L’État et la commune de Purti Vechju condamnés à dédommager un acheteur pour avoir délivré un certificat d’urbanisme positif alors que c’était contraire à la loi Littoral (L 121-8 du code de l’urbanisme). Le jugement*
En 2017, M. et Mme D. ont fait l’acquisition du lot n° 10 du lotissement dénommé « Le Parc des Îles » au lieu-dit « Bocca del Oro » à Porto-Vecchio, lotissement qui avait été autorisé par un permis d’aménager en 2011. M. D. avait préalablement sollicité et obtenu un certificat d’urbanisme positif pour la construction d’une villa.
Malheureusement pour les époux D., alors que les propriétaires d’autres lots de ce lotissement avaient bénéficié antérieurement de permis de construire puisque le préfet avait, par lettre du 1er septembre 2014, enjoint la commune d’y délivrer des permis, la position des services de l’État a changé et M. et Mme D. se sont, à 2 reprises, heurté à un refus de PC opposé à la suite d’un avis conforme défavorable de l’État (article L. 121-8). M. et Mme D. ont alors demandé au tribunal de condamner la commune à leur verser une indemnité de 749 465,74 € en réparation des conséquences dommageables de l’illégalité du certificat d’urbanisme délivré le 01/09/2017.
En la matière, le fait d’avoir délivré un certificat d’urbanisme positif illégal constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité au nom de laquelle il a été délivré. La commune est donc fautive.
Mais elle n’est pas la seule et l’a fait savoir !
La commune étant soumise au RNU, aucun PC ne pouvait être délivré sans “l’avis conforme” de l’État. Et celui-ci a validé à plusieurs reprises des demandes de permis de construire présentées dans le lotissement, conformément à la « doctrine » des services de l’État qui était, depuis plusieurs années, de ne pas remettre en cause la constructibilité des lots de ce lotissement, position qui avait été expressément portée à la connaissance de la commune par une lettre qui lui a été adressée par le Préfet le 01/09/2014.
En effet, la position des services de l’État a constamment été, depuis l’année 2012 et jusqu’au mois de mars 2017, de ne pas remettre en cause la constructibilité des lots de certains lotissements qui avaient fait l’objet d’autorisations antérieurement à l’annulation du plan local d’urbanisme de Porto-Vecchio.
Une telle prise de position, qui repose sur une appréciation erronée de la portée des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme telles que précisées par le PADDUC, constitue une faute de nature à engager la RESPONSABILITÉ DE L’ÉTAT.
Les juges du Tribunal administratif de Bastia ont donc condamné
- la commune de Purti Vechju à payer, d’une part, à M. et Mme D. une indemnité d’un montant de 501 390,50 €, d’autre part, à M. et Mme D. une indemnité d’un montant de 9 301,33 €, avec intérêts de droit à compter du 05/12/2018 et capitalisation desdits intérêts à compter du 05/10/2019 ;
- l’État à garantir la commune de Purti Vechju à concurrence de 50 % des condamnations proposées.
Pourquoi ce jugement est-il très intéressant?
La volonté de l’État de ne pas appliquer la loi Littoral en Corse est démontrée.
Le jugement nous apprend que le Préfet Mirmand a, en 2014, par écrit, pris position pour une constructibilité illégale. Et que cette non-application de la loi Littoral était déjà en vigueur en 2011 (date de l’approbation du permis d’aménager illégal) et qu’elle a perduré jusqu’en 2018. Sans oublier que le PLU de Porto Vecchio avait été entièrement annulé en mai 2011 ( mais pas suite à un recours de l’État !) et que le lotissement “Le Parc des Îles” a été autorisé sur un zonage AUL jugé illégal par le TA, la CAA et le Conseil d’État… !
Hélas, entre le premier jugement du Tribunal administratif de Bastia en mai 2011 et aujourd’hui, de très nombreux permis de construire ont été accordés par la commune avec l’aval de l’État sur de nombreux zonages inconstructibles. Des faits qui démontrent un mépris total des décisions de justice par la commune et l’État, deux autorités en charge pourtant de leur application…
Il peut coûter très cher à une commune et à l’État de délivrer des permis de construire ou de lotir, ou des certificats d’urbanisme illégaux, puisque les propriétaires qui ont obtenu une autorisation d’urbanisme jugée ensuite illégale peuvent se retourner contre la commune dont les finances seraient, selon l’importance du budget, gravement lésées par une condamnation.
La prise en charge d’une telle dépense pour certaines collectivités serait, selon la faiblesse de leurs budgets, susceptible de leur causer de graves problèmes financiers, voire de les amener à perdre leur autonomie de décision budgétaire en relevant de la Chambre régionale des comptes qui serait chargée de régler leur budget pour rétablir l’équilibre entre recettes et dépenses.
Cette décision du TA de Bastia confirme des jurisprudences constantes du Conseil d’État :
toute décision illégale de l’administration comme des collectivités territoriales est constitutive d’une faute qui provoque la réparation intégrale du préjudice causé.
Certes, les maires, à l’origine de ces certificats provoquant la responsabilité financière de leurs communes, ne verseront pas cet argent de leur poche. Mais si d’aventure ils n’exécutaient pas les décisions du tribunal, leurs communes seraient condamnées à le faire sous astreinte et ils seraient susceptibles d’être déférés devant la cour de discipline budgétaire et financière.