse aussi sur la pelouse, gavottes et contredanses, au son d’un petit orchestre.
2013 : défrichement pour le golf et pose d’un système d’irrigation. Au premier plan le ruisseau “Casacce”
Le golf (périmètre rouge) empiète très largement sur des terres agricoles de bonnes potentialités (en vert) officiellement protégées par le PADDUC et le Schéma d’aménagement de la Corse.
Seul très bien arrosé… le golf
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