Padduc et représentation des espaces remarquables et caractéristiques de la loi Littoral

L’imprécision des limites et de la représentation des espaces remarquables et caractéristiques et de la limite des espaces proches du rivage du Padduc, ainsi qu’un fond de carte réduit à sa plus simple expression, ne sont pas acceptables. Plusieurs milliers d’hectares peuvent passer à la trappe et l’insécurité juridique est assurée !

1 – Le fond de carte 

Exemple : Pianottoli et Farinole

paddur trait epais

Le fond des quatre cartes des ERC –au 1/50 000- est effarant d’imprécision.

A – Le trait bleu ne laisse même pas voir le trait de côte! Or, au cours de la réunion du 24 octobre 2014 avec les associations du CLL, M. P. Giacobbi, Mme M. Guidicelli, M. Milano et M. Gilormini s’étaient engagés à modifier ce trait afin que, au minimum, le trait de côte soit visible. L’engagement n’a pas été tenu.

Ce point a également été obtenu en séance par une majorité de Conseillers lors de la session des 30 et 31 octobre : la limite des ERC, en bord de mer, doit épouser le trait de côte qui doit être visible. La décision n’a pas été appliquée

B – Une majorité de Conseillers a obtenu, en séance, lors de la session des 30 et 31 octobre que le fond de carte soit un fond de carte IGN topographique (et quoi de plus simple à faire !) La lecture d’une carte est pour nombre de personnes un exercice difficile. La décision de l’Assemblée n’a pas été appliquée.

Ce refus traduit-il une volonté délibérée d’empêcher Monsieur tout le monde de prendre réellement connaissance de ce qui est protégé de ce qui ne l’est pas ou de s’assurer que telle parcelle qui était en ER en 2004 ne l’est plus en 2014 ?

2 – La position du trait

Le texte ne dit pas si le trait est à cheval, à l’intérieur ou à l’extérieur de la limite de l’ERC. Or les Conseillers territoriaux avaient obtenu que ce trait soit à cheval sur cette limite.

3 – L’épaisseur du trait

Les traits qui limitent les contours des espaces remarquables et celui qui délimite les espaces poches du rivage sur le projet de cartographie du padduc mesurent 2 millimètres. Ces 2 mm correspondent à une bande de 100 mètres sur le terrain, largeur laissée à l’appréciation des maires qui pourront, soit l’inclure en tant qu’espace inconstructible de leur document d’urbanisme, soit l’amputer de quelques mètres ou de 100 mètres, au gré de l’option qu’ils auront choisie.

Rappelons que les terrains situés à l’intérieur des ERC (limites bleues) sont inconstructibles et que, dans les EPR (limite turquoise), la constructibilité est obligatoirement limitée.

Pourquoi ne pas laisser un trait très fin sur une carte IGN (comme les cartes des atlas de 2004) et écrire dans le livret réglementaire que les maires ont à leur appréciation une bande de 10 mètres par exemple ?

Première conséquence: la perte d’espaces protégés

Si l’on peut raisonnablement penser que cette bande le long des rivages marins ne sera pas amputée, et si l’on considère, hypothèse moyenne et sans doute minimaliste, que l’amputation ne portera que sur une bande d’une largeur moyenne de 50 mètres, le calcul démontre que 6 900 hectares d’espaces remarquables de forêts, de biotopes riches en faune ou/et en flore endémique rares, de paysages exceptionnels, etc., peuvent passer à la trappe.

Et pourtant une majorité de Corses, sondés en 2012, trouvait que la surface des espaces protégés littoraux n’était pas assez importante …

sondage - copie

Deuxième conséquence : l’absence de sécurité juridique

Cadeau ou poison pour les édiles municipaux ? Gageons que la grande majorité des propriétaires des parcelles situées dans cette bande de 100 mètres feront pression pour être hors de l’ER.  En découleront sûrement de nombreux recours devant la juridiction administrative.

Or le PADDUC avait, notamment, vocation à mettre fin à l’insécurité juridique qui affectait les documents d’urbanisme. Grâce au PADDUC les maires devaient, enfin, disposer de prescriptions réglementaires claires, opposables à tous, et ainsi échapper, au moins en partie, aux pressions dont ils étaient victimes.

L’épaisseur du trait délimitant les ERC fut l’objet de débats puisque du traitement de cette limite cartographique dépendait, en grande partie, leur «consommation ».

