Le 14 mars 2019, le Tribunal administratif de Bastia a annulé le Plan local d’urbanisme de la commune de Cavru/Cauro. Un camouflet pour le maire et pour l’Exécutif. En effet, bien que les motifs d’annulation, reconnus par le TA, soient très nombreux*, seuls l’État et U Levante avaient déféré ce PLU trop manifestement illégal.
Avec une superficie de 2 790 ha, et, selon la municipalité, 1 311 habitants en 2012, 1 445 habitants en 2018 (source INSEE), Cauro est une vaste commune proche du golfe d’Ajaccio. Bien qu’elle ne soit pas soumise à la loi « Littoral » et soumise à la seule loi « Montagne », elle est proche de la mer et de l’aéroport d’Aiacciu.
Vue aérienne Google Earth 2017 – Zonages constructibles en violet, Espaces stratégiques agricoles (ESA) du PADDUC en jaune, Espaces ressource pour le pastoralisme et l’arboriculture traditionnels (ERPAT) en orange :
Le PLU de cette commune cumulait de très nombreuses illégalités :
- Incohérence des représentations graphiques du zonage du PLU entre plusieurs documents soumis à l’enquête publique et la distorsion du zonage couvrait une surface d’environ 55 hectares !
- Modification substantielle des zonages entre le PLU arrêté et le PLU approuvé avec transformation d’un zonage agricole en une nouvelle zone AU (à urbaniser) à Rosetu, consommant 20 163,90 m2 d’espaces stratégiques agricoles et suppression d’environ 30 hectares de l’Espace boisé classé (EBC) du Monte Sant’Apianu.
- Surestimation de la capacité d’accueil par rapport aux besoins de la population permanente : alors que le besoin nécessaire et suffisant est de 200 résidences principales, la surface des zonages constructibles permettait la construction de 324 logements.
- Ouverture à une urbanisation non justifiée des terres agricoles : le PLU violait les dispositions du livret IV du PADDUC. Ce que l’État et la Chambre d’agriculture avaient relevé dans leurs avis au stade du PLU arrêté : “En ouvrant à l’urbanisation 35,3 hectares alors que la croissance actuelle engendrerait un besoin d’environ 7 hectares constructibles d’ici 2030, la délibération sus-citée contrevient aux articles sus-visés” (Chambre d’agriculture).
- Ouverture à l’urbanisation de nombreuses zones non en continuité de l’urbanisation existante et donc non-respect de la loi Montagne et du Padduc
Création de la zone à urbaniser de Rosetu sur des terrains agricoles
Suppression d’environ 30 hectares de l’Espace boisé classé (EBC) du Monte Sant’Apianu
Autrefois dotée d’un POS, la commune est soumise au RNU (Règlement national d’urbanisme) depuis mars 2017… et le restera donc. Charge donc à l’État d’y contrôler les permis de construire délivrés… qui doivent respecter les lois.
Le tribunal s’est prononcé notamment à la demande de la préfète de la Corse-du-Sud qui avait déféré l’acte, ainsi que sur la requête de l’association U Levante. Par deux jugements rendus le 14 mars 2019 il fait droit à ces deux recours en prononçant l’annulation totale du plan local d’urbanisme.
Le tribunal a tout d’abord constaté que des documents mis à la disposition du public au cours de l’enquête publique contenaient une divergence sur le classement d’un vaste secteur allant du lieu-dit « Collu » au lieu-dit « Fachina », au sud du village. Certains documents faisaient ainsi apparaître l’ensemble de ce secteur en zone agricole, tandis que d’autres faisaient apparaître une partie de ce secteur en zone naturelle. La divergence existait notamment entre les documents mis à disposition sous format papier et ceux qui l’étaient, désormais de manière obligatoire, sous forme dématérialisée. Le tribunal a alors estimé qu’une telle divergence, qui a été de nature à nuire à l’information des personnes intéressées, a entaché d’irrégularité la délibération.
Il a ensuite constaté que des modifications avaient été apportées après l’enquête publique, consistant en la création d’une zone à urbaniser dans le secteur de « Rosetu » à l’ouest du village, couvrant des terrains qu’il était initialement prévu de classer soit en zone naturelle, soit en zone agricole. Relevant que les règles fixées par le PLU adopté permettaient potentiellement la construction de 60 maisons sur ce secteur, il a jugé qu’il y avait là une modification suffisamment importante du projet pour que soit caractérisée une atteinte à l’économie générale du projet. Les juges ont également estimé que la réduction, après l’enquête publique, de plusieurs hectares d’un espace boisé classé initialement prévu, était irrégulière dès lors qu’elle ne résultait pas d’un avis joint au dossier, des observations du public ou du rapport du commissaire enquêteur.
Le tribunal a constaté en outre que la commission territoriale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, ainsi que les personnes publiques associées à l’élaboration du PLU (en particulier la collectivité de Corse et la chambre d’agriculture), n’avaient pas eu la possibilité de se prononcer sur les modifications précédemment évoquées. Eu égard à l’importance et à la nature des modifications apportées, il a estimé que l’absence d’une nouvelle consultation de la commission a eu pour effet de nuire à l’information de l’ensemble des personnes intéressées et d’exercer une influence sur le sens des résultats de l’enquête publique, entachant d’irrégularité la procédure suivie.
Enfin, le tribunal a censuré l’ouverture à l’urbanisation d’un « secteur de taille et de capacité d’accueil limité » au lieu-dit « Fica », faisant prévaloir les dispositions de la loi Montagne plus sévères que celle du code de l’urbanisme qui permettent sous conditions de prévoir de tels secteurs dans les zones naturelles.
NB : L’ordonnance-référé du 6 mars 2019 du Tribunal administratif a suspendu un PC accordé par le maire de Cavru/Cauro, au lieu-dit Rosetu.
UL avait déféré ce PC accordé le 14 février 2018 pour une maison individuelle sur la parcelle C1341 ainsi que deux autres PC voisins. Les travaux ayant commencé sur cette parcelle, le juge, saisi en référé, a retenu l’illégalité du PC en ce que le projet de construction ne se situe pas en continuité avec un bourg, village, hameau, groupe de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. La parcelle est une prairie depuis au moins les années 1950 et est répertoriée en tant qu’ESA sur les cartes du Padduc.