Alors que les réserves naturelles ont été créées afin de préserver la biodiversité, la faune et la flore y subissent une si forte pression et donc un si fort dérangement que cette biodiversité y régresse et les mettent en grand danger. Les réserves naturelles sont devenues des parkings à bateaux (essentiellement occupés par la grande plaisance) et font l’objet d’une exploitation commerciale démesurée.
Alors que les réserves naturelles ont été créées afin de préserver la biodiversité, la faune et la flore y subissent une forte pression (si forte et donc un si fort dérangement que cette biodiversité y régresse) et sont donc mises en grand danger. Les réserves naturelles sont devenues des parkings à bateaux (dont ceux de la grande plaisance) et font l’objet d’une exploitation commerciale démesurée.
A – Les preuves des atteintes à la biodiversité
La réserve naturelle des Bouches de Bunifaziu
En 2018, 1/8ème de la flotte mondiale de la grande plaisance (c’est-à-dire les bateaux de longueur supérieure à 24 m) a mouillé sur le littoral de la Corse. 44% ont mouillé sur le littoral de la commune de Bonifacio.
L’herbier de posidonies du golfe de Sant’Amanza, commune de Bunifaziu, a déjà payé un lourd tribut (-72 hectares détruits), dont 8 ha entre 2019 et 2020 devant la plage de Balistra, destruction essentiellement due à la surfréquentation par les yachts de la grande plaisance. C. Pergent-Martini, E. Barralon, L. Lehmann, B. Monnier, G. Pergent – Évaluation de la sensibilité des habitats marins à la pression d’ancrage – Approche méthodologique et application au golfe de Sant’Amanza – 2020
En 2018, 77 % des navires ancrés dans les Bouches de Bonifacio l’étaient dans l’herbier.
Île Lavezzu, Bunifaziu, photographie prise en 2011 (source ABCDE) : le nombre de bateaux ancrés, dont des grands yachts, était déjà beaucoup trop important :
La réserve naturelle de Scandula
En 2018, 40 % du 1/8ème de la flotte mondiale de la grande plaisance ont mouillé dans le golfe de Portu / Scandula
Le 9 août 2018, 591 bateaux étaient présents dans la baie d’Elbu et 62 mouillages ont eu lieu tandis que dans la Passe de Palazzu il a été noté jusqu’à 300 passages/jour en août. Source : Comité consultatif du 20 juillet 2020
Une étude scientifique réalisée entre 2012 et 2014 (Monti et al 2018), a clairement identifié la surfréquentation touristique aux abords des nids de balbuzards comme étant l’une des causes majeures de la chute du succès de reproduction. Des simulations démographiques montrent que le risque d’extinction de la population corse de balbuzards est de 84 % sur la réserve de Scandola.
« … On ne peut manquer de constater que la baisse drastique des poussins à l’envol est directement corrélée avec le développement des activités touristiques, particulièrement celles liées à la découverte des sites littoraux par la mer. L’augmentation exponentielle de ces activités a été́ spectaculaire notamment au cours des cinq dernières années. A Porto, plus d’une trentaine de bateliers proposent des sorties en mer qui, toutes, visitent les abords de la Réserve Naturelle de Scandola ». Rapport d’expertise du Muséum d’Histoire Naturelle sur l’impact des activités touristiques sur la reproduction du balbuzard pêcheur en Corse, 2018.
Et il n’y a pas que les Balbuzards qui sont menacés.
La réserve naturelle des îles du Cap Corse
Dans une interview du 24 / 08 / 2021 à Corse Matin, Alain Camoin, Conservateur de la RN, dénonce le fort impact négatif de la surfréquentation sur les oiseaux et l’ensemble des espèces protégées qui nichent ou fréquentent ces îles. Il déclare : « Les agents de l’office de l’environnement de la Corse, en charge de la protection de cet espace de 66 ha (…) dénoncent … la surfréquentation du site en été… Lors de la semaine du 15 août, près de 70 bateaux jetaient quotidiennement leur ancre à proximité des îles Finoccchiarola »
La Méditerranée autour de la Corse est officiellement –mais non réellement– protégée sur de grandes surfaces appelées les « Aires Marines Protégées » : les AMP.
En Corse, trois AMP comportent en leur sein des réserves naturelles, la plus vaste étant celle des Bouches de Bunifaziu, qui bénéficient de statuts théoriquement plus protecteurs.
B – Des décisions doivent-elles être prises ?
