Il a osé le dire! « La loi littoral est rigoureusement appliquée en Corse » a affirmé Pascal Lelarge, Préfet de la région Corse, dans le journal Le Monde le 10 septembre 2021*. Dans la bouche d’un Préfet, cela semble sérieux, voire indiscutable. Pourtant rien n’est plus faux.
Les Juges du Tribunal administratif de Bastia ont dû en tomber à la renverse, eux qui sont débordés par des centaines de dossiers d’urbanisme pratiquement tous liés à la non-application de la loi Littoral en Corse.
La loi Littoral a été promulguée en 1986 et est donc censée s’appliquer depuis 35 ans. Ses dispositions visent principalement à éviter le mitage des paysages par les constructions. Et le plus grand nombre d’annulations des permis de construire par les juges est la conséquence de l’application du L. 121-8 : l’urbanisation ne peut s’étendre qu’en continuité des villages ou des agglomérations.
Quelques exemples :
L’État a-t-il fait respecter la loi quand les prédécesseurs du préfet Lelarge ont approuvé les cartes communales de Monacia en 2007, Pianottuli Caldarellu en 2008, Veru en 2009 alors qu’elles ont été déclarées illégales par le TA sur des recours récents de U Levante ? Le Préfet Lelarge fait-il respecter la loi en n’agissant pas depuis ?
Comment le Préfet Lelarge explique-t-il que ses prédécesseurs n’aient pas déféré les PLU de Bunifaziu en 2007 et, ensuite, ceux de Coti Chjavari, Sartè, Ulmetu, Sarra di Farru, Purtivechju, Sari Sulinzara, Prupià, etc., et finalement d’Aiacciu en 2020, alors que, déférés par les associations, ils ont été annulés par le TA**, en particulier pour non-application de la loi Littoral ? L’État, pendant toutes ces années, n’a pas fait appliquer la loi Littoral.
Pourquoi a-t-il fallu que les associations défèrent seules les permis de construire (PC) ou d’aménager (PA) de la société PCPG délivré à Sartè en 2017, le PC Gamba Grossa et les deux PC Lantieri, sur la commune de Bunifaziu en 2019, les PC Lucchini et Antoniotti à Cervioni en 2019, les PA Colonna d’Istria, SFHE à Calinzana et le PA Taddei à Curbara en 2020, et obtiennent leur annulation par le TA de Bastia sur la base du non-respect de la loi Littoral ?
Les exemples sont beaucoup trop nombreux pour être tous cités.
Le temps n’est-il pas enfin venu pour les autorités administratives de tirer la leçon de ce que les juges administratifs écrivent dans la plupart de leurs jugements, à savoir : « Il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet en litige se situe dans un espace composé d’un habitat diffus et caractérisé par l’étalement de maisons individuelles dans un espace faiblement artificialisé. Il n’apparaît pas que cet espace présenterait un caractère stratégique pour l’organisation et le développement de la commune de XXX. Dans ces conditions, cet espace ne peut être regardé comme un village ou une agglomération au sens des dispositions précitées du code de l’urbanisme précisées par le PADDUC, de sorte qu’aucune construction ne peut y être autorisée, sans que M. X puisse utilement invoquer la circonstance que d’autres demandes de permis de construire pour des projets situés à proximité de son terrain ont bénéficié de décisions favorables.»
Sous la pression de l’opinion insulaire et des associations, des efforts ont certes été accomplis : depuis octobre 2017, une forte amélioration est constatée dans le sud de l’île. Mais on est encore loin, très loin, du compte sur l’ensemble de la Corse.
La loi Littoral rigoureusement appliquée en Corse ? C’hè da ride… o da pienghje !
*Paul ORTOLI « La villa promise au banquier d’affaires Grégoire Chertok en Corse contestée par la société civile » Le Monde du 10 septembre 2021
**Carte des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des cartes communales (CC) déférés devant les tribunaux administratifs par U Levante : https://www.ulevante.fr/u-levante-un-combat-au-nom-de-linteret-collectif/