Conférence de presse, lundi 10 février, 2020 Aleria
Le tribunal administratif de Bastia (jugement 170043) a, le 3 octobre 2019, annulé l’arrêté du 15 novembre 2016 du préfet de la Haute-Corse et a autorisé la société Oriente Environnement à ouvrir et exploiter deux installations de stockage des déchets non dangereux et de déchets de terres amiantifères au lieu-dit Finocchietto, commune de Giuncaggio.
Tavignanu Vivu a fait appel de ce jugement le 24 octobre 2019.
La direction collégiale de U Levante a estimé que ce permis porte atteinte aux objets que l’association a pour objet de protéger (sites protégés, Padduc, ESA, etc). Elle a en conséquence, après une nouvelle étude géologique et en application des lois, PADDUC (ESA en particulier), CODE DE L’ENVIRONNEMENT,
- engagé un recours contentieux devant la CAA de Marseille en tant qu’intervenant volontaire,
- engagé un recours en tierce opposition devant le TA de Bastia.
Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ayant abouti à cette décision.
L’Exécutif de Corse a donc également la possibilité d’ester en CAA et en TA.
A – La géologie est défavorable à l’implantation de sites d’enfouissement et constitue une menace pour l’environnement.
Les reconnaissances de terrain et l’examen des documents fournis par le pétitionnaire permettent de le démontrer.
Contrairement aux affirmations des porteurs de projet le substratum schisteux n’est pas homogène. De nombreux affleurements de roches magmatiques sont visibles et ont été en partie cartographiés sur la carte géologique existante (cf extrait ci-dessous). En particulier la serpentinite, roche amiantifère, est présente mais, jusqu’à présent, elle n’était pas mentionnée : l’entreprise qui décaisserait le site serait soumise, par la loi, à des mesures spécifiques de travail très contraignantes.
Les feuillets des schistes sont inclinés vers la vallée du Tavignanu ce qui facilite leur glissement vers le fleuve. Cette disposition se rencontre dans toute la zone des gorges du Tavignanu où de nombreux glissements de terrain ont affecté la route et des terrains agricoles.
Une faille cartographiée « probable » passe au niveau du site, en bordure ouest de la zone de stockage des déchets ménagers ; elle est attestée par les profils électriques fournis par Oriente Environnement qui mettent en évidence au moins une discontinuité majeure dans les schistes.
Les photos de carottes (études fournies par Oriente Environnement et étude du BRGM) montrent des matériaux peu cohésifs avec des passées altérées argileuses.
Le substratum est hétérogène, avec une discontinuité majeure sous le site et des terrains instables ; ces faits sont très défavorables à l’implantation d’un site de stockage de déchets.
L’hydrologie rend aussi le projet très risqué. Les piézomètres (forages servant à voir la hauteur de la nappe d’eau souterraine) implantés par Oriente Environnement indiquent une nappe alimentée en permanence et qui inonderait les casiers de déchets ménagers.
Les essais de perméabilité montrent que 2 trous sur 7 ont été impossibles à saturer, ce qui signifie une perméabilité importante à certains endroits (là où la nappe est drainée vers le fleuve) et ce au niveau du site prévu pour les déchets ménagers.
En conclusion, à l’endroit prévu pour stocker des déchets (ménagers et amiantifères), le substratum est hétérogène, à pendage dirigé vers le Tavignanu ; il est faillé et intrinsèquement instable. La présence de serpentinite obligerait à une prudence certaine. Une nappe permanente existe avec des points de drainage préférentiels. L’implantation de sites de stockage de déchets menacerait gravement le fleuve, ses écosystèmes et les usages de l’eau par les populations en aval.
B – Agriculture
La zone est exploitée à des fins agricoles depuis au moins le début des années 70 et des parcelles sont déclarées comme « prairies temporaires » au RPG jusqu’en 2017. Le projet de centre d’enfouissement de déchets est sur des parcelles : à « grande valeur agronomique » -cf carte Sodeteg ci-dessous-. Ce sont des espaces stratégiques agricoles (ESA) –en jaune sur carte du Padduc ci-dessous- bénéficiant d’une AOC : les parcelles support du projet sont des ESA inconstructibles.
La commune de Giuncaggio ne possédant aucun document d’urbanisme, la cartographie des ESA y est opposable. Et les ESA sont soumis, réglementairement, à un principe général d’inconstructibilité.
C – Biodiversité
Le nombre d’espèces et d’habitats très protégés est très important. La doctrine Eviter, Réduire et Compenser (ERC) n’a même pas été envisagée.
Les ZNIEFF1 sont protégées par le règlement du PADDUC : Livret IV « Orientations réglementaires » page 62. En l’absence d’un document local d’urbanisme compatible, toute extension de l’urbanisation est interdite au sein de ces espaces. Or Ghjuncaghju est en RNU (Règlement National d’Urbanisme)…
Les parcelles du projet empiètent largement sur un réservoir biologique et un couloir écologique de la « Trame verte et bleue » (TVB dans la carte ci-dessous à gauche), trame qui est un document annexe du Padduc.
Le projet est donc incompatible avec le maintien de la fonctionnalité du réseau de réservoirs de biodiversité et de corridors écologiques de la trame verte et bleue. Le site n’est pas compatible avec le maintien de sa biodiversité.
Le projet est donc incompatible avec la protection de la nature : l’article L511-1 n’est pas respecté.
Par ailleurs, la DREAL de Corse et la Collectivité de Corse ont publié en février 2019 un ensemble de cartes présentant les localisations des exclusions règlementaires et des principaux enjeux au titre du code de l’environnement pour un projet de stockage des déchets. Le projet de centres d’enfouissement de déchets est en site exclu (carte ci-dessus à droite). Ces 2 institutions doivent en tirer les conséquences.