Les auteurs du PADDUC ont décidé de choisir une épaisseur de 2 mm sur une échelle de 1/50 000.

Ils ont refusé de diminuer cette épaisseur (la ramener à 1 mm par exemple) sous prétexte de ne pas priver les maires de la prétendue nécessaire « souplesse » dont ils devaient disposer pour mettre au point leur document d’urbanisme.

Les « prescriptions réglementaires pour les documents d’urbanisme locaux » sont, sur ce point, si précises, qu’elles créent, de facto, une zone de 100 m laissée à l’appréciation des maires pour élaborer leur PLU.

L’INSÉCURITÉ JURIDIQUE OFFICIALISÉE :

Selon l’annexe 3 du livret littoral et le livret V sur les « orientations réglementaires » :

« le PADDUC localise à l’échelle du territoire régional, les sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral (….) Cette localisation donne lieu à une représentation cartographique au 1/50 000, représentant les espaces avec un contour de 2 mm qui traduit l’imprécision aux limites de la localisation régionale » (sic) « elle est accompagnée de fiches descriptives et justificatives pour chacun des sites ou espaces identifiés qui dressent le portrait du site,  (…) répertorie les éléments qui le composent et motivent sa qualification juridique d’ERC du littoral. »

Pour « éclairer » cette « imprécision aux limites de la localisation régionale » le Padduc ajoute :

 « le trait de 2 mm n’a pas vocation à représenter et fixer leur marge de compatibilité avec le PADDUC mais traduit une réelle imprécision de l’exercice régional d’expertise, que l’échelle ne suffit à pallier. Le trait de contour est une abstraction cartographique, qui le plus souvent, ne correspond pas à une limite physique. La manière de prendre en compte ce trait, sa limite intérieure ou extérieure est fonction des caractéristiques de l’espace et des motivations (sic) citées dans la fiche . »

Reste une possibilité à la disposition des maires :

« il appartient aux documents d’urbanisme de compléter, s’il y a lieu, cette protection, en identifiant, chacun à son échelle, les ERC (…) »

Il n’est nul besoin d’être fin juriste pour comprendre que les auteurs de cette bouillie juridique ont, volontairement, institutionnalisé « l’imprécision » comme critère d’interprétation de l’épaisseur du trait : la souplesse exigée par certains élus est donc entérinée.

Affirmer, en effet, que cette épaisseur de 2 mm traduit une « réelle imprécision de l’exercice régional d’expertise » ou « l’imprécision aux limites de la localisation régionale » ne permet certainement pas aux élus locaux de mettre au point un PLU en toute sécurité juridique mais leur donne, en revanche, toutes les justifications pour « consommer » les ERC comme le souhaiteront les promoteurs en se fondant sur l’imprécision reconnue et officialisée qui affecte l’interprétation des limites, intérieures ou extérieures, de ces espaces.

Concernant le problème fondamental de «  la manière de prendre en compte ce trait, sa limite intérieure ou extérieure », se contenter d’indiquer que ce sera « en fonction des caractéristiques de l’espace » en cause, n’est que la confirmation du caractère totalement approximatif de ces prétendues prescriptions réglementaires.

La plus totale subjectivité est confirmée lorsque ce texte affirme que la prise en compte de la limite intérieure ou extérieure est fonction aussi « des motivations citées dans la fiche » : Il est difficile d’introduire plus de subjectivité dans une « prescription réglementaire » !

Force est donc de constater que le PADDUC, en ce qui concerne la défense des limites des ERC et la nécessité de donner aux maires les outils juridiques indispensables pour échapper aux pressions, et établir des PLU fiables sur le plan juridique, a totalement failli.

On était en droit d’attendre de ce document qu’il soit mis fin aux possibilités de manipulations du trait.

Il n’en est rien.

Dans un arrêt du 31/07/96, le Conseil d’Etat, saisi du problème de l’interprétation des limites de zones, a jugé : « Dès lors que les limites de ces zones Na et Nd ne suivent pas celles du cadastre et à défaut d’autres indications résultant expressément du règlement du POS ou des documents graphiques (..) ces limites doivent être regardées comme définies par la médiane du trait susmentionné »

Avec un trait de 100 m d’épaisseur c’est encore très rentable pour les spéculateurs !

