En 2024, comme les années précédentes, sur deux plages à vocation naturelle du Padduc, « la crique aux célébrités » et Erbaju face au restaurant « La table de La Plage », l’État, sous la signature des Sous-Préfets successifs de Sartene, accorde à P. Canarelli deux autorisations illégales d’occupation temporaire du domaine public maritime terrestre et marin (AOT). Pourquoi ?
Ces AOT portent en 2024 les n° 034S et 035S.
Localisation des deux AOT :
À Murtoli, sur la plage de la « crique des célébrités », l’AOT accorde 20 matelas, 20 parasols sur une surface de 80 m2 ainsi que 3 corps-morts permettant l’ancrage de 3 « bateaux de plus de 10 mètres ». En jaune, ajouts U Levante sur la photographie Google Earth jointe à l’arrêté préfectoral :
Sur la plage d’Erbaju, face au restaurant illégal « La Table de La Plage » l’AOT accorde 20 matelas et 20 parasols sur une surface de 120 m2 ainsi que 5 corps-morts permettant l’ancrage de 5 « bateaux de plus de 10 mètres ».
En jaune, ajouts U Levante sur la photographie Google Earth jointe à l’arrêté préfectoral :
Que dit le Padduc ? Depuis l’adoption du PADDUC en octobre 2015, ces AOT sont réglementées. Les dispositions du PADDUC relatives à l’occupation des plages figurent aux pages 126 à 135 du livre 2 de l’annexe 6 du PADDUC valant schéma de mise en valeur de la mer, consultable sur le site Internet de la Collectivité de Corse.
La carte détaillée donnant la vocation des plages est la carte n° 8.
Sur les plages naturelles, l’occupation du DPM à des fins commerciales pour la location de parasols, matelas, ou l’implantation de corpsmorts est incompatible avec les dispositions du PADDUC.
La plage d’Erbaju du littoral du Domaine de Murtoli est partie intégrante d’un arrêté préfectoral de protection de biotope, d’un site Natura 2000, d’une ZNIEFF (zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique) de type 1. Les deux plages sont sises dans l’ERC (espace remarquable du Padduc) n°2A46.
Cartes des protections :
Ces deux plages sont en conséquence classées à « vocation naturelle » dans le Padduc. Elles n’ont donc pas le droit de bénéficier d’AOT pour des matelas, des parasols et des corps-morts pour des bateaux.
Ces deux AOT* délivrées à P. Canarelli, dans leurs considérants, font état des prescriptions du PADDUC :
- « la délibération 15/235 AC de l’Assemblée de Corse du 02 octobre 2015 portant approbation du PADDUC »,
- « la délibération 15/236 AC de l’Assemblée de Corse du 02 octobre 2015 approuvant la liste des espaces terrestre et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques »,
- « la délibération 15/237 AC de l’Assemblée de Corse du 02 octobre 2015 approuvant la carte des vocations des plages et séquences littorales dans lesquelles peuvent être autorisées des aménagements légers ».
Ces prescriptions du PADDUC sont donc connues par le représentant de l’État mais leur application est, dans le cas de Murtoli, ignorée.
Le renouvellement de ces deux AOT est d’autant plus incompréhensible que P. Canarelli ne les respecte même pas !
L’image satellite Google Earth du 14 septembre 2023 montre que le DPM face au restaurant illégal est parsemé de nombreuses structures qui abritent des matelas … et le site internet de Murtoli montre de nombreuses images de ces occupations ainsi que l’utilisation du DPM pour de la restauration, des concerts, des festivités, jamais autorisés.
Image Google Earth 2023 du restaurant et de l’occupation du DPM le 14/09/2023 :
Image aérienne de juin 2023 :
Depuis des années, l’État fait bénéficier illégalement P. Canarelli de deux AOT alors qu’il refuse chaque année à d’autres personnes les AOT qu’elles demandent (voir par exemple le recueil des actes administratifs n°45 du 25 mars 2024). Ces AOT délivrées sur deux “plages à vocation naturelle” sont, à la connaissance de U Levante, uniques en Corse.
Pour quel(s) motif(s) l’État choisit-il d’être en faute à Murtoli ?
Post Sriptum : depuis 2011 la plage de “La crique aux célébrités” est officiellement privatisée de fait : un arrêté préfectoral permet l’installation d’une ligne de bouées jaunes reliées entre elles ce qui interdit l’accès de bateaux à la crique. Mais grâce à ces AOT, les ” bateaux de Murtoli” peuvent y pénétrer. “Deux poids deux mesures”…
Jurisprudence :
Seul un rapport de compatibilité avec le Schéma de Mise en Valeur de la Mer (SMVM) est requis pour les autorisations d’urbanisme (CAA Marseille, 28 février 2022, 20MA03713 ; CE, 29 juillet 1994, n°85532).
Le SMVM s’impose aux AOT, comme l’indique bien l’annexe 6 I du SMVM : « La délivrance des actes de gestion du domaine public et l’utilisation par l’État de son propre domaine tient compte des dispositions du SMVM » (page 130). En conséquence, une AOT peut être refusée pour incompatibilité avec le SMVM ; voir notamment une décision favorable dans un cas similaire : CAA Marseille, 29 mars 2019, n°17MA03629