Pour A. Camoin, Conservateur de la réserve des îles du Cap Corse, « Cette zone est un sanctuaire et elle ne peut pas résister à cette pression Il faudrait imposer des seuils d’acceptabilité. … Il faut prendre des décisions. Ce n’est plus possible. C’est un des enjeux de la Corse dans un avenir très proche. »
Pour O. Duriez – Maitre de conférences, Université de Montpellier – Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive – Ornithologue référent du Plan National d’Action balbuzard : « Les zones de quiétude sous une charte Natura 2000 de bonne conduite, mesures prises depuis 2020 pour réduire la fréquentation autour des nids, ne sont clairement pas suffisantes pour être efficaces, car non verbalisables. Seuls des arrêtés préfectoraux de protection de biotope autour de tous les nids de balbuzards et un déploiement massif d’agents assermentés pour la police de l’environnement en charge de faire respecter réellement la réglementation permettraient de protéger efficacement la reproduction des balbuzards en Corse. Si de tels moyens ne sont pas mis en place urgemment, au moins dans la réserve naturelle nationale de Scandola, joyau des réserves de Méditerranée occidentale, et dont la mission de protection de la biodiversité est prioritaire, et une limitation drastique de la fréquentation par le grand public, voire son interdiction totale pendant quelques années, permettraient à la nature de reprendre ses droits. »
Pour A. Meinesz, professeur émérite, CNRS UMR 7035 « ECOSEAS », université Côte d’Azur, à propos de la surfréquentation de l’île Lavezzu : « Comme pour toute organisation du territoire et comme toute institution d’exposition (musée) il faut créer des contraintes avec des quotas. Ces quotas journaliers devraient être bien inférieurs à la fréquentation actuelle des jours d’été. Les touristes devraient, comme pour la visite d’un musée, réserver leur date de visite, avec un système contrôlé par la réserve. Une fois le quota journalier réservé, il devrait être impossible de rejoindre l’île avec les bateliers. … Il faudrait tenir compte d’une fréquentation contrôlée de l’île bien inférieure à celle des années passées.”
Les solutions existent : imposer des quotas, interdire le mouillage dans les réserves naturelles, augmenter le nombre d’agents de surveillance et de verbalisation …
C – Des choix doivent être faits, il y a urgence.
Selon Charles-François Boudouresque, Membre du Comité scientifique de la Réserve naturelle de Scandula : « Le caractère d’un site, c’est ce que nous choisissons que soit ce site, indépendamment des références à une nature primordiale (et hypothétique), indépendamment des preuves scientifiques. À Scandula, il nous appartient de définir le caractère. Voulons-nous en faire un parking à bateaux ? (notre île n’en manque pas). Une affiche pour tourisme de masse et de pacotille ? (peu importerait alors que l’icône balbuzard disparaisse). Ou bien un espace de rêve, dans lequel on pénètre sur la pointe des pieds, une image du passé géologique de notre planète, un morceau de la Corse éternelle, celle des bergers (ni carthaginois, romains, toscans, génois ou français), un souvenir de la Méditerranée d’avant la pollution et la surpêche ? (Verlaque, 2013). C’est bien sûr ce dernier projet que je propose pour illustrer le caractère de Scandula. »
On devrait visiter Scandula comme on entre dans une cathédrale. Aujourd’hui on s’y conduit comme dans une fête foraine.
Alors attention ! Les élus opportunistes et les industriels de la plaisance saisissent aujourd’hui l’occasion d’organiser les mouillages avec dérogation pour la grande plaisance (yachts de 24 m et plus) sur des « coffres écologiques » leur donnant un accès libre à tous les sites remarquables comme les aires marines protégées, les parcs marins, les sites Unesco… et leurs exceptionnels littoraux terrestres… où se multiplient aujourd’hui des paillotes illégales, dépourvues de permis de construire ou d’AOT, mais qui s’affichent comme des restaurants de luxe où ces marins fortunés débarquent en mettant à l’eau leurs annexes.
La brèche est ouverte pour les spéculateurs de l’environnement sur les quelques endroits où il reste encore de la biodiversité…
En définitive, c’est la compatibilité même des grands navires de plaisance à proximité des côtes de Corse et l’exploitation commerciale effrénée qui se posent et, une fois encore, celle du choix du mode de développement que l’on désire, développement qui devrait être fondé sur une reconstruction fondée sur la nature, limitant le réchauffement climatique et pour la biodiversité post 2021.
Tous les sites de Corse sont surfréquentés en été.
Le drame de la Corse, c’est sa beauté … et l’absence de volonté politique de sa protection.