L’AMENDEMENT DE L’EXÉCUTIF OU LA GRANDE ILLUSION :

L’interprétation des limites extérieures ou intérieures du trait de 2 mm n’est pas neutre puisque des milliers d’hectares sont susceptibles de disparaître.

Pour rassurer les élus qui se sont inquiétés des dérives que peut entraîner le texte précité, l’Exécutif  a fait voter l’amendement suivant :

L’AAUC établit un « rapport annuel recensant les difficultés rencontrées par les élus locaux dans la traduction de l’épaisseur du trait de 2 mm et d’autre part la consommation aux franges des ERC qui pourrait en résulter.

Ce rapport, soumis à la commission du Développement économique de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, peut entraîner une modification de l’épaisseur du trait le portant à 1 mm ainsi qu’un réexamen de la règle de transcription des ERC via une modification partielle du PADDUC (Art L 4424-14 du CGCT) dans les documents d’urbanisme locaux. »

Une épaisseur d’1 mm était donc possible !

Pourquoi, alors, attendre que les ERC aient été consommés « aux franges » pour éventuellement retenir, in fine, 1 mm ?

Pourquoi attendre les inévitables contentieux pour réagir et mettre en œuvre la procédure très lourde de révision partielle du PADDUC ?

Quid des PLU établis, entre temps, en fonction de l’épaisseur de 2 mm ?

Les communes qui auront interprété l’épaisseur du trait sans entamer la surface des ERC seront donc en droit de dénoncer une inégalité de traitement par rapport à celles qui, profitant du flou qui affecte les « prescriptions réglementaires », les auront consommés « aux franges ».

La rédaction de ce rapport annuel va se heurter à de grandes difficultés en ce qui concerne, justement, l’interprétation de l’application des prescriptions réglementaires qui sont tout sauf claires.

Le réexamen de la règle de transcription des ERC sera, forcément, l’objet de contestations de la part des communes qui auront mis en œuvre le PADDUC sur le fondement de ces prescriptions réglementaires.

Il n’est pas sérieux de prétendre qu’il faudra attendre ce rapport annuel pour comprendre les problèmes posés par leur interprétation et application tant il est d’ores et déjà évident qu’elles sont, en l’état, beaucoup trop floues.

La procédure de révision : Le rapport annuel de l’AAUC peut entraîner une modification partielle du PADDUC en application de l’article L 4424-14 du CGCT. C’est une possibilité, mais pas une obligation.

Selon l’article L 4424-14 du CGCT « le PADDUC peut être modifié sur proposition du Conseil Exécutif lorsque les changements n’ont pas pour effet de porter atteinte à son économie générale » : «les modifications envisagées sont soumises pour avis aux personnes publiques, organismes et organisations dont l’association est prévue à l’article L 4424-13. Leur avis est réputé être favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai de 3 mois. Après enquête publique les modifications sont approuvées par l’Assemblée de Corse.(…) »

Qui peut croire sérieusement que le Conseil Exécutif prendra une telle initiative, un tel risque politique, après avoir eu le plus grand mal à faire voter son projet ?

Grâce au texte voté, les élus disposent d’un outil d’interprétation de l’épaisseur du trait qui laisse le champ libre à tous les abus. On imagine mal les élus reconnaître de tels abus dans l’interprétation des limites intérieures ou extérieures alors que les «  prescriptions réglementaires » les permettent grâce à la prise en compte des « motivations citées dans les fiches » ou des « caractéristiques de l’espace » en cause.

Le rapport annuel de l’AAUC a toutes les chances de rester lettre morte même si, par extraordinaire, ses auteurs ont le courage de dénoncer les « consommations » abusives d’ERC.

Cet amendement de l’Exécutif n’est en rien une solution au problème de l’épaisseur du trait mais une solution illusoire.

Il faut donc intervenir, dans le cadre de l’enquête publique en cours, pour dénoncer ce problème, ramener l’épaisseur à 0,2 mm maximum et que soient fixées des règles claires, fiables, pour l’interprétation des limites extérieures ou intérieures du trait avant le vote définitif du PADDUC.

Ces imprécisions seront source de très nombreux conflits et recours devant la justice administrative.

Les associations U LEVANTE, ABCDE, U POLPU et GARDE demandent :

1 – un fond de carte IGN, un trait transparent.

2 – Un trait de 0,2 mm d’épaisseur (soit 10 mètres sur le terrain) pour les ERC.