Cavaddu est inconstructible.
Le Conseil d’État vient de confirmer la décision de la Cour d’appel de Marseille annulant le PLU DE L’ÎLE DE CAVADDU sur la commune de Bunifaziu. En septembre 2016, ABCDE et U Levante avaient publié cette décision, implacable, très argumentée et très pédagogique, démontrant qu’en décembre 2013, la commune avait illégalement rendu constructibles des milliers de m2 sur cet îlot au cœur de la réserve naturelle de Bonifacio. Papier à relire ci-dessous* :
Corse-Matin** dans son édition du 11 juillet 2017 ne s’y est pas trompé et a titré : “… la commune de Bonifacio avait voté une modification de son PLU, ouvrant la voie à de nouvelles constructions sur l’île.”
Pour tenter de se justifier, la commune prétend que le PLU antérieur, remis en vigueur du fait de l’annulation, était plus permissif que le dernier, et qu’en conséquence il y aura davantage encore de constructibilité sur Cavaddu.
Cela est juridiquement inexact.
La loi Littoral prévaut sur l’ancien PLU illégal de Cavaddu. La commune de Bunifaziu devra donc tenir compte des arrêts de la cour administrative d’appel et du Conseil d’État : dans les zonages du PLU qui correspondent à des secteurs déclarés inconstructibles par ces arrêts, la commune ne pourra pas légalement délivrer d’autorisation de construire.
La commune devra également respecter les prescriptions du Padduc.
Rappelons ainsi que, le 16 mars 2017, le Tribunal administratif de Bastia a jugé que « le fait que les collectivités locales disposent d’un délai de 3 ans pour mettre les documents d’urbanisme en compatibilité avec le Padduc, ne fait pas obstacle, dans le cadre d’une demande de permis de construire, à l’application des dispositions de ce dernier document ».
http://www.ulevante.fr/calvi-et-padduc-un-jugement-qui-fait-jurisprudence/
Sauf si la commune de Bunifaziu viole les lois et règlements applicables, et si l’État laisse faire, l’annulation du PLU de Cavaddu aura donc pour effet de préserver l’île de toute urbanisation anarchique.
Par un arrêt du 26 septembre 2016 , la Cour d’appel administrative de Marseille a annulé le jugement n° 1400161 du Tribunal administratif de Bastia du 16 juillet 2015 et la délibération du conseil municipal de Bonifacio du 20 décembre 2013 portant approbation de la modification du plan local d’urbanisme de Cavaddu.
C’est une des nombreuses sociétés propriétaires de l’île, la société Cueva Azul Limited, immatriculée au Royaume-Uni, dépitée de voir son terrain classé en zone inconstructible car étant situé dans la bande des 100 m et en espace remarquable, qui avait saisi le Tribunal administratif d’un recours contentieux tendant à l’annulation du PLU. Le TA ayant rejeté sa demande, la société avait fait appel.
L’arrêt de la CAA est implacable. Elle expose dans ses considérants :
– L’absence d’évaluation environnementale
C’est une obligation légale pour les documents d’urbanisme qui permettent la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000.
Cavaddu est incluse en totalité dans 2 zones Natura 2000, dans la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio, et couverte en totalité par une ZNIEFF de type 1, justifiée par la présence du cormoran huppé de Méditerranée, du puffin cendré et d’une flore originale. Or, la CAA considère que la présence de micro-zones afin de permettre l’achèvement ou la reconstruction d’une vingtaine de villas, la réalisation d’un projet comportant 1 200 m2 de surface au sol, la possibilité de nouvelles constructions à usage technique, équipements collectifs, sportifs, de loisirs, seraient de nature à permettre une augmentation conséquente de la population fréquentant l’île et seraient susceptibles d’entraîner des incidences significatives sur les sites Natura 2000.
Pour le Tribunal, la commune s’est bornée à dresser la liste des protections, et l’omission de toute réelle étude environnementale “a été de nature, en l’espèce, à nuire à l’information complète du public et susceptible d’exercer une influence sur le contenu de la décision finale de l’autorité administrative”. La délibération approuvant la modification du PLU est ainsi ” intervenue à l’issue d’une procédure irrégulière”.
– Le non-respect de la bande des 100 m
En dehors des espaces urbanisés, les constructions sont interdites sur la bande littorale des 100 m. Or, sur des espaces supportant des “constructions inachevées ou à l’état de ruines, le règlement du PLU permettait des constructions à usage d’habitation. La CAA considère que ces espaces situés dans la bande des 100 m ne constituaient pas des espaces urbanisés et que la possibilité de reconstruction ne peut être regardée comme permettant le simple réaménagement ou la réhabilitation de constructions existantes, “dès lors que la plupart des vestiges de bâtiments n’ont jamais été terminés et ne comprennent pour certains que des fondations et quelques murs”. En effet, la loi ne permet dans la bande des 100 m que la “reconstruction à l’identique d’immeubles préexistants régulièrement édifiés et détruits depuis moins de 10 ans”.
Des milliers de m2 ouverts à l’urbanisation, la construction d’une vingtaine de villas, d’immeubles, d’équipements collectifs, sportifs, de loisirs, pour le plus grand bénéfice de sociétés “off-shore” et des propriétaires de “l’île aux milliardaires “, avec à la clef une augmentation conséquente de la population : voilà ce qu’autorisait le PLU de Cavaddu dans un site magnifique, au cœur de la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio.
Par cet arrêt, la Cour d’appel de Marseille inflige un camouflet cinglant à la municipalité de Bonifacio qui vantait dans tous les médias un document mettant en avant des principes d'”arrêt de la constructibilité et de retour à l’état de droit”. Elle inflige un démenti tout autant cinglant à la Préfecture, une fois de plus aux abonnés absents pour le contrôle de légalité, et qui qualifiait le PLU de Cavaddu, de “document exemplaire et vertueux”.
**: Corse Matin :