Les images de Via Stella montrant les promeneurs obligés de marcher dans l’eau à Palumbaghja en raison de transats les pieds dans l’eau, des espaces agricoles stratégiques consommés pour de l’immobilier, un projet de dérogation en Corse à la loi Littoral afin de faciliter la constructibilité… Les revendications de non-application du Padduc (inconstructibilité des ESA et absence de paillote sur les plages naturelles) et de la loi Littoral arrivent de manière ordonnée, coordonnée, brutale, démontrant qu’une guerre est engagée. On est en passe de basculer dans ce contre quoi une majorité de Corses a semble-t-il lutté depuis des dizaines d’années : l’application de la loi Littoral, l’application du Droit pour tous et par tous, la défense du Domaine public maritime (DPM), patrimoine commun, la défense de la Terre et des terres agricoles.
Tout semble orchestré.
Cependant, tandis que des paillotiers manifestent conte la loi Littoral et le Padduc, soutenus incompréhensiblement par des élus théoriquement en charge du respect des lois, sur les réseaux sociaux il existe de plus en plus de réactions* pour stigmatiser les occupations illégales du domaine public et la difficulté d’accès aux plages.
Tout d’abord, il est important de rappeler que le DPM naturel est inaliénable et imprescriptible, ce qui signifie, d’une part que les biens du domaine public ne peuvent être cédés, et d’autre part, qu’une occupation, ou une utilisation prolongée, par un ou plusieurs particuliers qui se succèdent sur cette zone ne leur confère aucun droit réel ou droit de propriété dont ils pourraient se prévaloir à l’égard de la personne publique.
Dans ce contexte il est intéressant de connaître la réalité des jugements ayant entraîné les réactions de ces paillotiers récemment condamnés par le tribunal administratif.
Ce dernier a confirmé les arrêtés de refus du préfet de Corse-du-Sud d’autorisation d’occupation du DPM, Domaine public maritime, et l’obligation du respect du schéma de mise en valeur de la mer (SMVM) et du PADDUC.
Ces demandes d’AOT, autorisation d’occupation temporaire, refusées par le TA, portaient sur l’implantation de matelas et de parasols, sur la plage d’Asciaghju et sur la plage de Santa Giulia.
Le TA a relevé :
– qu’aux termes de l’article L.2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l’utilité publique. Aucun droit d’aucune nature ne peut être accordé s’il fait obstacle au respect de cette affectation » ; qu’aux termes de l’article R.2122-1 de ce code : « L’autorisation d’occupation ou d’utilisation du domaine public peut être consentie, à titre précaire et révocable, par la voie d’une décision unilatérale » ;
– qu’aux termes des dispositions du III. de l’article 4424-10 du code général des collectivités territoriales : « Le PADDUC vaut, pour les secteurs qu’il détermine, schéma de mise en valeur de la mer (SMVM) au sens de l’article 57 de la loi n°83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État. À ce titre, il définit pour lesdits secteurs les orientations, vocations, principes, mesures et sujétions particulières prévus à ce même article (…) » ;
– que le préfet de la Corse-du-Sud a fait application des prescriptions du préambule de l’annexe 6 du PADDUC adopté par la CDC le 4 octobre 2015 et valant SMVM, selon lesquelles « La délivrance des actes du domaine public et l’utilisation par l’État de son propre domaine tiennent compte des dispositions du SMVM », lequel classe l’une et l’autre des deux plages afférentes aux installations en litige parmi les plages à vocation naturelle fréquentées ;
– que si le livre II de cette annexe 6, dans sa partie « orientations » précise, notamment en page 81, que ces plages « naturelles fréquentées » font en général, historiquement, l’objet d’AOT, qu’on y trouve souvent des « paillotes » et parfois de petites bases nautiques et que l’enjeu sur ces plages est de pouvoir encadrer la fréquentation et organiser l’accueil du public dans de bonnes conditions, de façon à limiter l’impact sur l’environnement, il résulte toutefois de la partie relative aux prescriptions, page 135 de cette annexe 6, que la mise à disposition de matelas et de parasols est réservée aux plages urbaines et est donc interdite dans les plages naturelles, fussent-elles fréquentées.
En conséquence, c’est à bon droit que ces demandes d’AOT non compatibles avec la vocation de ces deux plages ont été refusées.
En outre, les juges ont noté dans chacune de ces affaires la prise en considération légitime par le préfet et par le juge du peu de cas qu’avaient fait ces sociétés des autorisations qui leur avaient été accordées jusqu’en 2016 en n’en respectant pas les conditions.
Quel est le positionnement de l’Exécutif de Corse?
*Réaction de Petru Poggioli
*Réaction de Fabiana Giovannini